Les profits à Quebecor, les risques aux contribuables

Publié le 11/06/2011 à 00:00

Les profits à Quebecor, les risques aux contribuables

Publié le 11/06/2011 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Le vote sur le projet de loi 204 pour légaliser l'entente conclue entre la Ville de Québec et Quebecor a été reporté à l'automne. Espérons que ce délai permettra aux députés de refaire leurs devoirs, car, actuellement, les dés sont pipés en faveur de Quebecor. Le risque est pris principalement par les contribuables, alors que les profits iront surtout à Quebecor, aux joueurs de hockey et aux artistes qui se produiront dans le nouvel amphithéâtre.

Si on en est là, c'est à cause de la politique.

Le maire Régis Labeaume a fait du retour des Nordiques à Québec sa principale promesse électorale de 2009. Il prévoyait un engagement de la Ville de 50 millions de dollars (M$), mais il sera plutôt de 200 M$.

De son côté, Jean Charest, qui a besoin d'augmenter ses appuis dans la région, a promis une subvention de 200 M$ de son gouvernement, une somme empruntée.

Ce partage des coûts vient du fait que Stephen Harper a résisté aux pressions exercées par le maire et ses partisans. Son parti a perdu quelques députés, mais il a obtenu une majorité aux Communes. Ouf !

Voulant lui aussi protéger ses arrières à Québec, le Parti québécois (PQ) a parrainé le projet de loi 204 - une décision lourde de conséquences -, qui a pour but de rendre légal ce qui ne l'est pas dans l'entente Québec-Quebecor. C'est un " chèque en blanc ", a dit la juriste Julie McCann de l'Université Laval, selon qui une telle loi protégerait la Ville contre toute irrégularité future dans les contrats qu'elle pourrait passer de gré à gré.

L'entente Québec-Quebecor ne respecte pas la Loi sur les cités et villes à deux égards : 1. elle n'a pas été précédée d'un appel d'offres public; 2. une ville ne peut bâtir un immeuble pour le louer à une entreprise privée. Ces violations à la loi ont été qualifiées de " très sérieuses " par l'avocat Mathieu Bouchard et " peuvent mener à la destitution des élus qui ont participé à la décision ".

À cela, la députée péquiste Agnès Maltais, qui doit défendre le projet d'amphithéâtre pour assurer sa réélection, réplique que la Charte de la Ville de Québec a préséance sur la Loi sur les cités et villes, et que, par conséquent, la Ville peut construire l'amphithéâtre et le louer à Quebecor. Or, la juriste McCann précise que cette préséance vaut pour certaines activités seulement, telles que le loisir et la culture communautaires. Les activités commerciales prévues par Quebecor ne feraient pas partie de ces activités spéciales.

Du chantage

Autre sujet de controverse, la date butoir du 7 septembre 2011, au-delà de laquelle l'entente Québec-Quebecor tomberait à l'eau selon le maire et le président de Quebecor, n'apparaît pas dans le texte de l'entente. L'urgence alléguée s'apparente à du chantage, d'autant plus qu'en cas d'achat rapide par Quebecor d'une équipe de hockey, celle-ci devra jouer dans le Colisée Pepsi (qui compte 15 000 places, comme l'aréna de Winnipeg) en attendant 2015, date de livraison prévue de l'amphithéâtre. En quoi une ou deux années de plus empêcheraient la venue à Québec d'une équipe de hockey ? Le rouleau compresseur du maire Labeaume viserait surtout à assurer sa réélection à l'automne 2013.

Propriété à 100 % de la Ville, l'amphithéâtre ne paiera pas de taxe foncière, ce qui prive la Ville de quelque 9 M$ par année. Et pour s'assurer que Quebecor, l'unique locataire de l'amphithéâtre, n'en paie pas, on créera un organisme sans but lucratif pour le gérer. Celui-ci sera choisi par Quebecor, qui sera également consultée sur l'aménagement.

Le partage des profits pourrait être illusoire. Quebecor touchera 100 % des profits de l'activité hockey. Les profits partagés viendront uniquement des spectacles, gérés par le géant médiatique. La Ville pourrait toucher de 10 à 15 % de ceux-ci, mais elle pourrait absorber jusqu'à 2,5 M$ de pertes par année.

Quebecor paiera des droits d'identification et un loyer, mais ce dernier sera indexé à un taux inférieur à l'inflation. Il rapportera donc de moins en moins en dollars constants.

La Ville veut imposer des frais de 2,80 $ à 4 $ sur les billets de spectacle. Or, celle-ci pourrait être contestée, puisque les villes n'ont pas le droit de taxer les billets de spectacle. Plusieurs coûts connexes (décontamination, accès routier, réserve pour entretien, etc.) n'ont pas été prévus dans le budget de 400 M$.

Certes, l'amphithéâtre multifonctionnel et la présence d'une équipe de hockey à Québec accroîtraient l'offre de spectacles à Québec et la notoriété de la Capitale. Les citoyens doivent toutefois réaliser que tout cela pourrait coûter cher.

MON COMMENTAIRE

J'aime

La Coalition pour l'avenir du Québec propose que la Caisse de dépôt crée un fonds de cinq milliards de dollars pour investir dans des projets miniers. Réalisés dans de bons projets et au bon moment, de tels investissements peuvent être rentables. Ce fut le cas pour les investissements de la Société générale de financement dans Osisko et Stornoway, qui valent aujourd'hui 100 millions de dollars de plus que l'investissement initial dans ces entreprises.

Je n'aime pas

Le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) s'est fait couper la subvention annuelle de 100 000 $ qu'il recevait de l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour financer son programme de formation des petits actionnaires. Cette décision est mal avisée, puisqu'il n'existe aucun autre organisme québécois qui ait fait et qui fasse toujours autant pour la défense et la formation des petits actionnaires. Pourtant, l'AMF ne manque pas d'argent, puisqu'elle a déposé dans son Fonds pour l'éducation et la saine gouvernance la moitié des 72,8 millions de dollars qu'elle a reçus des banques lors du règlement apparu en décembre 2009 à la suite de la crise du papier commercial adossé à des actifs.

jean-paul.gagne@transcontinental.ca

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