La mauvaise gouvernance a miné le fabricant du BlackBerry

Publié le 07/07/2012 à 00:00

La mauvaise gouvernance a miné le fabricant du BlackBerry

Publié le 07/07/2012 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Après la faillite de Nortel, une autre débâcle menace notre industrie des télécoms.

Research In Motion (RIM), fabricant du fameux BlackBerry, jusqu'à récemment leader mondial de la téléphonie mobile intelligente, est entrée dans une zone de grand danger.

RIM a récemment annoncé trois nouvelles qui ont eu l'effet d'une bombe dans le monde financier : perte de 518 millions de dollars, soit 0,99 $ par action pour le trimestre terminé le 2 juin, alors que les analystes prévoyaient un déficit de 0,01 $ ; licenciement de 5 000 employés, après 4 000 mises à pied ces dernières années ; et, surtout, report au premier trimestre de 2013 du lancement du BlackBerry 10 (BB10), qui était attendu à temps pour la rentrée scolaire et les ventes de Noël. L'année 2012 restera donc pleinement ouverte pour les nouvelles versions de l'iPhone d'Apple, pour la plateforme de téléphonie mobile Windows 8 de Microsoft, qui vient de lancer sa tablette Surface, et pour la tablette Nexus 7 de Google, tous des concurrents de RIM. La Nexus 7 utilise la plateforme Android, qui propulse le Galaxy de Samsung. Celle-ci occupe 28 % du marché, devant l'iPhone (24 %) et le BlackBerry (moins de 10 %).

Cette avalanche de mauvaises nouvelles a fait chuter l'action de RIM de 10 $ à 7,50 $ en une semaine, elle qui avait atteint les 148 $ en juin 2008. RIM vaut actuellement moins de 4 milliards de dollars, après avoir enregistré une valeur boursière de 77 G$. Son effectif tombera à 11 500 salariés d'ici février 2013, ayant auparavant frisé les 20 000, dont 7 500 à Waterloo. Les déboires de RIM affecteront cette petite ville, où l'université est intimement liée au fabricant du BlackBerry et où l'entrepreneuriat technologique fleurit. Tous deux ont grandement bénéficié de la R-D financée par RIM et de l'argent de ses cofondateurs et cochefs de la direction, Jim Balsillie et Mike Lazaridis (ils ont quitté l'entreprise en janvier 2012).

Gouvernance déficiente

Que s'est-il passé pour que RIM connaisse une telle dégringolade ? En plus de commettre une grave erreur de stratégie (se lancer dans le marché de la tablette, au lieu de se concentrer sur la performance du BlackBerry, alors qu'Apple multipliait les versions de son iPhone et que Google développait sa plateforme Android), RIM a sans doute été victime d'une gouvernance inadéquate face à ces enjeux.

Tandis que Steve Jobs ne s'est jamais laissé distraire de son objectif de faire d'Apple un leader dominant de son industrie, Jim Balsillie a tenté à quatre reprises, de 2006 à 2009, d'acheter une équipe de la Ligue nationale de hockey. C'est une distraction qu'aucun chef de la direction ne peut se permettre.

Le CA de RIM a toujours été dominé par les deux fondateurs. Le sang neuf apporté après le scandale des options - RIM a été trouvée coupable en 2007 d'avoir modifié rétroactivement la date d'exercice des options d'achat d'actions - n'a rien changé. La liste des administrateurs proposés pour l'assemblée annuelle du 10 juillet ne comprend aucun spécialiste des technologies, sauf Mike Lazaridis et un ex-président d'IBM Canada. On y retrouve quatre comptables (l'un d'entre eux a 79 ans), quelques financiers et un professeur de stratégie. Le conseil est présidé par Barbara Stymest, ex-chef de la direction de la Bourse de Toronto.

Deux scénarios à l'étude

La survie de RIM inquiète. Le CA a confié à JP Morgan et à RBC Marchés des Capitaux le mandat d'évaluer les options qui s'offrent à RIM pour accroître sa valeur. Cela signifie sa vente en tout ou en partie, ou encore la vente sous licence de ses technologies. Personne ne se risque à estimer la valeur de RIM, malgré ses 2,25 G$ d'avoirs liquides et ses brevets. Elle n'a pas de dette. Elle compte 78 M d'abonnés, mais ce chiffre a probablement plafonné.

RIM travaille sur deux versions du futur BB10 : d'abord, un modèle sans clavier pour concurrencer l'iPhone et le Galaxy (un pari risqué) ; puis, un autre avec clavier pour sa clientèle actuelle (40 % de gens d'affaires).

La chute brutale de ses revenus (- 33 % sur le trimestre précédent et - 43 % sur le même trimestre en 2011) et le coût des mises à pied rendent improbable un profit en 2012. RIM n'est pas encore à l'article de la mort, mais elle pourrait bien devoir être vendue ou renaître sous une autre forme. Un autre joyau de la technologie canadienne des télécoms pourrait passer au stade du souvenir.

MON COMMENTAIRE

J'aime

Alors que plusieurs banques d'Europe sont incapables de se financer par elles-mêmes, les membres des caisses Desjardins achètent environ 25 M$ de parts de capital par jour depuis le 18 juin. L'émission autorisée peut atteindre 1,2 milliard de dollars. Si celle-ci est toute vendue, le ratio de capital de première catégorie de Desjardins atteindra 17,1 %, comparativement au minimum de 12 % imposé par Bâle III, ce qui en fera un groupe très bien capitalisé.

Je n'aime pas

En refusant d'entendre une requête en appel des trois principaux fournisseurs de téléphonie cellulaire au Canada (Rogers, Bell et Telus), la Cour suprême du Canada a accrédité une décision de la Cour d'appel de la Saskatchewan qui avait reconnu le bien-fondé de la décision d'un tribunal inférieur d'autoriser un recours collectif relatif aux frais d'accès prétendument excessifs exigés des abonnés. Selon la requête des plaignants, les abonnés de six sociétés canadiennes de téléphonie cellulaire auraient payé, depuis 1987, jusqu'à 18 G$ de trop en «frais d'accès» à ce service. Selon l'OCDE, le Canada arrivait au premier rang de ses pays membres, en 2009, pour ce qui est du coût de la téléphonie cellulaire.

jean-paul.gagne@tc.tc

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