Un projet discriminatoire et abusif qui divisera le Québec

Publié le 21/09/2013 à 00:00

Un projet discriminatoire et abusif qui divisera le Québec

Publié le 21/09/2013 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Le rapport de la Commission Bouchard-Taylor sur les pratiques d'accommodements liées aux différences culturelles nous avait indiqué la voie à suivre : 1) refuser la peur de l'autre, le retrait et la ghettoïsation au sein de notre société ; 2) prendre le parti de l'intégration des minorités culturelles concernant le pluralisme, l'égalité et la réciprocité dans la construction d'une identité québécoise commune.

Malheureusement, ce n'est pas l'approche adoptée par le gouvernement Marois dans la suite qu'il entend donner aux recommandations judicieuses et mesurées de ce rapport.

Au contraire, la Charte des valeurs québécoises (on peut légiférer sur des normes, pas sur des valeurs) qu'il propose est abusive et très probablement inconstitutionnelle. De plus, si elle devient loi, cette charte aura pour effet de diviser les Québécois de plusieurs façons :

- Montréal, où l'interdiction des signes religieux aux employés de l'État, des municipalités, des hôpitaux, des universités et des cégeps est très mal reçue, contre les régions, où il existe une certaine méfiance à l'endroit des Québécois issus de l'immigration au cours des 80 dernières années. Les plus âgés d'entre nous se rappelleront l'antisémitisme rampant affiché par certaines personnalités politiques et une certaine élite intellectuelle et même cléricale. Aujourd'hui, ce sont les musulmans qui soulèvent la peur, à cause de l'intégrisme de certains membres de leur communauté ;

- les Québécois francophones de souche, le «nous», contre le «eux», qui désigne généralement les minorités culturelles qui, pour certains, ne sont pas de vrais Québécois ;

- les fonctionnaires qui travaillent pour les entités associées au gouvernement du Québec ou pour les municipalités, et qui ne pourront s'exempter de l'interdiction d'arborer un symbole religieux ostentatoire (un vêtement, une croix, une kippa, un turban, etc.), contre les employés des entités qui auront bénéficié d'une exemption. Une chargée de cours, qui enseigne dans deux cégeps (l'un, exempté, l'autre, pas) et qui désire porter un voile, devra respecter deux codes vestimentaires ;

- les intellectuels, qui s'opposent en grand nombre à la discrimination au nom de signes religieux, contre la majorité silencieuse francophone de souche ; le PQ parie sur la probabilité de gagner plus de votes au sein de cette majorité qu'il n'en perdra dans les milieux anglophones, allophones et intellectuels. C'est la stratégie de la division (wedge politics issue). C'est machiavélique, mais cela marche... parfois.

Conséquence inattendue toutefois pour le PQ, le projet de charte divise aussi le clan souverainiste, surtout depuis l'expulsion cavalière du caucus du Bloc québécois de Maria Mourani, seule femme, seule députée de Montréal de son parti et seule allophone du PQ et du Bloc réunis. Cette doctrine du «crois ou meurs» ruinera les efforts de plusieurs années de séduction des minorités culturelles par le mouvement souverainiste.

Mauvais pour notre économie

En plus de limiter les droits individuels, le projet de charte est risqué sur d'autres plans.

Puisque le projet a été lancé sans études sérieuses (à part les sondages réalisés pour peaufiner la stratégie électoraliste), le gouvernement n'a pas évalué les dommages collatéraux que sa charte peut causer à l'accès à l'emploi des minorités culturelles, à leur intégration à la société et à l'harmonie sociale.

Le ministre Bernard Drainville dit s'appuyer sur un «malaise» qu'il perçoit dans la population. Cet argument peu convaincant rappelle les erreurs de fait de la première ministre sur le multiculturalisme britannique, qu'elle a associé au terrorisme, et sur le modèle d'intégration de la France, qu'elle a faussement présentée comme un succès.

Le débat acrimonieux qui a cours se poursuivra si l'interdiction des signes religieux ostentatoires est maintenue dans le projet. Celui-ci risque de nous faire paraître comme xénophobe, d'encourager l'émigration et de nous priver d'immigrants qualifiés.

Le projet pourrait rallier une bonne partie de l'opinion s'il se limitait à proposer un cadre de gestion des accommodements raisonnables et à statuer sur la neutralité de l'État face aux pratiques religieuses, l'égalité des sexes étant déjà acquise.

Au lieu de s'improviser en architecte de l'identité québécoise, le gouvernement aurait été mieux avisé d'améliorer les politiques d'intégration. Tel qu'elle est conçue, la Charte nuira à notre prospérité. Le Québec n'a pas besoin de cela.

jean-paul.gagne@tc.tc

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