2012 vue par nos chroniqueurs

Publié le 17/12/2011 à 00:00

2012 vue par nos chroniqueurs

Publié le 17/12/2011 à 00:00

Récession, marchés boursiers, taux d'intérêt, événements à surveiller et surprises de 2012. Nos chroniqueurs Bernard Mooney et François Pouliot se mouillent et y vont de leurs prédictions.

Y AURA-T-IL UNE RÉCESSION EN 2012 ?

B.M. - Il y a eu un ralentissement cette année aux États-Unis, provoqué entre autres par les retombées du tsunami au Japon. De plus, la faible création d'emplois a nourri les craintes que ce ralentissement ne se transforme en récession, voire pire. Mais l'économie américaine a rebondi depuis.

Avec toutes les mesures pour stimuler l'économie, les risques de récession sont très faibles. La croissance des États-Unis se poursuivra donc en 2012. Sa vigueur dépendra de l'immobilier résidentiel et de la confiance des consommateurs.

Les économies canadienne et québécoise devraient également continuer leur progression l'an prochain, profitant de la croissance aux États-Unis.

Les risques de récession sont plus grands en Europe, mais cette région devrait l'éviter si le reste de la planète continue de croître. À mon avis, la région du monde qui pourrait nous réserver de mauvaises surprises est la Chine. Les récessions sont souvent le résultat d'excès économiques, et c'est en Chine que ceux-ci sont les plus importants.

F.P. - La logique commande qu'il y en ait une, mais il se pourrait bien que l'on réussisse à gagner un peu de temps.

Les économies mondiales ont rarement eu autant d'artifices comme vent arrière. À peu près partout sur la planète, les États sont en déficit, et pas avec de petits ratios par rapport à leur PIB.

Plus on regarde les finances des pays européens, plus la probabilité que la banque centrale doive intervenir comme prêteur de dernier recours semble grandissante. Les mesures d'austérité en Grèce n'ont fait qu'aggraver la crise, il serait étonnant qu'il en soit autrement ailleurs. De plus petits pays, comme l'Irlande, ne font plus les manchettes parce que leur ratio déficit/PIB est en avance sur la cible fixée. Mais avec une déficit qui s'élève à 10 % du PIB, le travail à faire reste colossal.

Les États-Unis seront en année électorale, et il serait étonnant que les gouvernements retirent les stimulis de l'économie. On pourrait donc flotter encore un peu en 2012. La probabilité de récession est cependant grande pour 2013.

LE PLUS INTÉRESSANT MARCHÉ BOURSIER POUR 2012 ?

B.M. - Tous les ingrédients sont réunis pour que le marché haussier se poursuive en 2012. Ainsi, les principales Bourses devraient bien performer. En effet, le contexte économique devrait rester favorable, les taux d'intérêt sont déprimés et les actions se négocient à des prix attrayants.

Quant à savoir quel marché boursier est le plus intéressant, la réponse dépend du niveau de risque que vous voulez prendre. Si je tiens compte des risques, c'est la Bourse américaine qui est la plus intéressante, plus spécifiquement les titres à grande capitalisation. Un investisseur peut trouver suffisamment de titres intéressants pour se bâtir un bon portefeuille uniquement à l'intérieur de l'indice Dow Jones, qui ne contient que 30 titres.

Les titres de multinationales de très grande qualité s'échangent au même prix que les titres beaucoup plus petits et plus risqués.

Pour l'investisseur qui n'a pas froid aux yeux, le contexte devrait être assez favorable pour les Bourses des pays émergents en 2012. Soyez prêt à expérimenter une volatilité encore plus élevée que celle des Bourses nord-américaines.

F.P. - À la fin de novembre, le stratège Vincent Delisle, de Scotia Capital, dressait un intéressant portrait des multiples des différents marchés boursiers dans le monde et de la croissance des bénéfices attendue.

On a divisé la croissance des bénéfices attendue des 12 prochains mois dans chacun des pays par le multiple de l'indice boursier de ce dernier. Le résultat le plus élevé donne théoriquement le pays qui offre le meilleur potentiel de rendement comportant le plus faible risque. C'est le Japon qui remporte la palme avec une croissance attendue des bénéfices de 20 % et un multiple de seulement 11,3. La Corée du Sud suit avec une croissance attendue de 13 % et un multiple de 8,7.

