Il est justifié que l'État appuie notre industrie de l'aluminium

Publié le 12/10/2013 à 00:00

Il est justifié que l'État appuie notre industrie de l'aluminium

Publié le 12/10/2013 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Les perceptions sont parfois déconcertantes. Alors que l'on se réjouit tout naturellement des crédits d'impôt consentis à l'industrie des jeux vidéo, on jette souvent un regard très critique sur les rabais d'électricité alloués aux producteurs d'aluminium.

Ces deux industries bénéficient de l'aide de l'État et on doit être heureux de leur contribution à l'emploi et au rayonnement international du Québec. Elles sont toutefois très différentes sur le plan des retombées économiques qu'elles produisent.

Voyons ce que le gouvernement du Québec vient d'offrir à Ubisoft : une subvention de 9,9 millions de dollars et un crédit d'impôt représentant 37,5 % du salaire brut versé aux 500 employés qui seront recrutés au cours des sept prochaines années. De plus, Québec a rendu admissibles au crédit d'impôt cinq métiers additionnels et a supprimé le plafond de 36 mois pouvant s'écouler entre le début de la conception d'un jeu et son achèvement. Ubisoft prévoit investir 373 M $ durant cette période. Il s'agira surtout de dépenses de salaires, le reste étant constitué d'ordinateurs, de serveurs, de logiciels et autres produits du genre, dont la plupart sont achetés à l'étranger.

Québec refuse de quantifier le coût de son soutien, mais ces emplois coûtent cher, assurément. De plus, les retombées des investissements de cette industrie sont plutôt minces : le salaire imposable est réduit, et l'entreprise fait appel à peu de fournisseurs locaux.

L'apport économique de l'industrie de l'aluminium est tout autre, car celle-ci nécessite de très importantes immobilisations. Selon une étude de Deloitte, les six alumineries qui ont bénéficié de contrats à risques partagés ou qui paient déjà le tarif L d'Hydro-Québec ont investi 9,4 milliards de dollars, de 1984 à 2005. De plus, elles ont dépensé une moyenne de 375 M $ par année pour améliorer leur productivité, soit un total de 9 G $ sur 21 ans.

En tenant compte de tous leurs coûts d'exploitation (salaires, énergie, ingénierie, équipements, fournitures, etc.), ces six alumineries ont dépensé au Québec en 2012 une somme de 1,51 G $, soit 74 % de leurs dépenses totales. En même temps, elles ont payé à Ottawa et Québec des taxes et impôts respectifs de 65 M $ et de 91 M $. Pour leur part, les municipalités avaient perçu 47 M $ en 2005. Les alumineries qui s'autoalimentent en énergie procurent des retombées analogues.

La présence au Québec de neuf alumineries permet de soutenir un réseau de 4 500 fournisseurs et de 1 850 utilisateurs d'aluminium. Cette industrie compte 9 500 emplois directs, mais en soutient quelque 20 000 autres de façon indirecte. C'est une grappe industrielle très importante, dont la valeur ajoutée est de 1,6 G $, selon le tableau intersectoriel de l'Institut de la statistique du Québec. De plus, elle compte pour 4 % du PIB manufacturier du Québec.

Les alumineries font partie des grandes consommatrices d'énergie du Québec, dont l'apport à l'économie de la province en salaires et en achats de matières premières, équipements et services divers représente l'équivalent de 16,4 cents par kilowattheure consommé, ce qui est bien supérieur au prix moyen de 4,6 ¢/kWh de l'électricité exportée en 2011. C'est aussi bien supérieur au prix moyen de 3,07 ¢/kWh payé par les alumineries bénéficiant de contrats spéciaux, qui auront tous expiré à la fin de 2016. Si rien n'est fait et que la hausse demandée par Hydro-Québec est acceptée, elles passeront au tarif L de 4,25 ¢ en 2013 et de 4,46 ¢ en 2014. À 4,25 ¢, le passage au tarif L représenterait une hausse d'environ 35 % de leur facture globale d'électricité, principal intrant de leur production.

Ces alumineries se retrouveraient alors au quatrième quartile de toutes les alumineries du monde pour les coûts en énergie et deviendraient non concurrentielles face à celles de plusieurs régions, dont le Moyen-Orient, où les deux plus grandes alumineries viennent d'être construites.

C'est à Québec qu'appartient la décision de dynamiser notre industrie de l'aluminium (4e du monde) ou de la laisser s'étioler. Quand on prend en compte les retombées économiques de cette industrie, il est tout à fait justifié que l'État la soutienne. Il serait même irresponsable de ne pas le faire, alors que la plupart des alumineries concurrentes sont alimentées en hydrocarbures et contribuent beaucoup au réchauffement de la planète.

En même temps, Québec soutiendrait notre secteur manufacturier, qui s'effiloche comme une peau de chagrin depuis longtemps.

jean-paul.gagne@tc.tc

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