"Toutes les organisations finissent par dériver" - Patrick Kron, pdg d'Alstom

Publié le 23/07/2011 à 00:00

"Toutes les organisations finissent par dériver" - Patrick Kron, pdg d'Alstom

Publié le 23/07/2011 à 00:00

Par Diane Bérard

Bien connue au Québec avec ses 1 300 employés et des clients comme le métro de Montréal et Hydro-Québec, Alstom est un géant international des infrastructures ferroviaires, de production et de transmission d'électricité. J'ai joint son pdg Patrick Kron à ses bureaux de Paris.

DIANE BÉRARD - Alstom vient d'annoncer une réorganisation majeure. Pourquoi ?

PATRICK KRON - Nous avons deux objectifs. D'abord, renforcer la capacité de la direction à réfléchir aux perspectives stratégiques à long terme. Nous ne pouvons pas uniquement gérer les préoccupations à court terme. Nous devons aussi nous pencher sur les concurrents qui montent, les besoins qui se dessinent et les produits qui les combleront. La réorganisation servira aussi à simplifier nos modes de travail, à nous recentrer sur les priorités d'exploitation : la qualité, les coûts, l'exécution des projets, etc. Notre efficacité collective doit être supérieure à la somme des efficacités individuelles.

D.B. - Quels gestes avez-vous déjà posés ?

P.K. - Côté stratégie, nous avons revu, élargi et rajeuni le comité exécutif : neuf membres au lieu de six, dont cinq sont nouveaux. La majorité d'entre eux ont moins de 45 ans. Concernant l'exploitation, nous avons entamé une démarche nommée EASE (efficiency, acceleration, simplification, empowerment). Il faut cesser d'exiger 15 signatures pour des actes simples. Les décisions doivent être prises le plus près possible du terrain. Je m'attends à des résultats immédiats ainsi qu'à des transformations profondes à long terme.

D.B. - "L'obésité corporative" et les cures minceurs périodiques sont-elles le lot de toutes les grandes entreprises ?

P.K. - Avec le temps, toutes les organisations dérivent. Il n'existe pas de modèle mathématique garantissant l'organisation idéale. Alstom, par exemple, doit combiner une ligne de produits mondiale à une présence locale, dans un contexte de forte volatilité. En 2009, par exemple, la consommation mondiale d'électricité a baissé pour la première fois depuis 1945. Du coup, notre marché d'équipement de production d'électricité a chuté de 50 % ! Et la demande non seulement fluctue, mais elle se déplace. Les deux tiers de nos revenus étaient générés en Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest. En 2010, 60 % provenaient des pays émergents. Mais nous avons la chance d'oeuvrer dans un métier en croissance.

D.B. - Si l'on se fie aux guerres épiques d'appels d'offres, les clients de votre secteur sont influencés par un seul facteur : le prix. Est-ce exact ?

P.K. - Nous évoluons dans un secteur très concurrentiel où le prix est un élément important. Mais il nous est arrivé de gagner des appels d'offres en étant le soumissionnaire le "mieux-disant". En appel d'offres, nous faisons valoir qu'Alstom consacre 700 millions d'euros au développement technologique.

D.B. - Vos clients ont parfois besoin de subventions de l'État pour financer leurs achats. Quel est votre point de vue sur le protectionnisme ?

P.K. - Alstom est un groupe international. La France ne représente que 10 % de nos ventes et 20 % de nos effectifs - dont la moitié ne travaillent pas sur les dossiers français. Pour nous, la pire des réalités serait la fermeture des frontières. Nous sommes de grands pourfendeurs du protectionnisme et d'ardents défenseurs de la mondialisation. Lutter contre celle-ci équivaut à lutter contre la rotation de la Terre sur elle-même. Par contre, je suis en faveur d'une concurrence totale, d'une réciprocité d'ouverture. Je m'attends à ce que les entreprises européennes soient aussi bien traitées hors Europe que les entreprises étrangères le sont en Europe. Tous ne partagent pas cette vision.

D.B. - Vue de l'intérieur, comment se porte la zone euro, et comment Alstom compose-t-elle avec les turbulences ?

P.K. - Alstom pratique un métier de long terme. Nos clients investissent sur un horizon de 10 ans et ils exigent stabilité et visibilité. L'un et l'autre font défaut en Europe. Tout le monde adopte une attitude "attentiste". Voilà pourquoi, jusqu'à nouvel ordre, nous réalisons plus d'affaires dans les pays émergents.

93 500 Nombre d'employés d'Alstom, présente dans plus de 100 pays.

LE CONTEXTE

Alstom incarne à la fois le défi de la grande entreprise classique - croître sans déraper - et celui de la mondialisation - penser mondialement, agir localement.

diane.berard@transcontinental.ca

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