Philanthropie et gouvernance font bon ménage

Publié le 01/11/2008 à 00:00

Philanthropie et gouvernance font bon ménage

Publié le 01/11/2008 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Telus prend très au sérieux la gouvernance de ses oeuvres philanthropiques. Dans chaque région où elle est active, la société de téléphonie a mis sur pied un comité d'investissements communautaires chargé de sélectionner les projets auxquels elle apportera son soutien. À ce comité siègent des gens qui proviennent de l'extérieur de la société.

Au Québec, le comité de 14 personnes en compte 8 de l'extérieur de Telus, parmi lesquelles de grosses pointures comme Bernard Lamarre, Isabelle Hudon, Larry Smith et Mélanie Turgeon.

Pour la région de l'Atlantique, Telus vient de nommer l'ex-général de l'armée canadienne Rick Hillier à la présidence de son comité.

" Nous voulions des gens d'expérience, des chefs de file bien branchés sur leurs communautés, alors nous sommes allés chercher les meilleurs ", dit Karen Radford, présidente de Telus au Québec.

Chaque membre externe, ajoute-t-elle, vient d'un secteur considéré comme " pilier " pour la philanthropie de Telus. Ainsi, Larry Smith, président de l'équipe de football les Alouettes, et Mélanie Turgeon, championne de ski, aideront Telus à choisir les activités sportives que soutiendra l'entreprise. Les autres piliers sont les arts et la culture, l'éducation et la santé.

Le conseil d'administration de chaque comité d'investissements communautaires - il y en a deux au Québec, un à Montréal et l'autre à Rimouski - se réunit quatre fois par année pour examiner les demandes. C'est le légendaire Bernard Lamarre, homme d'affaires et philanthrope de 77 ans, qui mène les réunions.

" On n'est pas seulement là pour avaliser le choix d'une ou deux personnes comme cela arrive dans 90 % des cas ", dit Larry Smith, lorsqu'on lui demande pourquoi il a accepté de siéger à ce comité, malgré son emploi du temps chargé.

Un budget de 1,3 million de dollars en 2008

" Ici, je sais que je jouerai un véritable rôle dans le processus de décision. Le comité est bien structuré, la façon de travailler est stimulante et l'entreprise a vraiment le désir d'écouter et de s'adapter, ajoute-t-il. De plus, l'argent suit. "

L'argent, c'est 1,3 million de dollars pour 2008, qui comprend deux bourses d'une valeur de 50 000 $.

M. Smith apprécie aussi l'éventail des gens qui composent le comité : il y a même un étudiant de l'Université de Montréal, Nabil Ouatik. " Il apporte une contribution fort valable à notre comité, relate Mme Radford. Il nous a surpris en rendant visiter à un des organismes de bienfaisance qui nous demandaient du soutien. Son expérience nous a éclairés sur le projet, que nous avons décidé d'appuyer. "

M. Ouatik, qui vient d'obtenir sa maîtrise en dentisterie, est titulaire d'une bourse du millénaire et fondateur de Dentraide, un organisme qui parcourt le monde pour offrir des services de dentisterie aux enfants défavorisés. " Je suis du côté des organismes de bienfaisance. Pour moi, avoir l'occasion d'aller du côté des donateurs et d'apprendre de bonnes règles de gouvernance est très formateur ", dit -il.

Telus s'est également associée à l'Université McGill et à l'École Rotman de management de l'Université de Toronto pour dispenser gratuitement une formation de trois jours en gouvernance d'organismes de bienfaisance.

Grille de pointage des projets

Autre preuve que Telus prend son engagement social au sérieux, elle vient de créer un poste à temps plein pour gérer les demandes de dons. Valérie Dubreuil, qui vient du milieu caritatif, reçoit des centaines de demandes, les traite et en soumet quinze à chaque réunion du comité.

Elle fait une première évaluation en fonction de cinq critères : le montant demandé par rapport au nombre de personnes aidées, l'occasion de faire du bénévolat, la composante technologique, la présence d'autres donateurs et la réputation du demandeur.

Le comité, lui, évalue les demandes en fonction d'une grille de pointage. " Cette grille n'est pas immuable, souligne Mme Dubreuil. Ce sont vraiment les membres du comité qui décident. "

Telus ne soutient pas plus de deux années consécutives un même organisme. " On ne veut pas créer de dépendance ", indique Karen Radford. De plus, l'entreprise préfère s'associer à d'autres bailleurs de fonds dans un projet, pour que son don ait un effet de levier.

L'entreprise ne donne pas non plus à un organisme, mais bien à un projet spécifique, lequel doit toucher les jeunes - la clientèle cible de Telus. Et s'il a une composante technologique, c'est encore mieux.

Le mandat des membres du comité est de trois ans, renouvelable seulement pour le tiers des membres. Les deux autres tiers doivent partir. " Le problème, c'est qu'ils nous ont tous dit qu'ils voulaient rester ", affirme Mme Radford. Beau problème !

TROIS PRÉREQUIS À UNE COLLECTE DE FONDS

Révolue, l'époque où monsieur le curé n'avait qu'à se tenir sur le perron de l'église après la messe pour trouver l'argent nécessaire à une oeuvre.

La collecte de fonds est devenue complexe, structurée, professionnelle et spécifique, indique Christian Bolduc, président et chef de la direction de Bolduc, Nolet et Primeau, un cabinet de conseillers en collecte de fonds.

L'expert précise les trois conditions préalables au lancement d'une campagne de financement.

1 Des dossiers étoffés

Avant de solliciter un donateur potentiel, vous devez avoir monté un dossier bien plus étoffé qu'avant. Décrivez non seulement le projet, mais évaluez aussi, chiffres à l'appui, sa portée réelle. " Il faut transmettre le plus d'information possible sur l'impact que le don aura sur les bénéficiaires ", explique M. Bolduc. Qui sera touché ? Comment ? Combien ? " Il faudra par la suite rendre des comptes au donateur, en mesurant les résultats obtenus.

2 Le jeu des relations

Il est moins important qu'avant. Aujourd'hui, les entreprises donatrices ou leur fondation se dotent de règles d'éthique strictes. Les dons sont examinés par un comité de dons plutôt que par le conseil d'administration de l'entreprise. Le projet favori (en anglais, pet project) d'un dirigeant doit lui aussi passer par ce comité.

3 Recruter des bénévoles

Avant de recruter un professionnel pour siéger bénévolement à un conseil d'administration, sachez répondre aux questions suivantes : à combien de réunions devra-t-il assister ? Combien d'heures devra-t-il consacrer à ce bénévolat ? Quel est son mandat précis ? Quel est l'état des finances de l'organisation ? Sont-elles déficitaires ? Si oui, est-ce dû à une situation exceptionnelle ? Le personnel est-il stable ? " Il est de plus en plus difficile de recruter des bénévoles, constate M. Bolduc. Les gens sont occupés et ils veulent savoir dans quoi ils s'embarquent. "

Des gens d'affaires ont compris que s'engager dans les communautés où ils font des affaires est une bonne idée. Cette série présente des entreprises qui améliorent les choses autour de nous et qui y trouvent leur compte.

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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