Lac-Mégantic : les litiges seront longs et pénibles

Publié le 03/08/2013 à 00:00

Lac-Mégantic : les litiges seront longs et pénibles

Publié le 03/08/2013 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

La tragédie de Lac-Mégantic m'a rappelé l'explosion en avril 2010 de la plateforme d'exploration de BP dans le golfe du Mexique.

Alors que BP a été reconnue principale responsable de la plus importante fuite de pétrole à survenir en mer en Amérique, le train de Montreal, Maine and Atlantic (MMA) a causé le plus important déversement de pétrole sur la terre ferme en Amérique.

Les deux entreprises ont joué au maximum avec la sécurité, car elles ont obtenu des autorités de réglementation plusieurs concessions leur permettant de prendre des raccourcis.

L'explosion de la plateforme Deepwater Horizon a été provoquée par un incendie alimenté par une fuite de gaz. Elle a coulé, sans qu'on ait pu colmater le puits foré. Résultat : 11 morts et 4,9 millions de barils de pétrole (780 millions de litres) répandus en mer, causant d'importants dommages à l'environnement, des problèmes de santé aux riverains et des pertes aux pêcheries et au tourisme.

À Lac-Mégantic, le train de la mort a lui aussi explosé. Résultat : 47 morts, destruction du centre-ville, 5,7 millions de litres de pétrole répandus.

Sur le plan de la sécurité, BP avait été épargnée de l'obligation de produire une analyse détaillée du risque d'une fuite de pétrole en mer, risque que l'on avait même qualifié de «minime ou d'inexistant», même s'il s'agissait du forage en mer le plus profond du monde. On l'avait aussi exemptée de l'installation d'un mécanisme de fermeture du puits à distance en cas d'urgence (une économie de 500 000 $ pour BP). De plus, on avait réduit la surveillance du forage par l'État et encouragé le volontarisme dans le suivi de la conformité aux exigences réglementaires et l'utilisation des «meilleures pratiques».

Quant à MMA, on lui a permis de n'utiliser qu'un conducteur et de laisser ses trains immobilisés sur la voie principale et sans surveillance. On a aussi donné au conducteur la liberté de déterminer le nombre de wagons sur lesquels les freins manuels devaient être serrés lors des immobilisations. De plus, on a toléré que les trains de MMA circulent sur une voie ferrée en très mauvais état même s'ils transportaient un produit dangereux (l'explosion des wagons-citernes aurait été provoquée ou accélérée par des additifs chimiques volatils ajoutés au pétrole).

L'une est très riche, l'autre, très pauvre

Outre le lieu et le contexte propres à ces tragédies, la grande différence entre ces deux accidents est l'envergure des principales sociétés impliquées, BP et MMA.

BP est une grande multinationale qui avait, au 31 mars 2013, des liquidités de 28 milliards de dollars américains et un avoir propre propre de 130 G $ US, alors que MMA ne vaut à peu près rien (la Caisse de dépôt a réduit à 1 000 $ la valeur de son placement de 7 millions de dollars dans MMA).

Déclarée principale responsable des dommages causés à l'environnement, aux personnes et aux sociétés par l'explosion de la plateforme de forage qu'elle avait louée, BP a déposé à cette fin en fiducie 20 G $ US et a déjà reconnu des déboursés réalisés et à venir de 19,7 G $ US. BP reconnaît que le coût total avant impôt pourrait atteindre 42,4 G $ US. De son côté, Transocean, propriétaire de la plateforme, a déboursé 1,4 G $ US.

Pour sa part, MMA a une police d'assurance de 25 M $, une somme insignifiante par rapport aux dommages causés. Toutefois, d'autres parties au dossier pourraient être considérées comme impliquées et ainsi poursuivies, puisque les wagons n'appartiennent pas à MMA et que celle-ci n'a rien à voir avec l'inflammabilité du pétrole transporté. On peut donc prévoir de très importants et de très longs litiges pour départager les responsabilités dans les causes de l'accident et fixer les dédommagements.

Alors que BP a les moyens de payer tout ce qui lui sera réclamé, ce n'est pas évident pour MMA. Qui d'autre que l'État paiera si le transporteur ferroviaire manque d'argent ?

Comme c'est le cas de Washington au regard de l'accident du golfe du Mexique, Ottawa ne peut pas se laver les mains face à la catastrophe qui aurait pu être évitée à Lac-Mégantic.

On ne peut certes pas tenir le gouvernement criminellement responsable des pertes de vie et des dommages causés, mais il devrait au moins s'excuser de ses défaillances réglementaires et s'assurer de mieux protéger ses citoyens quant au transport de matières dangereuses. Personne d'autre que l'État ne peut s'en acquitter.

MON COMMENTAIRE

J'aime

Mettant de côté sa réserve traditionnelle pour l'élection des administrateurs de sociétés, la Caisse de dépôt et placement a voté contre la réélection de trois hauts dirigeants au conseil de Wal-Mart (accusée de corruption au Mexique). De plus, la Caisse s'est abstenue de voter pour le chef de la direction de Google, qui est aussi président du conseil (entrave à l'indépendance), et pour le chef de la direction de Facebook, à cause des failles dans la gouvernance de celle-ci.

Je n'aime pas

Tout le monde est pour la saine concurrence, mais il est difficile de comprendre pourquoi le géant américain du sans-fil Verizon (revenus de 120 G $ US et 100 millions de clients) bénéficierait d'avantages inaccessibles aux sociétés BCE, Telus et Rogers. Selon leur interprétation de la réglementation, Verizon pourrait acheter deux fois plus de fréquences au Canada qu'elles-mêmes, pourrait profiter de leurs réseaux et n'aurait pas à investir dans les collectivités rurales. Verizon pourrait aussi acheter de petits fournisseurs canadiens de téléphonie mobile, ce qui ne serait pas permis aux grandes sociétés de télécommunications canadiennes.

jean-paul.gagne@tc.tc

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