Six questions pour s'y retrouver dans le débat minier

Publié le 03/12/2011 à 00:00

Six questions pour s'y retrouver dans le débat minier

Publié le 03/12/2011 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Après avoir parcouru l'Asie et l'Europe pour vendre son Plan Nord, le premier ministre Charest vient de déplacer son opération charme au Québec. Ce plan de 25 ans propulsera l'économie québécoise autant dans le Nord que dans le Sud, générant d'innombrables occasions d'affaires pour les entrepreneurs québécois, fait-il valoir. Parallèlement à son offensive, l'Assemblée nationale adoptera dans les prochains jours une nouvelle Loi sur les mines. Mais l'exploitation des ressources continue de diviser l'opinion publique. Voici comment s'y retrouver dans ce débat, qui risque de devenir un enjeu électoral en 2012.

1 Que change le projet de loi 14 ?

A. D'abord, fini les sites abandonnés ! Dorénavant, les minières devront verser, dans un court délai, une garantie financière couvrant la totalité des coûts de restauration des sites miniers. Sauf que le projet de loi ne règle pas la facture de restauration des vieux sites abandonnés, laquelle s'élève à 900 millions de dollars (M $). La Coalition pour que le Québec ait meilleure mine a proposé de créer un fonds dédié à cette restauration, financé à moitié par l'industrie minière. Mais la proposition n'a pas eu de suite.

B. Le projet de loi assujettit tous les projets miniers à une étude d'impact environnemental du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

C. Enfin, la future loi permet aussi aux municipalités régionales de comté (MRC) de soustraire au développement minier des zones résidentielles, de villégiature, ou récréo-touristiques dont la vocation serait jugée incompatible avec l'activité minière. Dans une version antérieure, ces zones étaient exclues, sauf demande contraire de la MRC. Cette fois, rien n'est exclu, à moins que la MRC ne le demande. Le lobby minier a poussé de hauts cris lors du dépôt de la première version de la loi, mais il ne décolère pas pour autant depuis les dernières modifications. Le gouvernement cède aux municipalités ses pouvoirs de gestion sur un territoire appartenant à tous les Québécois et il attise les tensions entre minières et municipalités, estime l'Association pour l'exploration minière du Québec (AEMQ), qui vient par contre d'obtenir une promesse d'indemnité pour les minières ayant des revendications ou des travaux réalisés dans les endroits qui pourraient être exclus.

2 La loi rétablit-elle l'équilibre entre les droits des citoyens et ceux des minières ?

Ceux qui se sont battus en ce sens clament une victoire partielle. De nouveaux amendements déposés le 29 novembre retirent aux minières le droit d'exproprier un citoyen à l'étape de l'exploration. De plus, on oblige les sociétés minières à attendre d'avoir leur bail minier avant de déménager des populations, et à fournir gratuitement un soutien juridique aux citoyens déplacés. Visiblement, le gouvernement a tiré des leçons des ratés du cas d'Osisko à Malartic, maintes fois dénoncés.

Par ailleurs, l'opposition souhaite davantage de transparence : à l'heure actuelle, il est impossible de savoir combien une minière paiera en droits miniers à chaque année, ou le montant versé par une minière à une communauté.

Et que dire du développement durable, qui assure que les préoccupations sociales et environnementales seront sur un pied d'égalité avec les préoccupations économiques ? Le projet de loi 14 s'intitule Loi sur la mise en valeur des ressources minérales dans le respect des principes du développement durable. Mais il n'en reste pas moins que cette nouvelle loi n'a pas été harmonisée avec la Loi sur le développement durable, déplore l'opposition péquiste. Et les directives environnementales s'appliquant aux minières n'ont pas force de loi. L'esprit est là, mais pas la lettre. Autre gros problème : les deux ministères responsables de superviser les minières, celui des Ressources naturelles et celui du Développement durable, manquent cruellement de ressources. On vit un boom minier, mais le personnel fait défaut pour encadrer les centaines de programmes d'exploration et des douzaines de mines en développement.

