Québec doit clarifier le mandat de la commission d'enquête

Publié le 29/10/2011 à 00:00

Québec doit clarifier le mandat de la commission d'enquête

Publié le 29/10/2011 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Le premier ministre Jean Charest n'a jamais voulu de commission d'enquête publique sur la construction, car il connaît les dommages que le Québec et son parti pourraient subir d'une mise à nu de scandales impliquant de grandes sociétés et des bailleurs de fonds.

Le chef libéral ne voulait pas courir le risque qu'a pris l'ex-premier ministre Paul Martin en créant la commission d'enquête Gomery sur le scandale des commandites. Le Parti libéral du Canada a été défait à l'élection qui a suivi, et son retour rapide au pouvoir est aussi incertain que difficile.

C'est après avoir été coincé par l'embarrassant rapport de l'Unité anticollusion, dirigée par Jacques Duchesneau, que le gouvernement a fini par consentir à une commission d'enquête «taillée sur mesure». Créée par un décret spécial le 19 octobre, cette commission devait siéger à huis clos pour l'essentiel de son mandat et n'aurait pu assigner des témoins à comparaître, ni exiger le dépôt de documents. Personne n'aurait eu d'immunité, si bien que même la commission n'aurait pu identifier des personnes et des sociétés dans ses rapports, puisqu'elle se serait exposée à des poursuites en dommages. Selon le gouvernement, on s'assurait ainsi de ne pas contaminer les preuves montées par les enquêtes policières. Or, ce risque est gérable, comme l'a démontré la commission Gomery, qui n'a pas nui aux condamnations des Guité, Brault, Coffin, Lafleur et Gosselin, qui ont tous comparu devant elle. Même le Barreau a émis l'opinion que l'argument du gouvernement ne tenait pas la route.

Le chef libéral s'est ravisé deux jours plus tard devant les militants du congrès de son parti, en précisant que le gouvernement allait permettre l'assignation de témoins et garantir leur immunité si la commissaire Charbonneau en faisait la demande. M. Charest n'a pas indiqué alors si la Commission allait aussi bénéficier de l'immunité dans la rédaction de ses rapports d'étape et de son rapport final, prévu en octobre 2013.

Finalement, le premier ministre a complété son virage à 180 degrés en conférence de presse le 23 octobre en déclarant que le gouvernement donnera à la juge Charbonneau la possibilité de diriger sa commission selon les termes de la Loi sur les commissions d'enquête, si celle-ci en fait la demande.

Crédibilité à risque

On ne comprendrait pas que la juge Charbonneau refuse l'offre du premier ministre de se prévaloir de cette loi, malgré les messages contradictoires de certains ministres, qui ont continué d'affirmer que le décret autorisant la commission «taillée sur mesure» était toujours valable.

Ce faisant, la juge Charbonneau rétablirait sa propre crédibilité, car il est difficile de comprendre pourquoi elle s'est laissé entraîner dans une mission aussi alambiquée. Il ne semble pas non plus que le juge en chef de la Cour supérieure, François Rolland, ait examiné attentivement la requête du premier ministre. Voici ce que ce dernier a dit à un journaliste du Soleil (21 octobre) : «Évidemment, c'est une demande qui vient du premier ministre et du juge en chef. C'est dur de dire : «Bien, non, je préfère un mandat dans ces termes-là plutôt que ces termes.» Mme la juge Charbonneau a fait comme tous les autres juges : «Ça vient du juge en chef et je suis mieux d'avoir une bonne raison pour dire non.»»

Il est certain qu'une commission d'enquête publique produit des dommages collatéraux, car elle peut assigner à comparaître des témoins qui n'ont rien à se reprocher ou encore que les tribunaux ne poursuivront pas ou n'arriveront pas à faire condamner.

Toutefois, contrairement aux enquêtes policières qui se limitent à rassembler des preuves pour des cas particuliers, une commission d'enquête publique peut décortiquer des stratagèmes et démonter un système.

Or, comme l'a révélé le rapport Duchesneau, «il existe un système bien établi dans lequel financement politique et collusion dans l'industrie québécoise de la construction vont de pair... le crime organisé est partie prenante de ce système».

Le climat ambiant conduit à penser que la corruption est généralisée, tant dans l'industrie de la construction qu'au sein de la classe politique. Une enquête publique démontrera que cela est faux. L'accouchement de cette enquête aura été laborieux, mais son travail sera positif à long terme. L'enquête facilitera le ménage qui s'impose et assainira le milieu, au bénéfice de l'intérêt public.

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