Tolérance zéro pour les conflits de travail dans les services publics

Publié le 17/03/2012 à 00:00

Tolérance zéro pour les conflits de travail dans les services publics

Publié le 17/03/2012 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Il a suffi d'une menace de grève et de lock-out à Air Canada pour qu'Ottawa intervienne sur-le-champ et empêche un arrêt de travail qui aurait paralysé le principal transporteur aérien du pays. Air Canada menaçait de mettre en lock-out ses 3 000 pilotes, tandis que le syndicat représentant ses 8 600 mécaniciens, bagagistes et manutentionnaires de fret se préparait à faire la grève.

Quelques jours seulement après avoir confié les deux dossiers au Conseil canadien des relations industrielles, la ministre du Travail, Lisa Raitt, a déposé un projet de loi pour interdire tout recours à la grève et au lock-out à Air Canada (une entreprise privée). Elle nommera un arbitre qui imposera, comme convention collective dans chaque cas, l'offre finale de l'employeur ou les demandes du syndicat. Finies les négociations.

La rapidité d'intervention du gouvernement Harper s'explique en grande partie par le fait que celui-ci a l'appui de la population, qui en a par ailleurs soupé des conflits de travail dans les services publics. La ministre du Travail a fait valoir que des familles s'apprêtaient à prendre l'avion à cause de la semaine de relâche. Mais cette raison est un prétexte.

Le gouvernement, majoritaire, montre sa détermination à endiguer toute action syndicale susceptible de nuire à l'activité économique du pays. Et vous ne verrez pas de mouvement de foule pour appuyer les camarades grévistes ou mis en lock-out dans les services jugés essentiels pour la population.

On avait observé la même fermeté en octobre lorsque la ministre Raitt avait demandé au Conseil des relations industrielles de convoquer Air Canada et le syndicat représentant ses 6 800 agents de bord afin d'en arriver à une entente.

Le droit de grève avait été suspendu jusqu'à ce qu'un règlement intervienne.

De même, en juin 2011, le gouvernement a mis fin au lock-out instauré par Postes Canada à la suite de plusieurs arrêts de travail rotatifs déclenchés par le syndicat des facteurs au cours d'une période de deux semaines. Ottawa a déposé une loi spéciale et nommé un arbitre dont le mandat a aussi été d'imposer soit l'offre finale de l'employeur, soit les demandes finales du syndicat. L'offre de l'employeur a prévalu.

Au printemps 2010, Ottawa a en outre sorti l'arme d'une loi spéciale pour mettre fin à une grève déclenchée par les 1 700 «ingénieurs» du Canadien National, qui est pourtant elle aussi une entreprise privée. Face à cette menace, le syndicat et l'employeur sont parvenus à une entente, ce qui a permis au gouvernement de ne pas avoir à légiférer.

Des provinces reviennent à la charge

Il n'y a pas que le fédéral qui pousse les syndicats dans leurs derniers retranchements. En Colombie-Britannique, le gouvernement libéral vient de déposer un projet de loi ordonnant aux enseignants de rentrer au travail, et il a nommé un médiateur pour régler le conflit de travail. Ce projet de loi est une version assez proche d'une loi qui avait été déclarée non constitutionnelle par un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en avril 2011. Le juge avait indiqué que cette loi limitait trop le pouvoir de négocier, car elle avait été jusqu'à imposer des ratios maître/élèves.

Pour sa part, le gouvernement du Parti de la Saskatchewan (proche du Parti conservateur fédéral) vient d'annoncer qu'il en appellera de la décision de la Cour du Banc de la Reine (rendue en février), qui avait déclaré inconstitutionnelles deux lois limitant le pouvoir syndical. Ces lois visaient à interdire la grève dans la plupart des services publics offerts par l'État et à rendre plus difficile l'accréditation syndicale (notamment en exigeant un vote secret).

Les deux rebuffades rencontrées par la Colombie-Britannique et la Saskatchewan s'appuient sur un arrêt de la Cour suprême du Canada, qui a établi un lien entre la liberté d'association, énoncée dans la Charte des droits et libertés de la personne, et le droit procédural de négocier. Ainsi, une loi qui interdit la grève et impose une convention collective est inconstitutionnelle si elle n'a pas été précédée d'une négociation menée de bonne foi.

Jusqu'à maintenant, Ottawa semble n'être intervenu qu'après qu'une impasse eut été constatée à la suite de négociations menées de bonne foi. Mais, comme la population tolère moins les ruptures de service dues à des conflits, il est probable que les gouvernements continueront d'intervenir pour les limiter, malgré les mises en garde des tribunaux.

MON COMMENTAIRE

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Le fisc québécois a récupéré l'an dernier près de trois milliards de dollars de taxes et d'impôts non payés. Il importe que Revenu Québec débusque les tricheurs fiscaux, car c'est une question de justice envers tous ceux qui paient leur dû à l'État et d'intégrité relativement à l'enjeu des finances publiques. Si le gouvernement grec avait su collecter les impôts qui lui étaient dus, il aurait évité à son peuple de se faire imposer une baisse de son niveau de vie par ses banquiers.

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En économie, il existe une loi mal connue qu'on appelle la Loi des conséquences inattendues, selon laquelle une action a priori bien intentionnée de l'État produit des effets secondaires nuisibles. La Caisse de dépôt et placement du Québec en est victime : la commissaire au lobbying estime qu'elle ne devrait rencontrer que des dirigeants d'entreprise inscrits au registre des lobbyistes. Obliger les entrepreneurs qui veulent obtenir un investissement ou un prêt de la Caisse placerait cette dernière dans une position défavorable par rapport à ses concurrents. Elle pourrait aussi échapper des occasions d'affaires rentables pour ses clients.

jean-paul.gagne@transcontinental.ca

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