Viennent ensuite le Canada et la Chine, avec une croissance respective des bénéfices de 17 % et de 12 %, et des multiples de 12 et de 8,6.

Il est difficile de jouer la plupart de ces marchés, autrement que par les fonds d'investissement. Et même à cela, il y a souvent un risque de change. Bref, dans le contexte, le Canada apparaît le marché le plus intéressant pour 2012.

LES TAUX D'INTÉRÊT ONT-ILS ATTEINT UN CREUX ?

B.M. - À très long terme, nous sommes en train d'établir d'importants creux en ce qui a trait aux taux d'intérêt. Ce qui signifie des sommets importants concernant le marché obligataire.

Les taux sont en baisse depuis le début des années 1980, alors que les autorités monétaires ont combattu l'inflation en les relevant à des niveaux historiques. Trente ans plus tard, les autorités combattent maintenant le démon de la déflation, en ajoutant des liquidités dans les économies en quantité gargantuesque. Je crois que les banques centrales réussiront à vaincre la déflation, mais je ne sais pas quand. Le principal risque c'est qu'il faille plus de temps que prévu. Dans ce sens, je ne suis pas certain que les taux d'intérêt repartiront à la hausse en 2012. Cela pourrait bien être en 2013. Vu à très long terme, nous sommes en train d'établir des bas historiques, et le marché obligataire risque beaucoup plus de baisser que de réaliser des gains. Attention !

F.P. - Il se pourrait bien que non. Selon ce qui se passera en Europe, Paul-André Pinsonnault, économiste à la Banque Nationale, croit que les taux d'intérêt de 10 ans, à la fois au Canada et aux États-Unis, pourraient se situer entre 1,40 % et 3,30 % en 2012.

Ils avoisinent actuellement les 2 %. Si les troubles européens se dissipent, les taux remonteront. Les investisseurs du marché obligataire sortiront de celui-ci pour se diriger vers d'autres placements (comme les actions). La Réserve fédérale diminuera aussi ses interventions pour maintenir les taux bas (elle vend actuellement des obligations à court terme pour racheter des obligations à long terme, une opération nommée Twist).

Si l'économie périclite, par contre, les banques centrales pourraient accroître leurs interventions pour maintenir les taux bas. La Fed indique qu'elle veut des taux bas jusqu'en 2013. Si jamais elle prolongeait son opération Twist, les taux baisseraient sans doute encore davantage.

On tablerait sur des taux stables pour cette année.

L'ÉVÉNEMENT À SURVEILLER EN 2012 ?

B.M. - Il n'y aura pas un, mais deux événements politiques à suivre de près l'an prochain : les élections présidentielles américaines et le changement de garde en Chine.

La course entre le président actuel, Barack Obama, et son opposant républicain fera les manchettes en 2012. Le choix sera perçu comme étant très important, le prochain président américain devant attaquer des problèmes comme l'immense déficit dans un contexte de chômage élevé. Étant donné la faiblesse du leadership républicain, les probabilités d'une réélection de Barack Obama sont bonnes.

Le changement de garde en Chine est moins médiatisé, mais tout aussi important. À l'automne 2012, le Parti communiste chinois (PCC) choisira ses nouveaux dirigeants lors de son 18e congrès national.

Selon les experts, il est quasi certain que Xi Jinping remplacera Hu Jintao comme président, et que Li Keqiang succédera à Wen Jiabao au poste de premier ministre. Le nouveau président chinois sera un acteur politique encore plus important sur la scène internationale, car la Chine est une puissance mondiale de plus en plus reconnue.

Toutefois, le pays a de nombreux problèmes comme la surchauffe immobilière, et plusieurs observateurs estiment que les nouveaux dirigeants s'y attaqueront avec vigueur dès le début de leur règne.

F.P. - L'évolution de la crise européenne sera l'événement le plus important en 2012. Quelques enjeux plus spécifiques devraient cependant aussi trouver réponse l'an prochain.

Le gouvernement canadien doit présenter sa politique sur la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications. Certains estiment qu'une libéralisation totale permettrait d'abaisser les coûts pour les usagers. C'est loin d'être certain. Pour l'investisseur, c'est de potentielles primes advenant une offre publique d'achat. En revanche, des sièges sociaux comme ceux de BCE ou de Telus pourraient déménager. Quelque chose nous dit que le gouvernement maintiendra les règles de propriété canadiennes pour les acteurs actuels et les allégera pour les nouveaux arrivants.

