Comment le Dix30 a séduit le Québec inc.

Publié le 15/10/2011 à 00:00

Comment le Dix30 a séduit le Québec inc.

Publié le 15/10/2011 à 00:00

Le promoteur Devimco a réussi à tirer profit de la confiance qu'il inspire pour attirer les grands noms du Québec inc. dans un développement immobilier qui dépasse le milliard de dollars. Le rêve de tout homme d'affaires à la tête d'un projet aussi colossal.

À Brossard, une dizaine de grues s'activent au milieu des monster houses, des grandes surfaces, des fast-food et des restaurants branchés. Le Dix30 continue de s'étendre à l'intersection des deux autoroutes qui ont donné leur nom à cet énorme centre commercial de type lifestyle. D'ici 2013, le projet de Devimco passera de 1,4 à 2,6 millions de pieds carrés. Valeur totale du projet : plus d'un milliard de dollars.

Au-delà des chiffres et des enseignes renommées qui s'y installent, le Dix30 a un autre atout passé jusqu'ici inaperçu : il agit comme un aimant pour le Québec inc.

Jamais un projet immobilier n'aura réuni autant de gros noms du monde des affaires québécois. La famille Beaudoin-Bombardier, Pierre Bourgie, le fonds de pension d'Hydro-Québec, la famille Poulin, Jean Leclerc, de Laura Secord... Même le producteur du Déclin de l'empire américain a discrètement investi dans le mégacentre.

Le promoteur Devimco laisse filtrer au compte-gouttes les informations sur ses partenaires et le projet lui-même. Mais pour convaincre ces investisseurs d'engager de l'argent dans les premières phases du Dix30, il n'a pas lésiné sur les moyens.

L'entreprise les a emmenés dans l'Ouest américain, en 2004. Los Angeles, Phoenix, San José, Denver... «C'était surtout pour aller voir comment on pouvait intégrer l'automobile dans un tel projet», raconte Claude Caty, chef des placements aux régimes de retraite de la Société de transport de Montréal, qui ont mis de leurs billes dans le vaste développement commercial.

La délégation de cette opération charme comptait huit personnes. En plus des représentants des régimes de la STM, ceux de la caisse de retraite de la Ville de Québec et de la famille Bombardier-Beaudoin étaient du voyage.

La tournée ne fut pas de tout repos. «Ça impliquait de visiter plusieurs lifestyle centres dans la même journée, dit Claude Caty. Mais j'ai aimé ce que j'ai vu.»

Pourtant, les sceptiques ne manquaient pas lors des premières discussions avec des partenaires potentiels. «D'autres caisses de retraite s'étaient montrées intéressées, mais elles se sont retirées à la dernière minute», explique le gestionnaire de fonds.

Leur principale inquiétude : l'achalandage en hiver. Les lifestyle centres visités étaient concentrés dans des États où le climat est chaud. «Ce qui nous a convaincus, raconte M. Caty, c'est un autre développement du même genre à Minneapolis, où il y a de la neige tout l'hiver et où ça marche bien.»

Investir en famille

Bien avant le projet, Jean-François Breton, copropriétaire de Devimco et chargé du projet de Brossard, a recruté la famille de sa femme, Denise Beaudoin, la soeur du pdg de Bombardier, Pierre Beaudoin. Le Fonds de placement immobilier BB, la fiducie de la famille, a investi dans le projet, comme dans d'autres mégacentres de Devimco à Québec et à Laval, dans les années précédentes.

Les caisses de retraite de la Ville de Québec et de la STM ont sauté dans le train dès le début des travaux à Brossard. «On avait déjà fait des projets ailleurs avec les investisseurs des phases 1 et 2. Ils avaient confiance en nous», dit Jean-François Breton, dans une rare entrevue.

Au régime de retraite de la Ville de Québec, le gestionnaire des placements immobiliers Guy Martineau confirme : «On a établi de bons contacts en participant à la construction de plusieurs centres d'achat avec eux.»

Bourgie, Robitaille et le Québec inc.

Pour financer les phases suivantes, Devimco a fait appel à Ipso Facto. Créé par Pierre Bourgie, dont la famille a fondé la chaîne de salons funéraires Urgel Bourgie, ce fonds d'investissement possède aujourd'hui la moitié du capital-actions des phases en construction.

