Les mines, le nouveau filon d'Investissement Québec

Publié le 29/10/2011 à 00:00

Les mines, le nouveau filon d'Investissement Québec

Publié le 29/10/2011 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Investissement Québec s'engage à fond dans le secteur minier. Ses investissements dépasseront le mandat que lui a confié Québec dans le cadre du Plan Nord. Son objectif : donner du muscle à l'industrie minière québécoise. Voici le plan de match de son grand patron, Jacques Daoust.

La nouvelle société d'État née de la fusion avec la SGF a pour mission d'investir 500 millions de dollars (M$) dans des projets situés sur le territoire du Plan Nord. Mais Jacques Daoust veut aller beaucoup plus loin. Il souhaite qu'Investissement Québec (IQ) puise dans ses avoirs propres de 4 milliards de dollars pour financer des projets miniers réalisés dans la province.

«Nous interviendrons à partir de la découverte de gisements jusqu'à la construction de mines», nous a confié Jacques Daoust, lors d'une entrevue accordée en marge d'un discours sur le Plan Nord prononcé devant l'Institut pour le partenariat public-privé.

«Il y a seulement 40 % du territoire qui est répertorié, alors imaginez le potentiel. Grâce aux nouvelles routes, on ouvre la voie à de nouveaux projets.»

La stratégie du bras financier de Québec, qui s'apparente à une banque d'investissement, est de favoriser la naissance d'une nouvelle génération d'entrepreneurs et d'entreprises minières ayant leur siège social dans la province, et de forger au Québec l'expertise qui lui fait défaut en financement de projets miniers.

M. Daoust répond indirectement à un rapport conjoint de Pricewaterhouse Coopers (PwC) et Fraser Milner Casgrain publié l'hiver dernier qui déplorait «l'environnement financier déficient» au Québec dans le secteur minier. Cette lacune, selon le rapport, explique la sous-représentation des entreprises québécoises dans le secteur minier canadien.

La province, dont le potentiel minier est comparable à celui de la Colombie-Britannique, n'a que 3 % des titres miniers inscrits à la Bourse de Toronto et 7 % à la Bourse de croissance, par rapport à 30 % et 64 % pour les entreprises minières de la Colombie-Britannique. Une situation préoccupante selon les auteurs du rapport.

Dans les prochaines semaines, Investissement Québec, qui a repris le rôle d'investisseur en capital-actions de la SGF, annoncera la création d'une nouvelle équipe d'experts miniers au sein d'une division appelée IQ-Mines, qui investira dans des projets allant de l'étude de préfaisabilité à la construction de mines. L'équipe sera multidisciplinaire et combinera expertise technique et financière. «Je veux créer une masse critique de compétences minières qui va appartenir à Investissement Québec», explique M. Daoust, qui a occupé des postes de gestion à la Banque Laurentienne et à la Banque Nationale au cours de sa carrière.

Cette expertise, selon bien des observateurs du secteur minier, existait avant l'acquisition de la Bourse de Montréal par la Bourse de Toronto. Mais elle s'est depuis déplacée vers Toronto, Calgary et Vancouver. Résultat : la plupart des financements miniers des petites capitalisations (soit les entreprises dont la valeur est de 50 M$ et moins), même ceux d'entreprises actives au Québec, sont réalisés là-bas.

Relancer la Soquem

En s'engageant à fond dans le capital-actions de minières, Investissement Québec contribuera à corriger le tir, pense Nochane Rousseau, responsable du secteur minier chez PwC. «C'est une très bonne nouvelle», souligne-t-il, quand on lui explique la position d'Investissement Québec.

Le plan Daoust prévoit aussi redonner plus de pouvoir à la Soquem, la Société québécoise d'exploration minière qui a été créée en 1965 pour stimuler les découvertes de gisements. Au cours des dernières décennies, la marge de manoeuvre de la Soquem avait été réduite.

Même si elle a connu sa part de revers, la Soquem a fait des découvertes qui ont créé de la valeur au Québec, comme le projet de la mine de diamants Stornoway, rappelle Jacques Daoust. «Elle doit être perçue comme un centre de revenus, pas comme un centre de dépenses.»

Pierre Bertrand, directeur général de la Soquem, est très heureux d'apprendre cette nouvelle. «Cela a du sens. Le potentiel minier est là, même si les prix [des métaux] sont en baisse actuellement. Il faut continuer de faire des découvertes.»

Prioriser la transformation

Dans son discours devant l'Institut pour le partenariat public-privé, Jacques Daoust a également indiqué qu'il allait insister, auprès de futurs partenaires financiers, pour que les projets miniers québécois dans lesquels Investissement Québec investira comprennent une étape de deuxième transformation des métaux. «Cela ne sera pas toujours possible», a-t-il toutefois nuancé en entrevue.

Pour le président de la nouvelle organisation, il est clair que la prospérité future du Québec repose en partie sur les ressources naturelles : elles sont très demandées dans les «nouvelles locomotives économiques» du monde, notamment la Chine et l'Inde, là où les entreprises québécoises devront exporter.

La diversification des marchés d'exportation (lire : ailleurs qu'aux États-Unis) et l'entrepreneuriat font également partie des priorités de Jacques Daoust.