À surveiller aussi, la question des redevances aux télés généralistes. La Cour suprême doit rendre une décision en 2012. Pour TVA, notamment, c'est un potentiel de revenus supplémentaires intéressant.

LE SECTEUR LE PLUS DANGEREUX EN 2012 ET CELUI LE PLUS NÉGLIGÉ ?

B.M. - Pour moi, un secteur dangereux en Bourse, c'est un secteur trop populaire, ce qui se mesure par l'évaluation astronomique des titres. Or, actuellement, il n'y a pas vraiment de tel secteur. Étant donné que le marché boursier a connu des mois difficiles depuis un an, les titres très surévalués sont rares. Du côté des secteurs négligés, il faut regarder chez les financières, en particulier les banques américaines. Ces dernières ont beaucoup assaini leur bilan et se retrouvent avec plus de liquidités que jamais. Elles sont donc bien placées pour profiter d'une reprise de la demande des prêts qui va de pair avec une économie plus saine. Enfin, ces titres se négocient à des ratios cours-bénéfice peu élevés et sont prêts à récompenser leurs actionnaires avec des dividendes plus élevés et des rachats d'actions.

F.P. - Sans dire qu'un effondrement s'en vient, on serait prudent avec l'immobilier. Particulièrement si vous songez à acquérir une propriété.

Le prix des maisons a atteint à certains endroits des niveaux qui semblent dangereusement élevés. Les budgets ne sont pas encore équilibrés au pays et d'autres demandes seront faites aux contribuables. Au Québec, par exemple, la TVQ augmentera d'un autre point de pourcentage en 2012. Si les taux d'intérêt remontent en plus, les prix de l'immobilier risquent d'être ébranlés. Le risque semble plus grand que le potentiel.

On ne voit pas vraiment de secteur négligé dans le contexte actuel. Sauf peut-être celui des pharmacies, pour l'investisseur ayant un horizon de long terme. Les réformes de la santé continueront de mettre de la pression en 2012. Les résultats et les multiples d'évaluation sont compressés alors que la démographie jouera bientôt encore davantage en faveur du secteur.

CE QUI POURRAIT SURPRENDRE EN 2012 ?

B.M. - Malgré la morosité actuelle, une croissance économique plus forte que prévu pourrait être la grande surprise de 2012. Et tout est en place pour cela, que ce soit les taux d'intérêt très favorables et les politiques monétaires et fiscales très accommodantes. En fait, le principal frein est d'ordre émotif : c'est la faible confiance aux États-Unis qui influe sur les consommateurs et les dirigeants d'entreprise.

Jusqu'à maintenant, la reprise s'est faite malgré un consommateur déprimé. Si ce dernier change d'humeur, la croissance pourrait être plus vigoureuse qu'on ne le croit. De plus, ce dernier point pourrait permettre la relance tant attendue du secteur immobilier, autre facteur d'une croissance plus soutenue.

Cela dit, il ne faut pas s'attendre à un grand boom économique durant plusieurs années. Plusieurs facteurs limiteront la croissance à long terme.

F.P. - Air Canada et Bombardier. La question est de savoir si ce sera positivement ou négativement.

Air Canada. Le transporteur travaille à la diminution de ses coûts et atteint les cibles qu'il s'est fixées. Il traîne toujours une lourde dette qui risque de l'entraîner vers le fond si l'économie ralentit trop fortement. Pour l'instant, tout va et les attentes sont très faibles, donc, si les perspectives s'embellissent, le titre pourrait grimper significativement.

Bombardier. Le déficit des régimes de retraite est important. Une baisse des taux d'intérêt n'aiderait pas la situation. Pendant ce temps, les ventes de jets régionaux sont sous pression. Maintenant qu'Airbus, Boeing et Embraer ont annoncé leurs intentions quant au segment d'appareils de 110-130 passagers, le paysage est clair. Des commandes de CSeries pourraient ramener l'optimisme, leur absence, accentuer le pessimisme.

«La Chine pourrait nous réserver de mauvaises surprises. Les récessions sont le résultat d'excès économiques, et c'est là-bas que ceux-ci sont les plus importants.» - Bernard Mooney

«Si l'économie périclite, les banques centrales pourraient accroître leurs interventions pour maintenir les taux bas.» - François Pouliot

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