Serge Robitaille est le cerveau d'Ipso Facto. Ce financier, qui gère depuis longtemps les deniers de la caisse de retraite d'Hydro-Québec, a aussi convaincu plusieurs fortunes familiales d'investir au Dix30. La liste compte en tout une dizaine d'investisseurs. «C'est notre réseau d'affaires», dit M. Robitaille.

Le gestionnaire est passé maître dans l'art de rassembler des entrepreneurs qui veulent investir dans l'immobilier, sans avoir le temps ou le désir de s'engager directement dans des projets. «On a acquis une bonne réputation, dit-il. Un des éléments importants, c'est M. Bourgie, très bien vu à Montréal.»

Ses partenaires sont cependant plus que discrets. Ils considèrent leur participation au Dix30 comme un investissement personnel. Parmi eux, seule la famille Poulin a accepté de répondre à nos questions. «On investit dans des projets d'entrepreneuriat, dit David, fils de Placide, fondateur des baignoires Maax. On encourage les initiatives de gens en qui on a confiance.»

Les Poulin connaissent le dirigeants de Devimco de longue date, un atout. «Serge Goulet [coprésident de Devimco], ça fait 20, 25 ans que je le connais», ajoute Placide Poulin, rencontré à la première pelletée de terre d'un autre projet du promoteur dans lequel il investit, le District Griffin, à Montréal.

Jean Leclerc, président de Laura Secord, s'est montré peu bavard à propos de sa participation dans le Dix30. «Je suis un petit joueur dans ce projet-là. C'est pour moi un placement, pas un domaine de connaissance, comme l'est le chocolat», dit celui qui a quitté en 2009 l'entreprise de sa famille, les Biscuits Leclerc.

Mais l'homme d'affaires de Québec insiste sur un élément décisif : la confiance dans le promoteur. En immobilier commercial, c'est fondamental. «Nous avons des activités relativement risquées», convient Serge Robitaille, associé directeur du fonds d'investissement Ipso Facto. D'où la nécessité de faire un suivi serré du projet. «On est très proches de nos partenaires. On pose beaucoup de questions.»

L'engagement d'Ipso Facto à l'égard du Dix30 a d'ailleurs commencé par des prêts subordonnés pour financer le projet. Dans le Registre foncier, Les Affaires a décelé un total de six millions de dollars de garanties prises sur le projet. Des financements dits «mezzanines», comme ceux qui ont plombé la performance de la Caisse de dépôt et placement du Québec aux États-Unis en 2009. Mais Devimco les a remboursés «rubis sur l'ongle», assure Serge Robitaille. Certains ont été transformés en capital-actions quand Ipso Facto a racheté la moitié du projet, l'an dernier.

Ipso Facto détient aujourd'hui 50 % des actions des phases en construction du Dix30, qui totalisent des investissements de 400 millions de dollars (M$). En principe, la valeur de ses actions tourne donc autour de 200 M$. Ipso Facto a aussi une participation de 25 % dans le projet résidentiel Cité Dix30 du Groupe Cholette, au nord-ouest du développement. Un projet évalué à 250 M$.

Finalement, Ipso Facto et les autres partenaires de Devimco ont eu raison des sceptiques. En toutes saisons, les consommateurs affluent dans les épiceries fines et les grands noms du commerce de détail. Dans la salle L'Étoile, ils assistent aux spectacles de Stéphane Rousseau, Cathy Gauthier, Michel Louvain et autres. Ils viennent au spa ou prennent un verre dans un des nombreux bars.

Devimco a été le premier promoteur du Québec à rassembler autant de services au même endroit. Aujourd'hui, ses partenaires du Québec inc. et des caisses de retraite sont majoritaires dans le projet de Brossard.

hugo.joncas@transcontinental.ca

À la une

Bourse: records en clôture pour Nasdaq et S&P 500, Nvidia première capitalisation mondiale

Mis à jour le 18/06/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. Les titres de l’énergie contribuent à faire grimper le TSX.

Stellantis rappelle près de 1,2 million de véhicules aux États-Unis et au Canada

Environ 126 500 véhicules au Canada sont concernés par le rappel.

Le régulateur bancaire fédéral maintient la réserve de stabilité intérieure à 3,5%

L’endettement des ménages reste une préoccupation pour le Bureau du surintendant des institutions financières.