Le pari européen de CGI

Publié le 09/06/2012 à 00:00, mis à jour le 07/06/2012 à 09:13

Le pari européen de CGI

Publié le 09/06/2012 à 00:00, mis à jour le 07/06/2012 à 09:13

Serge Godin n'était pas très loquace la semaine dernière sur la petite histoire derrière l'acquisition de l'européenne Logica. Normal. La plus importante transaction de l'histoire de CGI a toutes les allures de l'acquisition opportuniste d'une entreprise en difficulté que l'on espère pouvoir redresser.

À première vue, l'achat pour 2,8 G$ de Logica (41 000 employés et 6,2 G$ de revenus), par CGI (31 000 employés et 4,2 G$ de revenus), ressemble fort à la fable de la grenouille et du boeuf.

Ne vous y fiez pas. Malgré sa taille, la valeur boursière de Logica n'était que de 1,7 G$ avant l'offre alors que celle de CGI était de près de 5,5 G$. En d'autres mots, l'une a peut-être de bien grosses ventes, mais à la dernière ligne, l'autre gagne bien plus d'argent.

On a parlé aussi de la forte prime payée par CGI (60 % sur le cours de fermeture de la veille, 50 % sur 3 mois et 33 % sur six mois). La prime est à première vue élevée, mais ça ne veut pas pour autant dire que le fleuron montréalais paie cher. Le prix offert correspond à 9,9 fois le bénéfice par action de Logica. C'est à peu près ce qui se paie actuellement sur le marché européen pour des sociétés d'information technologique. En France, Capgemini se négocie à 10,7 fois le bénéfice anticipé 2012. En Finlande, Tieto est à 9,9 fois. CGI semble donc payer un multiple de marché et non d'OPA. Pas très chère payée, Logica, donc.

Pourquoi CGI achète Logica

Depuis 2008, le prix de l'action de l'entreprise britannique se promène entre 60 et 150 pence, sans jamais réussir à vraiment s'envoler (il était revenu à près de 60 pence avant l'offre). «Depuis six ans, il y a eu peu de résultats sans une mauvaise performance dans l'un ou l'autre des pays où Logica a ses activités. Quand un problème était réglé, un autre survenait. Et parfois, le problème réglé resurgissait», dit Tom Gidley-Kitchin, de Charles Stanley.

«Logica n'a jamais été en mesure de fonctionner sur tous ses cylindres», renchérit Rogers Philipps, de Merchant Securities.

Avec l'Europe qui tangue, et nombre de ses clients qui sont maintenant plus que jamais susceptibles de reporter leurs investissements, on peut se demander si le conseil d'administration de l'européenne n'a pas décidé de jeter l'éponge et de sauter sur une prime avant la déprime.

Bref, CGI pourrait bien acheter maintenant pour deux raisons : profiter d'une faiblesse de marché en vue (anticipée dans les cours) et de dirigeants ayant perdu espoir en un redressement significatif.

CGI peut-elle faire de l'argent avec Logica ?

Ce qui se passe en Europe n'est certainement pas une bonne nouvelle.

Le plan de match est cependant intéressant. Le problème de Logica peut se résumer à ceci : elle possède plusieurs bonnes unités, mais son train semble n'avoir jamais réussi à atteindre une bonne vitesse parce que l'un ou l'autre de ses wagons était toujours en déraillement et ralentissait l'ensemble.

Or, avec 70 acquisitions à son actif, CGI est devenue une spécialiste de l'intégration. Ses processus sont uniformisés à l'intérieur de toutes ses unités, et les coûts de chacune sont gardés à l'oeil selon des politiques strictes en fonction des revenus. Ce n'est pas le cas de Logica, où les unités fonctionnent apparemment sans plan ni repères d'ensemble. Si l'histoire se répète, la probabilité est bonne que CGI réussisse à redresser notablement les marges de l'européenne.

Là ne s'arrête pas le potentiel.

S'ajoute une intéressante complémentarité géographique, qui pourrait donner passablement de levier aux deux entreprises. Par exemple, CGI a Rio Tinto et Bombardier comme clientes au Canada. Il lui est cependant difficile de les accompagner en Europe, puisqu'elle n'y a pas les équipes de soutien logistique. Les choses pourraient changer, et pas mal de revenus, s'ajouter.

Sans compter que chacune des entreprises a développé des solutions dans certains secteurs qui pourront éventuellement être offertes dans de nouveaux territoires. CGI est notamment bien présente en finance et en santé, alors que Logica a des solutions pour les services d'utilité publique.

À terme, le potentiel de création de richesse ne semble donc pas faire de doute.

Faut-il investir dans CGI ?

Le titre a bondi de près de 15 % depuis l'annonce de la transaction. Le marché semble ne prendre en compte qu'une partie de l'accroissement de 25 à 30 % du bénéfice par action prédit par la direction. Cette anticipation de croissance ne s'appuie que sur le simple jeu d'équations financières (le bas prix payé et les faibles taux d'intérêt font que le bénéfice augmente). C'est dire que le marché n'anticipe aucune des synergies décrites plus haut.

Si l'on croit que CGI réussira l'intégration et que le ressac économique en Europe ne sera pas trop sévère, il semble y avoir un potentiel important. Tout dépend de la confiance qu'on a dans les talents d'intégration de l'entreprise et de notre lecture de la situation économique à venir.

DANS LE DÉTAIL

Sur le radar

Le titre sur cinq ans

CGI (GIB.A ; 23,37 $)

Recommandation des analystes

Achat 2

Surperformance 9

Conserver 5

Sous-performe 1

Vendre 0

Cible moyenne : 26,00 $

Données de marché

Symbole : GIB.A

Prix actuel : 23,37 $

Fourchette 52 sem. : 17,02 $ - 25,03 $

Dividende : 0 $

Valeur boursière : 5,9 G$

Prévisions de bénéfices par action

ANNÉE / 2012 / 2013

30 sept. / 1,63 $ / 1,89 $

T1 / 0,40 $ / 0,45 $

T2 / 0,41 $ / 0,46 $

T3 / 0,42 $ / 0,48 $

T4 / 0,43 $ / 0,50 $

Cible des analystes

Moyenne 26 $

Plus élevée 30 $

Plus basse 23 $

Sources : Bloomberg, Thomson Reuters

blogue > www.lesaffaires.com/francois-pouliot

francois.pouliot@tc.tc

À la une

Bourse: records en clôture pour Nasdaq et S&P 500, Nvidia première capitalisation mondiale

Mis à jour le 18/06/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. Les titres de l’énergie contribuent à faire grimper le TSX.

Stellantis rappelle près de 1,2 million de véhicules aux États-Unis et au Canada

Environ 126 500 véhicules au Canada sont concernés par le rappel.

Le régulateur bancaire fédéral maintient la réserve de stabilité intérieure à 3,5%

L’endettement des ménages reste une préoccupation pour le Bureau du surintendant des institutions financières.