Le Château adopte la stratégie des petits pas pour atteindre sa nouvelle cible

Publié le 06/08/2011 à 00:00

Le Château adopte la stratégie des petits pas pour atteindre sa nouvelle cible

Publié le 06/08/2011 à 00:00

Par Marie-Eve Fournier

La présidente des magasins Le Château, Emilia Di Raddo, a du pain sur la planche. Elle ambitionne de changer l'image de la marque pour qu'elle séduise les professionnels de 35 ans et plus. Les prochaines collections proposeront donc des styles européens, des tissus et des coupes de meilleure qualité. Un défi marketing de taille pour une entreprise qui affiche des résultats financiers mitigés depuis 2008.

Depuis trois ans, Le Château court deux lièvres à la fois : sa clientèle traditionnelle qui recherche des bas prix et la femme plus sophistiquée qui ne veut plus de mode jetable. Or, en tentant de satisfaire tout le monde, on risque de ne contenter personne.

C'est exactement ce qui est arrivé au détaillant montréalais. "Ça nous a fait mal financièrement. Il a fallu prendre une décision, car tu ne peux pas miser sur les bas prix et sur la qualité en même temps. Ça crée de la confusion pour les consommateurs et ça fait mal à ta marque", a confié la présidente Emilia Di Raddo lors d'un long entretien avec Les Affaires.

La décision est maintenant prise : Le Château ira davantage jouer dans les plates-bandes de Tristan, Mexx et Zara que dans celles de H&M et Forever 21, champions des bas prix. En réalité, ce changement de cap est en cours depuis 2008. Mais la chaîne ne s'en est pas vanté. Une autre mauvaise idée, reconnaît-on humblement aujourd'hui.

"Quand la récession nous a frappés, nous avons gelé. Comme bien d'autres entreprises, nous avons contrôlé nos coûts, réduit toutes les dépenses de publicité, de marketing et de communications, relate Mme Di Raddo. Pendant trois ans, personne n'a entendu parler de nous. Ce qui était une erreur."

"Si tu changes ta marque, mais que tu n'en informes personne, c'est comme si tu n'avais rien fait", ajoute-t-elle, en promettant que les choses changeront dès maintenant.

Changements majeurs cet automne

Tout sera mis en oeuvre au cours prochaines semaines pour que la nouvelle orientation soit enfin claire. Pour y arriver, Le Château lancera une vaste campagne de publicité mettant en vedette la collection d'automne dans les journaux, les magazines, sur des panneaux d'affichage et dans les médias sociaux. Une initiative que le détaillant préfère ne pas chiffrer. "C'est le montant le plus important que nous avons investi dans une campagne en 10 ans", précise cependant sa présidente.

Malgré tout, la partie n'est pas gagnée. "Changer l'attitude des gens nécessite des investissements importants, et ça ne se fait pas du jour au lendemain, prévient Frank Pons, professeur de marketing à l'Université Laval. Si j'achète du cachemire au Château, est-ce que je serai méfiant ? Oui. En fait, ce n'est même pas certain que je vais vouloir en acheter."

Pour Brian Dyches, président fondateur de Trend Habitat, Le Château s'embarque dans un processus qui devra être aussi bien réalisé qu'une chirurgie de haut niveau. "Il faut que le chirurgien soit tellement bon qu'il ne laisse aucune cicatrice. Car rebâtir ta réputation auprès d'une nouvelle clientèle cible, ça exige beaucoup au chapitre de l'exécution et du synchronisme dans toutes les opérations."

Dans son "virage", Le Château entend miser sur le fait que 30 % de ses vêtements sont fabriqués au Canada et que la qualité de son offre a grimpé de quelques crans. Ce ne sera pas facile, et toute l'équipe de direction en est bien consciente.

En effet, bien malin celui qui peut juger, aujourd'hui, de la qualité de vêtements en regardant de simples photos. Qui n'a pas vu ces clichés léchés de la top-modèle Gisele Bündchen portant des robes magnifiques... vendues 29 $ chez H&M ! Comment être crédible dans les circonstances ? "Tout se passe en magasin, lors des essayages, répond Emilia Di Raddo. Les gens vont sentir la différence dans la confection quand ils vont enfiler un veston fait au Canada avec du tissu italien."

Stratégie "risquée"

Les prix devraient augmenter, puisque des tissus plus chers comme la laine, le cachemire et la soie seront utilisés. Cela permettra d'augmenter les ventes et, encore plus important, les marges de profit, assure-t-on.

Après les changements au rayon des femmes, ceux de la chaussure, des accessoires et des hommes subiront le même genre de cure, afin qu'il y ait une parfaite cohérence dans le magasin. Par exemple, pour la première fois, des souliers seront fabriqués en vrai cuir et on proposera des importations italiennes. Les prix passeront alors de 59-89 $ à 89-139 $. Le processus sera terminé dans un an. Le design des magasins sera lentement revu. L'entreprise n'a pas l'intention de modifier son logo. Celui-ci mériterait pourtant d'être rendu "plus mature", selon Brian Dyches.

"Ce qui me frappe, c'est qu'ils procèdent de façon progressive. C'est très difficile d'avoir différents "niveaux" dans un même magasin. C'est une décision que je ne comprends pas. Il faut un changement draconien", dit Frank Pons.

"J'ai l'impression qu'on change un peu les choses, mais qu'on ne prend pas trop de risques. C'est une stratégie risquée", ajoute-t-il.

Seul l'avenir dira si Le Château réussira à se réinventer et à recommencer à vendre des vêtements "qui s'approchent de ceux de Gucci, Prada et Etro à une fraction du prix". Ironiquement, le détaillant revient à ses anciennes amours, puisque, dans les années 1960 et 1970, il se spécialisait dans la vente d'habits en laine et de pantalons de cuir pour hommes.

"En 1961, je vendais des vestons de cuir 125 $ (l'équivalent de 960 $ aujourd'hui) alors que Brisson & Brisson [une mercerie de luxe] vendait la même chose 500 $ (3 841 $ en dollars constants). Nous nous sommes toujours comparés aux designers, pas aux détaillants bas de gamme", nous a raconté le fondateur de la chaîne, Herschel Segal, 80 ans, venu se joindre à la conversation.

Chose certaine, l'énergique Emilia Di Raddo affiche une grande confiance en son plan. "Vous savez ce que ça fait d'avoir de mauvais résultats ? Ça vous dit, en gros, que c'est fini. C'est le temps de mettre fin au statu quo."

marie-eve.fournier@transcontinental.ca

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