3 Les redevances sont-elles suffisantes ?

Cette question est chaudement débattue. Le premier ministre Charest estime toutefois que le débat est clos depuis l'intervention de l'ex-premier ministre Jacques Parizeau. À l'occasion d'un colloque minier, ce dernier a affirmé que le nouveau régime avait permis au Québec de «rattraper son retard». Annoncé dans le budget 2010, le régime reste basé sur les profits des minières, mais les calculs sont faits par mine plutôt que par entreprise ; et le taux grimpe de 12 à 16 %.

Reste que les redevances basées sur la valeur brute de la production minière sont monnaie courante : on les voit en Australie, dans des ententes entre minières, et même dans l'entente entre Investissement Québec et la minière Stornoway. Cela demeure la façon la plus sûre de profiter d'une hausse des prix des métaux. Économiste et stratège réputé, Yvan Allaire a suggéré récemment qu'on ajoute aux redevances une formule de plafond pour les profits, comme cela se fait dans l'industrie du pétrole.

4 Que retenir de Trou Story ?

Ce documentaire est un pamphlet et non un reportage journalistique sur le monde minier. Il rappelle les dangereuses conditions de travail des mineurs au début du siècle, les désastres environnementaux causés par les minières et dénonce la propriété étrangère procédant à peu ou pas de transformation ici. Mais le film de Richard Desjardins ne tient pas compte de l'évolution de la pratique minière.

Reste toutefois notre faible niveau de transformation : il s'apparente au modèle des pays du tiers-monde, soulignaient récemment les ex-sous-ministres Renaud Lapierre et Denis L'Homme. Mais le contexte mondial actuel dicte une logique de proximité des marchés, fait valoir l'industrie.

5 Le Plan Nord va-t-il nous enrichir ou nous endetter ?

Le Plan Nord est un pari : il prévoit des dépenses fixes, mais ses retombées seront variables. Tout dépendra de la demande et du prix des métaux.

Le plan prévoit qu'Hydro-Québec investira 47 milliards de dollars en projets d'électricité. Mais bâtira-t-on des centrales déficitaires juste pour alimenter les minières ? C'est ce que craint M. Parizeau, prenant l'exemple d'ArcelorMittal et d'Alouette, qui paient 4,6 cents le kilowattheure (kWh) pour de l'électricité coûtant 11 cents/kWh à produire.

De plus, le Plan Nord fait peser une partie du coût des infrastructures routières sur l'État, alors qu'avant, ces dépenses relevaient des minières. «On a l'impression que Québec brade ses ressources», a déploré M. Parizeau. Jean Charest a réagi en promettant qu'Hydro-Québec «fera des profits» avec les centrales bâties pour les minières. Et il parie qu'avec une taxe sur le carbone, les minières seront prêtes à payer plus cher pour leur électricité.

L'industrie rétorque qu'elle verse des salaires élevés, paie beaucoup d'impôt, alimente un important tissu de fournisseurs, en plus de redonner aux communautés locales. C'est à mettre dans l'équation quand on parle d'enrichissement.

6 Les Québécois profitent-ils du secteur minier en tant qu'investisseurs ?

La réalité actuelle est décevante : très peu d'entreprises minières inscrites à la Bourse de Toronto sont québécoises (3 %). Aussi, nos investisseurs - particuliers et institutionnels - ont été timides jusqu'à tout récemment dans leurs prises de participation dans des minières. Jacques Parizeau suggère à Québec de contrebalancer ses «cadeaux» d'infrastructures aux minières avec des participations, comme il vient de le faire avec le projet de mine de diamants Stornoway. Mais M. Charest refuse de le faire de façon systématique. «Cette industrie est très risquée, signale le lobby minier. Veut-on vraiment demander aux Québécois de prendre ce risque à la place des minières ?»

Au moment où l'on craint une récession mondiale qui entraînerait le prix des métaux à la baisse, voilà matière à réflexion.

PART DE L'INDUSTRIE MINIÈRE DANS LE PIB : LE QUÉBEC EST LOIN DE L'AUSTRALIE

2,4 % du PIB du Québec

25 % du PIB de l'Australie

Source : Institut de la statistique du Québec

DES INVESTISSEMENTS MINIERS QUI PROGRESSENT AU QUÉBEC

4 milliards en 2005

7 milliards en 2010

8 milliards en 2011

Source : Institut de la statistique du Québec

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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