La saga Kraft-Cadbury : quel triste spectacle !

Publié le 16/01/2010 à 00:00

La saga Kraft-Cadbury : quel triste spectacle !

Publié le 16/01/2010 à 00:00

Quel triste spectacle que celui de voir des dirigeants compétents qui s'entêtent dans une tentative d'acquisition destructrice de richesse ! Je fais référence à la saga Kraft-Cadbury, qui illustre bien les pièges associés à ces satanées acquisitions.

Les dirigeants d'entreprise aiment les acquisitions pour plusieurs raisons. C'est un moyen rapide de croître, d'augmenter ses parts de marché et de conquérir de nouveaux marchés, d'éliminer un concurrent, de voir sa photo dans les médias presque tous les jours, de devenir une vedette sur Wall Street, etc.

Admirable travail de restructuration

Dans le cas de Kraft Foods, la présidente Irene Rosenfeld a réalisé un admirable travail de restructuration depuis trois ans et demi. Assez admirable pour attirer Warren Buffett, qui a acheté 9,4 % des actions de Kraft, ce qui fait de lui l'actionnaire le plus important.

Mme Rosenfeld en est à la prochaine étape de son plan : stimuler la croissance.

Le 7 septembre, la dirigeante a approché le conseil d'administration de Cadbury en vue d'une fusion. Cadbury a refusé ses avances, ce qui a forcé Kraft à lancer une offre hostile.

Kraft offre alors l'équivalent de 16,7 milliards de dollars américains (G$ US) dans une combinaison d'actions et d'argent comptant. Et pour justifier la transaction, la direction mentionne des avantages comme la création d'un géant mondial de la confiserie, la complémentarité des produits et les synergies réalisables.

Une acquisition de 16,7 G$ US (sans compter la dette de 2,9 G$ US de Cadbury) est une dépense importante pour Kraft, dont la valeur boursière atteint 47 G$ US.

Kraft débourse environ 25 fois le bénéfice prévu de Cadbury en 2009 et 20 fois celui prévu en 2010. Pour sa part, le titre de Kraft s'échange actuellement à 14,4 fois le bénéfice prévu en 2009 et à 13,1 fois celui de 2010.

Or, Kraft offre d'acheter Cadbury en réglant plus de la moitié de la facture, en émettant de ses actions. Ce qui signifie qu'elle émettra des actions qui s'échangent à un prix déprimé pour acheter un actif assez bien évalué (et possiblement surévalué).

Richesse détruite

C'est cette dynamique de destruction de la richesse des actionnaires qui a mené Warren Buffett à déclarer, le 5 janvier, qu'il avait voté contre la proposition du conseil de Kraft d'autoriser l'émission de 370 millions d'actions pour réaliser l'achat de Cadbury.

Dans son communiqué, M. Buffett rappelle que Kraft a racheté 3,6 G$ US de ses actions en 2007 à environ 33 $ US l'action, probablement parce que la direction estimait que le titre était sous-évalué.

Comment justifier l'émission de ses actions, trois ans plus tard, à un prix de 26,50 $ US, soit 20 % moins cher ? Par la volonté de la direction d'agrandir son royaume, quels que soient les coûts et les impacts pour les actionnaires.

C'est comme si je vous vendais ma maison 289 000 $, après vous l'avoir achetée pour 360 000 $ il y a trois ans ! Irrationnel, à moins d'être au bord de la faillite, ce qui n'est pas le cas de Kraft.

Une solution simple et payante

Adopter une attitude pro-actionnaire serait beaucoup plus simple. Par exemple, le conseil de Kraft pourrait racheter pour 8 G$ US de ses actions à 30 $ US l'action. Elle rachèterait ainsi 266 millions de ses actions, réduisant de 16 % le nombre de celles-ci .

À environ 13 fois le bénéfice prévu en 2010, un tel rachat rapporterait environ du 7 %. Il s'agit du rendement procuré par le bénéfice de la société qu'on calcule en prenant l'inverse du ratio cours-bénéfice (soit 1/13 X 100). Cela ne tient pas compte du rendement de dividende de 4 %.

Kraft pourrait facilement financer un tel rachat avec de la dette sur laquelle elle paierait un intérêt de 5 %, enrichissant immédiatement ses actionnaires. Sans mentionner l'effet de levier positif à long terme (les bénéfices futurs seraient répartis sur un moins grand nombre d'actions).

Enfin, un rachat massif d'actions n'est pas exposé aux risques immenses qui planent sur toute fusion d'entreprises importantes. Selon l'analyste Kenneth B. Zaslow, de BMO Marchés des capitaux, Kraft devra faire mentir l'histoire. En effet, M. Zaslow observe que peu d'acquisitions majeures dans le secteur de la transformation alimentaire ont donné les résultats escomptés dans un délai raisonnable. L'intégration sera difficile et nécessitera beaucoup de temps et d'efforts pour la direction de Kraft.

Un rachat d'actions passerait presque inaperçu à Wall Street, tandis qu'une acquisition comme celle de Cadbury a tout pour flatter l'ego des dirigeants. Malheureusement, c'est peut-être ce qui compte vraiment dans les salles des conseils d'administration...

De mon blogue

www.lesaffaires.com/bernard-mooney

Où va Google ?

Google est une société exceptionnelle, il n'y a pas de doute là-dessus. Par contre, je ne comprends pas l'idée de lancer son propre téléphone cellulaire (le Nexus One). Google fait son argent dans la recherche Internet. Je sais qu'elle veut étendre ses tentacules dans le domaine connexe de la recherche Internet effectuée sur les téléphones intelligents.

Dans ce sens, le lancement de son propre système d'exploitation pour la téléphonie mobile, Android, était rationnel. Google s'assurait ainsi d'être présente dans ce secteur en forte croissance. Mais lancer son cellulaire pour soi-disant faire concurrence aux Apple de ce monde ? Je ne comprends pas ! Quelqu'un peut-il m'expliquer la décision de Google ?

Vos réactions

" Je ne suis pas d'accord avec vous. Google est une de ces sociétés qui n'aiment pas rester dans les sentiers battus. "

- Getalife

" Je ne crois pas que la décision de Google vise seulement à renforcer sa position dans le marketing interactif. Il s'agit vraisemblablement du début d'une stratégie de diversification. "

- Y.S.

bernard.mooney@transcontinental.ca

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