Il faut un équilibre entre la recherche de base et appliquée

Publié le 18/05/2013 à 00:00

Il faut un équilibre entre la recherche de base et appliquée

Publié le 18/05/2013 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Le virage du gouvernement canadien vers un financement accru de la recherche appliquée a été accueilli avec réserve par les milieux associés à la recherche fondamentale.

Ceux-ci craignent que l'accroissement des crédits, destinés aux projets de recherche et développement (R-D) liés aux besoins des entreprises, ne se fasse aux dépens de la recherche fondamentale, qui s'effectue principalement dans les universités.

La réorientation de la stratégie fédérale de soutien à la R-D que vient d'annoncer le ministre d'État (Sciences et Technologie), Gary Goodyear, était déjà visible dans le dernier budget. On y apprenait en effet qu'une somme de 121 millions de dollars serait attribuée au Conseil national de recherches du Canada (CNRC) en deux ans pour «favoriser la croissance d'entreprises innovatrices au Canada».

Le CNRC pourra fournir aux entreprises «des services techniques, du soutien pour des projets de R-D appliquée, des accès à des laboratoires et à des installations d'essai spécialisés et des liens avec des organismes de recherche de pointe dans le monde».

L'inquiétude des milieux associés à la recherche fondamentale paraît fondée à première vue, mais rien n'indique qu'Ottawa a abandonné ce type de recherches. Au contraire, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a accordé à Génome Canada, qui finance la recherche en génomique, un budget de 165 M$ pour l'exercice 2014-2015. Il a également octroyé des crédits additionnels de 37 M$ en 2013-2014 et pour les années suivantes aux conseils subventionnaires qui gèrent des fonds destinés à la recherche fondamentale en santé, en sciences naturelles et génie et en sciences humaines. Certes, Ottawa projette de «soutenir davantage de partenariats entre les entreprises et des chercheurs» du milieu universitaire. Mais il ne faut pas s'en scandaliser, puisqu'on peut ainsi multiplier le financement total et l'impact des projets de recherche au profit de l'ensemble de la société.

Les chercheurs veulent avoir la liberté totale sur tous leurs projets de recherche, mais c'est un luxe que le Canada n'a pas les moyens de se payer. D'autant plus qu'il est le pays du G7 qui consacre la plus importante part de son PIB à la recherche faite à l'université, soit 0,65 %, devant l'Allemagne (0,5 % de son PIB).

Virage justifié

Jusqu'à preuve du contraire, la nouvelle stratégie d'Ottawa en faveur d'une plus forte collaboration des milieux de la recherche et des entreprises semble justifiée. En effet, malgré la forte contribution de l'État au financement de la R-D (le Québec n'est pas en reste), le Canada tire de l'arrière par rapport à plusieurs pays industrialisés sur le plan de l'innovation et de la productivité.

C'est ce constat qui avait amené le comité d'experts présidé par Tom Jenkins à proposer, en 2011, de changer la mission du CNRC.

Nous disposons d'un bassin de chercheurs impressionnant, mais leurs travaux, qui font l'objet de nombreuses publications dans les revues scientifiques, ne génèrent pas suffisamment d'innovations, d'applications et de produits à haute teneur technologique. Nous avons aussi de graves lacunes sur le plan de la valorisation et de la commercialisation de nos découvertes, ainsi que de la création d'entreprises technologiques et de leur financement. Cela explique les nombreuses ventes à l'étranger de droits sur la propriété intellectuelle.

Seul l'avenir dira si le nouveau mandat donné au CNRC produira le résultat espéré. Mais une chose est certaine : nos gouvernements doivent continuer à soutenir la recherche de base, même s'il importe de donner un coup de barre vers la R-D appliquée.

Gary Goodyear dit s'être inspiré de la société Fraunhofer d'Allemagne (budget de 1,85 milliard d'euros en 2011), qui finance 60 instituts de R-D appliquée et qui compte 20 000 employés. La Fraunhofer est financée à 70 % par l'État et à 30 % par les sociétés avec lesquelles elle réalise des projets de recherche.

Or, l'écosystème allemand de R-D comprend aussi la société Max-Planck, qui finance 80 instituts de recherche de base. Cette organisation avait en 2012 un budget de deux milliards d'euros, 17 000 employés et 4 800 chercheurs invités. Elle est financée à 85 % par l'État.

Le Canada peut imiter le système Fraunhofer, qui produit d'excellents résultats, comme le prouve l'excellence de la technologie allemande. Mais, à l'instar de l'Allemagne, il ne faut pas pour autant négliger la recherche de base.

MON COMMENTAIRE

J'aime

L'École de technologie supérieure et l'Université McGill mettront en commun leur savoir respectif pour développer le Quartier de l'innovation de Montréal (QI). Les deux universités ont signé à cette fin un partenariat de 25 ans. Le QI bénéficiera du leadership de McGill en recherche de base et de son réseau international, alors que l'ÉTS apportera son expertise à la recherche appliquée et au transfert technologique, et mettra à profit ses liens étroits avec les PME.

Je n'aime pas

Ottawa n'a recouvré que 7,7 M$ d'impôt sur des sommes cachées à l'étranger par des Canadiens entre le 1er avril 2006 et le 31 mars 2012. Ces 44 fraudeurs ont aussi payé 6,8 M$ en amendes. Ce maigre résultat démontre le peu d'effort consacré à cet enjeu par le gouvernement Harper, qui vient toutefois de mettre sur pied une petite équipe d'experts pour débusquer l'évasion fiscale et l'évitement fiscal abusif. On entend aussi rémunérer des délateurs. Le ministre Jim Flaherty veut récupérer 4,3 milliards de dollars d'impôt évité au cours des six prochaines années. L'Initiative pour la réforme de l'imputabilité fédérale estime que les Canadiens détiennent 170 G$ dans 12 paradis fiscaux.

jean-paul.gagne@tc.tc

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