Le cycle de négociation visant la libéralisation des échanges lancé par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Doha, au Qatar, en novembre 2001, peine à aboutir.
Au dernier sommet du G20, les chefs d'État ont réitéré leur volonté d'en arriver rapidement à un accord global. Mais est-ce encore possible ? Les difficultés à conclure une entente montrent-elles que le mouvement d'ouverture des frontières atteint sa limite ?
Nous avons joint à Genève le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, pour faire le point sur ces enjeux.
Journal Les Affaires - Pourquoi les négociations du cycle de Doha n'aboutissent à rien ? La réforme de la santé aux États-Unis, qui accapare l'administration Obama, est-elle un frein ?
Pascal Lamy - Il est vrai que, pour l'instant, le président Obama a accordé la priorité à son plan de santé. Même si cette question monopolise beaucoup d'énergie à Washington, la résoudre permettra en partie d'aider à réconcilier les Américains avec l'ouverture du commerce. L'administration américaine sera alors dans une meilleure position pour convaincre le Congrès qu'il est nécessaire de poursuivre l'ouverture des échanges ainsi que la consolidation des règles du système commercial multilatéral qui ont tant servi les intérêts des États-Unis.
JLA - Globalement, où en est rendue la négociation ?
P.L. - La négociation est très avancée. Nous avons fait 80 % du chemin. Il existe une forte volonté politique de régler les 20 % de points qui restent et de conclure une entente en 2010. C'est le souhait exprimé par les chefs d'État lors du dernier sommet du G20 à Pittsburgh. Cela me paraît réalisable, mais pour y arriver, il faut accélérer le rythme du travail à Genève.
JLA - Quels compromis permettraient d'en arriver à une entente acceptable pour tous ?
P.L. - Il faut déterminer les conditions d'application de la clause de sauvegarde en matière agricole, qui permettra aux pays en développement de limiter les importations sur leurs marchés. Il faudra encore trouver un accord sur la réduction des droits de douane dans certains secteurs industriels.
Enfin, un accord sur la réduction des subventions américaines et européennes au coton est très attendu par les pays africains.
JLA - Une entente est-elle possible si le Canada refuse de modifier son système de gestion de l'offre ?
P.L. - Il y a un consensus pour que tous les membres puissent protéger un certain nombre de produits agricoles dits sensibles en conservant des droits de douane plus élevés. Mais même pour ces produits sensibles, les membres de l'OMC ont convenu qu'il doit y avoir une amélioration substantielle de l'accès aux marchés.
JLA - La multiplication des accords de libre-échange bilatéraux n'indique-t-elle pas que les grandes économies ne croient plus vraiment à un accord global entre 153 pays ?
P.L. - L'ouverture commerciale multilatérale offre des possibilités qui ne seront jamais réalisables au niveau régional ou bilatéral.
Les questions des subventions agricoles et du dumping ne seront jamais abordées dans le cadre d'accords régionaux. Cela explique en partie pourquoi il est difficile de conclure un accord global.
Les entreprises des domaines du transport, de la finance, des télécommunications et des technologies de l'information ont besoin de règles qui s'appliquent globalement, et non pas d'une mosaïque de normes différentes [selon les marchés].
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