Financement politique : une réforme qui exigera courage et imagination

Publié le 03/11/2012 à 00:00

Financement politique : une réforme qui exigera courage et imagination

Publié le 03/11/2012 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

En Alberta, le propriétaire des Oilers d'Edmonton, le milliardaire Daryl Katz, a donné 430 000 $ au Parti conservateur le printemps dernier, alors que ce dernier tirait de l'arrière dans les sondages. C'est peut-être grâce à ce don que le parti d'Alison Redford a été réélu.

L'affaire fait l'objet d'une enquête, car, selon la loi albertaine, une personne ne peut pas verser plus de 30 000 $ à un parti. Daryl Katz a utilisé des prête-noms (des membres de sa famille et des employés). Ce don était intéressé : M. Katz demande 100 millions de dollars au gouvernement de la province pour financer le futur amphithéâtre des Oilers.

On est loin du débat éthique en cours au Québec, où tout don non déclaré est interdit et où le Parti québécois et la Coalition Avenir Québec veulent faire passer de 1 000 $ à 100 $ par personne la contribution annuelle maximale à un parti politique. La réduction de 3 000 $ à 1 000 $ du plafond est l'oeuvre du gouvernement Charest, qui a aussi légiféré pour que les dons passent par le Bureau du directeur général des élections avant d'être remis aux partis.

Le plafond de 3 000 $ avait été établi en 1977 par les péquistes, mais celui-ci a favorisé la mise en place d'un système de prête-noms dont ont été victimes aussi bien le Parti québécois (96 000 $ reçus de Groupe Action en 2006) que le Parti libéral (113 500 $ reçus du Groupe Axor en 2006, 2007 et 2008). Le Parti québécois avait aussi interdit le financement des entreprises, un principe imité par le gouvernement Harper il y a quelques années.

Abaisser à 100 $ la contribution maximale aux partis provinciaux réduirait encore leur financement privé, qui est passé de 18,2 M$ en 2008 à 8,3 M$ en 2011. Autre impact, cette mesure n'empêcherait personne de financer illégalement un parti ou des candidats sans l'existence d'un dispositif de dissuasion suffisamment puissant pour le contrer. Il y aura toujours des profiteurs prêts à soudoyer des politiciens et des fonctionnaires qui aiment l'argent et qui sont prêts à se laisser corrompre.

Les effets pervers de l'accroissement du financement public

Il faut donc penser à autre chose. Le premier réflexe est d'accroître le financement public. Or, il y a plusieurs effets pervers à cette option : coût accru pour les contribuables ; dépendance amplifiée des partis envers l'État, ce qui pourrait les désintéresser de leur base et serait malsain pour la démocratie ; et iniquités inhérentes à l'égard de certains partis dans la gestion du mécanisme de répartition des fonds publics.

De plus, un financement public accru créerait un problème concernant le financement des nouveaux partis. Devrait-on les subventionner en fonction du nombre d'adhérents ? Comment éviterait-on l'iniquité dont ils seraient victimes par rapport aux partis établis ? La formation ayant obtenu le plus grand nombre de votes à l'élection précédente recevrait-elle de l'État toujours plus d'argent que les autres ? Est-ce à dire que ce financement public l'aiderait à accroître ses chances d'être reporté au pouvoir ? Les partis municipaux seraient les plus désavantagés, car leur durée de vie est éphémère.

Financement ouvert et transparent

Pour sa part, Pierre F. Côté, ex-directeur général des élections, propose de réintroduire le financement des entreprises pourvu qu'il soit raisonnable - jusqu'à un maximum de 5 000 $ - et divulgué rapidement. Les donneurs d'ouvrage y penseraient deux fois avant d'accorder un contrat accordé à une entreprise donatrice au parti au pouvoir. Il faut aussi réduire le plafond des dépenses électorales. François Legault propose 4 M$, la moitié de ce que le PLQ et le PQ ont dépensé cette année.

Que le financement des partis soit privé ou public, ou que le maximum permis soit raisonnable ou insignifiant, il y aura toujours une possibilité de financement clandestin.

Et puisque la corruption a pénétré le financement des partis, il faut resserrer le processus d'octroi des contrats, établir une rotation des fonctionnaires qui les préparent, améliorer la surveillance de l'exécution des travaux et instaurer des peines très sévères pour quiconque serait trouvé coupable de corruption, de collusion ou de tentative à ces fins.

Il faut aussi encourager la dénonciation, ce qui nécessitera une protection et une récompense adéquates pour toute personne qui aura utilisé ce dispositif à bon escient et dont l'action aura mené à un résultat concret.

La réforme du financement des partis politiques sera complexe. Leurs leaders devront être imaginatifs, réalistes et courageux.

MON COMMENTAIRE

J'aime

La Bourse de Toronto vient de modifier son «Guide à l'intention des sociétés de la TSX» afin de permettre aux actionnaires de voter pour chaque administrateur individuellement plutôt que pour une liste. Les actionnaires pourront voter «pour» ou «s'abstenir». Les administrateurs qui auront obtenu une majorité d'abstentions devront démissionner. Les émetteurs qui refuseront cette directive devront en fournir la raison à leurs actionnaires.

Je n'aime pas

Selon La Presse, la Sûreté du Québec refuse de remettre à la commission Charbonneau des transcriptions issues de l'opération Diligence, portant sur la criminalité dans la construction. Environ 20 000 heures d'écoute ont été consacrées à cette enquête qui vise notamment la FTQ Construction. Un fait troublant de ce dossier est, selon l'émission Enquête de Radio-Canada, l'arrêt de la filature d'Eddy Brandone, ex-dirigeant de la FTQ Construction, dans l'heure qui a suivi une rencontre avec l'ex-premier ministre Jean Charest. Espérons que le nouveau directeur de la SQ, Mario Laprise, sera plus réceptif que son prédécesseur aux demandes de la commission d'enquête.

jean-paul.gagne@tc.tc

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