Avertissements salutaires aux administrateurs de sociétés

Publié le 02/06/2012 à 00:00, mis à jour le 31/05/2012 à 14:10

Avertissements salutaires aux administrateurs de sociétés

Publié le 02/06/2012 à 00:00, mis à jour le 31/05/2012 à 14:10

Par Jean-Paul Gagné

Les administrateurs de sociétés inscrites en Bourse doivent prendre bonne note de deux événements récents survenus dans les décors feutrés de deux sièges sociaux canadiens.

Le premier est l'entrée au CA du Canadien Pacifique des sept administrateurs proposés par Pershing Square Capital Management, un gestionnaire de fonds de spéculation dirigé par l'activiste américain Bill Ackman.

La mission de Pershing est d'investir dans des sociétés mal gérées ou sous-évaluées et d'imposer des changements à leur conseil d'administration afin de créer de la valeur pour leurs actionnaires. Il l'a fait avec succès chez JC Penney, mais a échoué chez Target.

Sa dernière victime est le CP. Pershing a accumulé 14,2 % des actions de cette vénérable société, au conseil de laquelle siégeaient de grands noms du capitalisme canadien, dont les ex-cadres John Cleghorn (Banque Royale), Michael Phelps (Westcoast), Richard George (Suncor) ainsi que l'ancien ministre fédéral John Manley et d'autres bonzes de cette coterie corporative. Ackman avait commencé par exiger deux postes au conseil du CP, l'un pour lui et l'autre pour Paul Hilal, un de ses partenaires d'affaires. Puis, il a demandé que le CP congédie son chef de la direction, Fred Green, et qu'il le remplace par Hunter Harrison, ex-chef de la direction du CN, crédité de la hausse spectaculaire de la productivité du principal transporteur ferroviaire du pays. La réponse du CP a été catégorique : oui à l'élection de M. Ackman, non à celle de M. Hilal et à la nomination de M. Harrison à la tête du CP. Réplique d'Ackman : «Vous voulez une bataille de procurations ? Vous allez l'avoir !» L'establishment du CP n'a pas bronché, présumant de la fidélité des actionnaires, malgré la piètre performance de la société, qui affichait le plus faible taux de productivité parmi les grandes sociétés ferroviaires nord-américaines. Or, comme bien d'autres actionnaires, Teachers' et le Régime de pensions du Canada se sont alliés avec Pershing. Face à cette fronde, six administrateurs du CP ont renoncé à leur réélection la veille de l'assemblée des actionnaires. Madeleine Paquin, chef de la direction de Logistec et déjà administratrice du CP, a été élue présidente du conseil, succédant à M. Cleghorn.

Prime refusée chez Astral Media

L'autre mécontentement des actionnaires s'est produite chez Astral Media, à la suite de l'offre d'achat des actions d'Astral par BCE. L'offre se déclinait ainsi : 50 $ pour chaque action sans droit de vote d'Astral, 54,83 $ pour chaque action à droit de vote (catégorie détenue principalement par la famille Greenberg), 769,23 $ par action «spéciale» (catégorie détenue par la famille Greenberg pour une valeur de 50 millions de dollars) et une «prime de rétention» de 25 M$ à M. Greenberg, alors qu'il quittait l'entreprise. C'en était trop pour plusieurs, dont la Caisse de dépôt. Résultat : l'offre de prime a été retirée avant l'assemblée des actionnaires.

Sain réveil des actionnaires

Ces événements indiquent que les actionnaires institutionnels canadiens se sont enfin réveillés face à la cupidité de certains cadres supérieurs de sociétés, et face à la complicité et à l'incurie des CA à l'égard de la rémunération des hauts dirigeants.

Le Canada a échappé pendant des décennies à l'avidité des chefs de la direction des grandes sociétés américaines, mais un rattrapage rapide s'est effectué depuis 1998, si bien que «la parité virtuelle entre Canadiens et Américains» a été atteinte et que le revenu des chefs de la direction des grandes sociétés canadiennes est passé de 60 fois le salaire moyen des employés du secteur privé canadien en 1998 à 150 fois en 2010, selon une étude récente du professeur Yvan Allaire pour l'Institut sur la gouvernance d'organisations publiques et privées.

L'Institut propose que les options d'achat soient éliminées comme mode de rémunération des cadres supérieurs, que l'avantage fiscal qui les favorise soit supprimé, qu'un «rapport juste et productif» soit établi entre le revenu des dirigeants et celui des autres salariés, et que les administrateurs se basent notamment sur des principes de création de valeur à long terme pour gérer la rémunération des hauts dirigeants de leur société.

Tout cela est souhaitable, mais il ne faut pas s'attendre à un changement rapide. Il importe donc que les actionnaires se prononcent chaque fois qu'ils en ont l'occasion.

MON COMMENTAIRE

J'aime

L'industrie québécoise des sciences de la vie bénéficie maintenant d'un nouveau fonds de 150 M$, qui investira dans des biotechs développant un médicament ou ayant découvert une molécule. Ce fonds, qui comprend des investisseurs canadiens (Teralys, Fondaction, BDC Capital) et étrangers (Eli Lilly, Advantus Capital), sera géré à Montréal par l'allemande TVM Capital.

Je n'aime pas

Selon une étude exploratoire menée par des chercheurs associés au CIRANO auprès d'un groupe de sociétés québécoises, seulement la moitié d'entre elles reconnaissent l'importance de la réputation comme actif stratégique pour la création de valeur et la gèrent de façon proactive.

Précision

Contrairement à ce que notre chronique de la semaine dernière mentionnait, la fonderie que Cliffs Natural Resources construira en Ontario, plutôt qu'au Québec, vise à traiter du concentré de minerai d'une mine de chromite située en Ontario, et non pas de celui de sa mine de fer du Lac Bloom au Québec. Cliffs recevra de l'aide financière de l'Ontario qui, à son tour, sollicite l'appui financier d'Ottawa pour financer cet important projet.

jean-paul.gagne@tc.tc

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