Le gouvernement improvise, il doit reculer

Publié le 06/10/2012 à 00:00

Le gouvernement improvise, il doit reculer

Publié le 06/10/2012 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

« L'argent (redistribué) vers les pauvres doit être transporté dans un panier percé. Une partie disparaît dans le transport, si bien que les pauvres ne reçoivent pas tout l'argent pris aux riches. » - Arthur Okun, président du Bureau des conseillers économiques de la Maison-Blanche sous Lyndon B. Johnson

Comme l'illustre cette métaphore digne d'un cours d'économie 101, les gains obtenus à court terme par une hausse des impôts des hauts revenus ne restent pas entièrement dans les coffres du gouvernement. On ne peut pas affirmer, comme l'a dit le ministre des Finances Nicolas Marceau, que la hausse des impôts des riches soit un simple transfert vers d'autres contribuables.

Pire, à moyen et à long terme, les revenus tirés d'une hausse des impôts des contribuables à hauts revenus diminuent graduellement et entraînent tôt ou tard une baisse des recettes fiscales provenant de ce groupe. Au lieu d'en tirer profit, le gouvernement finit par s'appauvrir. Parmi les nombreuses études qui sous-tendent cette conclusion, en voici deux : la première, des coauteurs Robert Gagné (HEC), Jean-François Nadeau (UBC) et François Vaillancourt (UdeM), a paru dans L'Actualité économique (vol. 80, nos 2-3, 2004). La seconde (Ontario's Tax on the Rich : Grasping at Straw Men, juin 2012) est d'Alexandre Laurin, de l'Institut CD Howe. Les deux études se trouvent sur Internet via Google.

L'impact négatif dans le temps d'une hausse des impôts sur les recettes de l'État est d'autant plus important que l'augmentation est élevée. Autre facteur à considérer, l'écart par rapport aux taux d'impôt des régions administratives voisines doit paraître raisonnable. À 250000$ de revenu imposable, l'écart entre les taux marginaux combinés maximums au Québec et en Ontario serait de 5,7 points de pourcentage (4800$ en impôt), ce qui est substantiel. À compter de 130000$ de revenu imposable, l'écart est de 5,8 points de pourcentage, ce qui est élevé, et le taux maximum du Québec est toujours supérieur au plafond psychologique de 50%. Depuis juillet 2012, le taux marginal combiné maximum en Ontario est de 49,5% sur le revenu imposable de plus de 500000$.

Outre les taux marginaux combinés maximums, qui passeraient de 48,2% à 52,2% pour les Québécois ayant un revenu imposable de plus de 130000$ et à 55,2% pour ceux qui ont un revenu imposable de plus de 250000$, Nicolas Marceau veut faire passer de 50% à 75% la partie du gain en capital qui s'ajoute au revenu et réduire de 50% le crédit d'impôt sur les dividendes, qui est déjà plus faible que celui du fédéral. Et tout cela, rétroactivement !

Attention, perception is reality

Le Québec imposait déjà aux particuliers le plus lourd fardeau fiscal de l'Amérique du Nord. Avec l'échafaudage fiscal que Pauline Marois et Nicolas Marceau ont improvisé, le Québec est devenu hors normes, ce qui le fera paraître comme la région administrative la moins accueillante pour les contribuables à revenus élevés. Cela pourrait encourager certains résidents à partir et inciter des immigrants potentiels à s'établir ailleurs. Il en va de même pour des sociétés étrangères.

Face à la pluie de critiques qui s'abat sur l'avalanche fiscale déclenchée par le gouvernement, et l'opposition jumelée du PLQ et de la CAQ, Nicolas Marceau doit chercher des compromis. On comprend qu'il puisse demander un effort supplémentaire aux mieux nantis, mais il devrait limiter la hausse du taux marginal combiné à 49,9% et oublier la rétroactivité de sa mise en vigueur. Il devrait aussi renoncer aux hausses envisagées sur les gains en capital et les dividendes, puisque ces revenus touchent bien des contribuables de la classe moyenne, notamment des retraités.

À cause de leur impact majeur sur le niveau de vie des citoyens et les comportements des contribuables, les changements à la fiscalité ne doivent pas être annoncés n'importe comment (la rétroactivité des nouveaux impôts a été révélée par la directrice des communications de la première ministre quelques jours seulement après l'assermentation du nouveau conseil des ministres). Ils doivent l'être dans un énoncé budgétaire, après avoir effectué des simulations pour mesurer leur effet sur les contribuables et les finances publiques.

Nicolas Marceau doit cesser de parler de son objectif d'équilibre budgétaire pour 2013-2014, qu'il sait impossible à atteindre, à cause des cadeaux distribués par sa chef et du ralentissement de l'économie, et se concentrer sur son premier budget. Gageons que celui-ci sera présenté avant la fin de 2012.

MON COMMENTAIRE

J'aime

Les salariés canadiens de General Motors, Ford et Chrysler ont entériné sans moyen de pression les ententes de principe négociées par leur employeur respectif et leur syndicat. Ils ont accepté des salaires inférieurs pour les nouveaux employés et de contribuer davantage au financement de leur régime de retraite. Ils ont compris que leur emploi dépendait de la capacité concurrentielle des usines canadiennes d'automobiles.

Je n'aime pas

Jean Charest avait nommé Joël Gauthier, ex-directeur général du Parti libéral, au poste de président du conseil et de président-directeur général de l'Agence métropolitaine de transport (AMT). Celui-ci a dû démissionner pour la mauvaise gestion du projet de train de l'Est, reliant Montréal et Mascouche. Pour le remplacer, Pauline Marois a nommé Nicolas Girard, ex-député et candidat défait dans Gouin. Comme l'avocat Joël Gauthier, Nicolas Girard, un diplômé en science politique qui n'a aucune expérience en gestion, n'est pas qualifié pour diriger l'AMT, qui souffre déjà d'un important problème de gouvernance (conflits d'intérêts, déficit d'expertise en finance et en transport).

jean-paul.gagne@tc.tc

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