Un guichet unique pour le Plan Nord

IQ veut aussi investir dans le secteur de l'énergie. Jacques Daoust a notamment fait état des pourparlers en vue d'un investissement majeur dans l'énergie hydrolienne (turbines dans l'eau).

Plus particulièrement, dans le cadre du Plan Nord, IQ ne se limitera pas au secteur minier : les entreprises qui offriront du transport, de la formation ou du tourisme pourront bénéficier de son aide. D'ailleurs, M. Daoust veut que IQ soit vue comme «la porte d'entrée dans le Plan Nord pour les entreprises québécoises qui veulent un guichet unique de services financiers.»

La société d'État compte 17 bureaux régionaux au Québec et 11 à l'étranger, dont 3 en Asie. Dorénavant, elle offrira une gamme élargie de services financiers, dont des solutions hybrides, comme de la quasi-équité (des débentures à très long terme).

«Je voyage partout dans le monde et dans bien des pays, on envie à IQ sa gamme étendue de services», dit Jacques Daoust.

JACQUES DAOUST VEUT «DÉGOUVERNEMENTALISER» CERTAINS INVESTISSEMENTS

Investissement Québec (IQ) jouira d'une plus grande marge de manoeuvre. La nouvelle configuration de la société d'État lui permettra de réaliser des investissements qui ne seront pas dictés par des considérations gouvernementales, a expliqué en entrevue son président, Jacques Daoust.

La direction d'Investissement Québec a en effet séparé les avoirs propres de la société, qui s'élèvent à 4 milliards de dollars (G$), des avoirs qui lui sont confiés par le gouvernement du Québec à titre de mandataire. Ceux-ci s'établissent à 7 G$.

Investissement Québec pourra donc investir en fonction de la seule rentabilité financière, dit Jacques Daoust.

Se dirige-t-on vers une dépolitisation de ces fonds ? «Je préfère parler de «dégouvernementalisation»», précise le président de IQ.

M. Daoust prend l'exemple du programme Renfort, que Québec lui a demandé de gérer. Ce programme gouvernemental de 1 G$ visait à épauler les entreprises québécoises durant la récession de 2008-2009. Il était dans la même enveloppe que tous les autres fonds dont disposait IQ avant sa fusion avec la SGF.

Si le gouvernement confie un programme similaire à Investissement Québec, il sera dorénavant géré dans un fonds appelé Fonds de développement économique, nouvellement créé, et séparé des avoirs propres de IQ. En clair, M. Daoust veut différencier les décisions prises sur des bases gouvernementales de celles prises strictement sur des bases de rentabilité.

De cette façon, IQ évitera de se retrouver sur la sellette comme l'a été l'ancienne SGF pour des investissements demandés par le gouvernement et qui ont entraîné des pertes significatives, comme ce fut le cas pour la Gaspésia. Lors de l'exercice 2003, la SGF a accusé une perte nette de 511 M$.

Par ailleurs, cela n'empêche pas la société d'État d'accorder ses violons sur les grandes priorités économiques du gouvernement.

Voici ses cinq priorités d'action :

1 Privilégier les investissements dans les sociétés (québécoises ou filiales étrangères) oeuvrant dans les ressources naturelles et les technologies innovantes ;

2 Favoriser les investissements liés à la croissance internationale des entreprises québécoises afin d'augmenter et de diversifier leurs exportations ;

3 Stimuler l'entrepreneuriat en appuyant le rachat d'entreprise ;

4 Stimuler l'entrepreneuriat en créant un fonds de capital de risque de 700 M$ pour le démarrage de nouvelles entreprises ;

5 Accroître les investissements directs étrangers au Québec (soit par la prospection, soit par le soutien de filiales étrangères déjà établies au Québec).

BIO EXPRESS

Jacques Daoust, qui préside les destinées d'Investissement Québec et de ses filiales depuis juin 2006, a connu une carrière très diversifiée. Titulaire d'une maîtrise en administration des affaires de HEC Montréal, il a occupé des postes de cadre au sein de la Défense nationale, de SNC, de la Banque Nationale et de la Banque Laurentienne. Son penchant pour les ressources naturelles ne date pas d'hier. Interrogé par Les Affaires, en octobre 2008, quant à savoir où en serait le Québec en 2028, il répondait : «Nous serons meilleurs dans les secteurs qui sont les nôtres. Nous avons un territoire riche en ressources naturelles, et cela ne changera pas. Il faudra certes confirmer notre présence dans le Nord du Québec. Nous occupons un immense territoire peu peuplé et nous vivons dans un pays riche, ce qui est très attrayant pour beaucoup de monde.»

LE MANDAT ÉLARGI D'INVESTISSEMENT QUÉBEC

La nouvelle Investissement Québec est née de la fusion, en avril 2011, de la Société générale de financement (fondée en 1962) et d'Investissement Québec (1998). Elle est à la fois une institution financière et une agence de développement économique. Tandis que la SGF prenait des participations directes dans les entreprises, Investissement Québec, dans sa première version, s'était spécialisée dans les prêts, les garanties de prêts et les subventions. La nouvelle IQ offrira tous ces services et plus. Ses mandats : la prestation de services financiers, l'administration de tout programme gouvernemental d'aide financière et l'exécution de tout mandat qui lui sera confié par le gouvernement, notamment celui portant sur la prospection d'investissements directs étrangers.

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