Chez les Cris, l'économie a pris le dessus

Publié le 28/04/2012 à 00:00

Chez les Cris, l'économie a pris le dessus

Publié le 28/04/2012 à 00:00

La photo pouvait sembler anodine, mais elle a néanmoins représenté un des moments forts de la Conférence Plan Nord, organisée par Les Affaires, le 19 avril à Québec.

Elle faisait partie de la présentation du projet diamantaire Renard par le vice- président de Stornoway, Ghislain Poirier. On y voyait trois personnes sourire à la caméra : le chef de la Nation crie de Mistissini, Richard Shecapio ; le président de Stornoway, Matt Manson... et le chef du Grand Conseil des Cris, Matthew Coon Come. Les trois hommes étaient réunis pour célébrer la conclusion de l'entente Mecheshoo, signée le 27 mars, qui accorde aux Cris de Mistissini toutes sortes d'avantages et d'occasions dans le grand chantier qui s'amorce. Le village de Mistissini est situé à 90 kilomètres au nord de Chibougamau, et il faudra encore parcourir 250 kilomètres pour atteindre l'éventuelle mine Renard.

C'est un beau projet. C'est aussi un important symbole. Il y a 20 ans, Matthew Coon Come était pratiquement l'ennemi public numéro un au Québec. À l'époque, comme chef du Grand Conseil des Cris, il a mené une bataille de tous les instants qui a fini par faire dérailler le projet hydroélectrique Grande-Baleine, à la baie James, allant jusqu'à dénoncer Hydro-Québec aux Nations Unies. Le dialogue semblait alors impossible avec les Cris. Matthew Coon Come ne voulait rien entendre. Il était fermé à toute négociation. On n'allait pas si facilement modifier le mode de vie traditionnel de ses compatriotes. Plus rien n'allait bouger... jusqu'à ce que, petit à petit, le ton change de part et d'autre.

La notion d'acceptabilité sociale a progressé. Plus question de mousser des projets sans l'accord des populations locales. Les Cris, eux, ont fini par voir dans les projets du Nord une chance de développement pour leurs différentes communautés, et ils se sont donné des outils. Air Creebec, par exemple, appartient à des entrepreneurs cris. Les antagonismes d'hier ont fait place à de la curiosité, puis à de l'intérêt. On s'est mis à parler affaires.

C'est ce nouvel état d'esprit qui a conduit, par exemple, à l'entente Mecheshoo. D'autres accords ont été signés, notamment avec le ministère des Transports du Québec. Ce sont des entrepreneurs cris qui se chargeront de déboiser le tracé pour le prolongement de la route 167 vers le Nord, permettant l'accès au nouveau parc national Albanel- Témiscamie-Otish, en plus de rejoindre la mine. Il y a de l'ouvrage en perspective.

Des blocages stratégiques

Pourtant, il y a 20 ans, c'était presque la guerre, les accusations pleuvaient et le Québec se faisait planter sur la scène internationale. Qu'est-ce qui a changé ?

L'économie a pris le dessus. En anglais, lorsqu'il faut décider si on embarque ou non dans un projet, on se demande : «What's in it for me ?» En d'autres termes, «Qu'est-ce que ça peut me donner ?» Les Cris ont fini par se poser eux-mêmes la question. Ils ont demandé et obtenu, à la longue, des réponses satisfaisantes. Et, stupéfaction, le Québec a compris que les blocages d'hier n'étaient pas tant idéologiques que stratégiques. Et ce n'est pas parce que les leaders se sont laissé acheter, comme l'ont écrit au sud quelques commentateurs probablement frustrés de perdre ainsi un beau sujet de contestation ; non, ils ont élevé la barre et obtenu ce qu'ils désiraient pour l'avancement de leur population. L'adhésion n'est ni unanime ni automatique, mais le canal est ouvert. Il faut à ce sujet saluer Bernard Landry qui avait compris, comme premier ministre il y a une douzaine d'années, que le Québec ne pourrait jamais envisager de percées au nord dans un tel climat de guerre froide. En a résulté la fameuse Paix des Braves. On construit aujourd'hui sur les fondations qu'elle a jetées.

Il existe 11 Premières Nations au Québec, en plus des Inuits. Ces derniers sont touchés, comme les Cris, les Naskapis et les Innus, par le Plan Nord. Si l'exemple des Cris peut servir d'inspiration, tout est possible quant aux ententes à venir, nation par nation, pourvu que chacune des parties mette de l'eau dans son vin et détermine ce qu'elle peut raisonnablement obtenir.

Je me permets une dernière observation. Notre conférence de Québec s'est déroulée sans la moindre anicroche, à la satisfaction des participants venus d'un peu partout. Le lendemain, sur le même sujet, les gens de Montréal ont eu droit à une émeute... Misère.

DE MON BLOGUE

Plan Nord

Les chiens aboient, la caravane passe

L'intolérance vient d'atteindre un niveau dangereux et insupportable au Québec. Que des chercheurs d'emploi, des personnes tout à fait ordinaires qui veulent améliorer leur sort, se soient fait chahuter parce qu'ils ont voulu aller se renseigner au Salon Plan Nord, au Palais des congrès de Montréal, montre à quelle profondeur tout le débat actuel s'est enfoncé.

Vos réactions

«Amen ! J'ai essayé d'expliquer ma position sur Facebook face aux étudiants et au Plan Nord... je ne pouvais mieux l'expliquer que vous ne l'avez fait. Bravo et merci, car c'est trop facile d'entrer dans le moule et de crier après tout ce que Charest touche sans savoir de quoi on parle. Je tiens à souligner que je n'ai pas voté pour lui.»

- jojomojo

«Effectivement, il y a de l'hystérie dans l'air ! Les investissements du privé sont bienvenus. Mais il y a des lois à respecter. Si des entrepreneurs abusent de la confiance du système en place, ils devront en répondre devant la loi ! Vous ne pouvez dépasser les limites de vitesse tout le temps !»

- MHenry

rene.vezina@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

À la une

Bourse: records en clôture pour Nasdaq et S&P 500, Nvidia première capitalisation mondiale

Mis à jour le 18/06/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. Les titres de l’énergie contribuent à faire grimper le TSX.

Stellantis rappelle près de 1,2 million de véhicules aux États-Unis et au Canada

Environ 126 500 véhicules au Canada sont concernés par le rappel.

Le régulateur bancaire fédéral maintient la réserve de stabilité intérieure à 3,5%

L’endettement des ménages reste une préoccupation pour le Bureau du surintendant des institutions financières.