Faisons barrage à la politique dans le projet du Bas-Churchill

Publié le 09/04/2011 à 00:00

Faisons barrage à la politique dans le projet du Bas-Churchill

Publié le 09/04/2011 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Il ne faut pas s'étonner que des politiciens québécois exploitent à des fins partisanes la promesse de Stephen Harper de fournir une garantie de prêt de quatre milliards de dollars (G$) pour assurer la construction du projet hydroélectrique du Bas-Churchill au Labrador. On veut nous faire croire que le Québec serait pénalisé si cet engagement devait se concrétiser. C'est une grande exagération.

Ce projet, qui est évalué à 6,2 G$, consiste en l'aménagement de la rivière Churchill (barrage et digues) et en la construction d'une centrale de 824 mégawatts (MW), de stations de conversion du courant et de lignes de transport qui achemineront l'électricité jusqu'en Nouvelle-Écosse. Ce réseau traversera le détroit de Belle-Isle, large de 30 kilomètres (km), et reliera l'île de Terre-Neuve et le Cap-Breton, soit une distance de 180 km.

C'est un projet colossal sur les plans économique et technologique, qui permettra enfin à Terre-Neuve d'exploiter le potentiel hydro-électrique du Bas-Churchill, qui comprend deux sites (Muskrat Falls et Gull Island). La puissance installée des deux sites est de 3 074 MW, pouvant produire 16,7 térawattheures (TWh) d'électricité. On exploitera d'abord le site de Muskrat Falls (824 MW).

Si on en est là, c'est à cause du différend entre Terre-Neuve et le Québec sur le complexe hydroélectrique du Haut-Churchill. Ce site, d'une puissance installée de 5 428 MW, produit de l'électricité qui est presque entièrement vendue à Hydro-Québec, au prix de 0,25 cent le kilowattheure (kWh) pendant 40 ans (de 1976 à 2016) et de 0,20 cent pour les 25 années suivantes. Un contrat est un contrat, comme la Cour suprême l'a statué, mais c'est du vol en quelque sorte, car l'électricité obtenue par Hydro-Québec est revendue 25 fois plus cher (le prix moyen était de 6,24 cents en 2010). À ce prix, Hydro a réalisé l'an passé un profit brut d'environ 1,5 G$ sur l'électricité obtenue du complexe du Haut-Churchill.

Si Hydro-Québec a négocié une entente aussi avantageuse à la fin des années 1960, c'est parce que le promoteur du projet, Brinco, ne pouvait financer seul le projet. De plus, Hydro-Québec était la seule société à pouvoir acheter la presque totalité de l'énergie qui y serait produite. Le reste est distribué au Labrador.

Le véritable enjeu du projet du Bas-Churchill n'est pas la mise en production du site, mais la livraison de l'électricité produite dans les marchés qui en voudront. Emera, une société inscrite en Bourse, propriétaire de Nova Scotia Power et d'autres entreprises d'électricité, s'est engagée à financer environ 30 % des 2,1 G$ que coûtera la ligne reliant le Labrador à Terre- Neuve et le 1,2 G$ que vaudra la ligne sous-marine qui rejoindra le Cap-Breton.

L'idéal aurait été que l'électricité produite au Bas-Churchill rejoigne les marchés par des lignes de transport transitant par le Québec. C'est impossible, puisque Québec n'osera jamais prendre un engagement de cette nature. Hydro-Québec dit qu'elle n'a pas la capacité nécessaire pour assurer ce transport, ce que nie Nalcor, société d'énergie du gouvernement de Terre-Neuve, propriétaire de Newfoundland and Labrador Hydro, partenaire d'Hydro-Québec dans le complexe du Haut-Churchill. Il faut aussi avoir à l'esprit que l'énergie produite sur la rivière Romaine et sur d'autres sites projetés dans le nord-est du Québec devra elle aussi être transportée vers les marchés à travers le territoire.

Attendons-nous à payer davantage pour notre électricité

Dans le contexte énergétique actuel et dans la mesure où le prix de revient est acceptable, il est pertinent d'accroître l'exploitation de l'hydroélectricité, puisque celle-ci produit beaucoup moins de gaz à effet de serre que l'énergie issue du charbon et des hydrocarbures. Il est également pertinent d'étendre le réseau de transport d'électricité partout au pays et d'ajouter des lignes de transport permettant d'exporter cette énergie. Il se peut aussi que l'Île-du-Prince-Édouard soit reliée à ce réseau.

L'achat de New Brunswick Power par Hydro-Québec aurait facilité l'expansion de ce réseau, mais, pour des raisons bêtement nationalistes, ce projet a été abandonné.

La solution idéale pour sortir l'électricité du Bas-Churchill aurait été la réouverture de l'entente sur le Haut-Churchill. Malgré la difficulté associée à cet enjeu, une renégociation fondée uniquement sur des considérations d'affaires aurait pu mener à une solution avantageuse pour les deux parties. C'est impossible actuellement, car cette obligation tombera seulement d'ici 2041. Terre-Neuve se retrouvera alors avec le gros bout du bâton. Attendez-vous alors à une explosion de votre compte d'électricité.

MON COMMENTAIRE

J'aime

Le Fonds Relève Québec de 50 millions de dollars (M$) annoncé dans le dernier budget Bachand arrive à point nommé. Alors que plus de 50 000 propriétaires de PME prendraient leur retraite d'ici 2018, le Québec risque de manquer de relève. Ce fonds, dans lequel Québec injectera 20 M$ et les fonds fiscalisés de Desjardins, de la FTQ et de la CSN, chacun 10 M$, fera des prêts pour faciliter les transferts à des entrepreneurs québécois.

Je n'aime pas

Robert Transport aura investi 45 millions de dollars quand il aura pris livraison des 180 camions au gaz naturel liquéfié commandés à Westport Innovations de Vancouver. Les trois premiers camions sillonnent les routes du Québec et un quatrième est à l'essai. Malheureusement, Transport Canada n'a pas encore publié sa réglementation sur le transport interprovincial pour ces camions, et les municipalités (Longueuil, Saint-Nicolas et Mississauga), où l'entreprise exploite des centres de transbordement, tardent à délivrer les permis nécessaires à l'établissement des stations d'alimentation en gaz de ces camions. Ces derniers émettent de 30 à 40 % moins de gaz à effet de serre que les camions à essence.

jean-paul.gagne@transcontinental.ca

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