Aujourd'hui dans la rue, demain dans les entreprises

Publié le 12/05/2012 à 00:00

Aujourd'hui dans la rue, demain dans les entreprises

Publié le 12/05/2012 à 00:00

Par Pierre Théroux

Alors que des milliers de jeunes Québécois multiplient les manifestations depuis des semaines, tenant tête au gouvernement pour défendre leurs valeurs, Les Affaires s'est demandé comment cette génération Z perçoit l'économie et le monde du travail. Et à quoi doivent s'attendre les employeurs qui les embaucheront. La façon dont les entreprises s'adaptent déjà à leurs aînés, les Y, en donne une bonne idée.

Ils sont les figures de proue du mouvement étudiant. Martine Desjardins, Léo Bureau-Blouin et Gabriel Nadeau-Dubois incarnent l'espoir de milliers d'étudiants qui, depuis plusieurs semaines, ont pris d'assaut les rues pour manifester contre la hausse des droits de scolarité et, par extension, contre la gestion des finances publiques. Ils sont aussi le reflet de la génération Z reconnue, comme leurs aînés les Y, pour sa volonté de ne pas s'en laisser imposer. Une génération qui arrive sur le marché du travail et s'apprête à façonner le Québec de demain.

«On a le goût de toucher à tout, de vivre rapidement différentes expériences, dans différents domaines. C'est peut-être ce qui explique pourquoi de nombreux jeunes dans la vingtaine ont déjà occupé plusieurs emplois», note la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec, Martine Desjardins.

Âgée de 30 ans, elle termine un doctorat en sciences de l'éducation en adaptation scolaire et se destine à une carrière d'enseignante universitaire. Pendant ses études, elle a notamment travaillé comme intervenante sociale dans le quartier montréalais de Saint-Michel où elle a été confrontée aux gangs de rue.

«J'ai dû rapidement m'adapter à des situations explosives, à gérer des crises. Ça m'aide énormément aujourd'hui», dit celle qui prône le dialogue pour trouver des solutions.

Selon elle, la mouvance étudiante actuelle dénote «une grande créativité des participants, ce qui va se refléter dans leur intégration au marché du travail. Et ils vont davantage remettre en question les façons de faire».

Elle constate aussi que les jeunes de sa génération «ont besoin de sentir qu'ils sont impliqués, qu'ils font partie de la solution».

Même son de cloche de la part du président de la Fédération étudiante collégiale du Québec, Léo Bureau-Blouin. «On veut comprendre le pourquoi d'une décision», dit le diplômé en sciences humaines du Cégep de Saint-Hyacinthe, qui souhaite étudier en droit. Il se voit dans le domaine des relations de travail pour «garantir les droits et améliorer les conditions de vie» des travailleurs.

Quand il jette un regard sur l'économie du Québec, il déplore «la pression très forte qui s'exerce sur certaines régions dans un contexte de population décroissante et de dévitalisation». Il voit d'ailleurs dans le mouvement coopératif «un modèle intéressant pour assurer l'essor des régions et une meilleure répartition de la richesse».

Léo Bureau-Blouin ajoute que «les entreprises modèles sont celles qui ont une véritable responsabilité sociale, qui participent au développement de la collectivité».

Martine Desjardins souhaite aussi un développement économique plus participatif où les citoyens ont davantage voix au chapitre. Elle cite entre autres, comme exemple à ne pas suivre, le vaste programme de développement du Plan Nord du gouvernement québécois, instauré sans consultation publique. «On dépense des millions en plans de communication pour expliquer, pour justifier, mais tout ça après coup», dit-elle.

L'humain et l'environnement

Les enjeux environnementaux sont aussi au coeur de leurs préoccupations. «Les entreprises n'accordent pas assez d'importance à l'environnement, à l'analyse du cycle de vie d'un produit», dit Léo Bureau-Blouin.

Il estime aussi qu'il faut «réviser les indicateurs de croissance économique pour prendre aussi en considération les facteurs humains et environnementaux».

Enfin, les deux leaders étudiants (Gabriel Nadeau-Dubois ne nous a pas accordé d'entrevue) voient d'un mauvais oeil la marchandisation de l'éducation. Voilà pourquoi ils proposaient de revoir les relations entre universités ou cégeps et entreprises.

«L'arrimage entre les deux va parfois trop loin. Il ne faut pas évacuer certaines formations générales pour offrir un enseignement taillé sur mesure pour des emplois précis ou des entreprises particulières», affirme Léo Bureau-Blouin.

Martine Desjardins jette un regard critique sur le fait que «des brevets qui émanent de la recherche ne profitent pas à l'enseignement, parce qu'ils sont la propriété d'entreprises».

Quand ces jeunes intégreront le marché du travail, ces sujets ont de bonnes chances de faire des étincelles. Pour le meilleur ou pour le pire.

UN DÉFI DE GESTION INTERGÉNÉRATIONNELLE

Dans quelques années, les manifestants d'aujourd'hui intégreront le marché du travail ou lanceront des entreprises. Quel genre d'employés, de gestionnaires ou d'entrepreneurs seront-ils ? Assurément, «des gens qui posent des questions, qui se tiennent debout et qui revendiquent leurs droits», constate Diane Pacom, professeure titulaire au Département de sociologie et d'anthropologie de l'Université d'Ottawa, qui cite en exemple des étudiants qui vont jusqu'à remettre en question la véracité de ce qu'on leur enseigne.

Et même s'il y a un clivage entre les rouges et les verts, la question des droits fait partie du discours des deux clans. «Les verts affirment aussi leurs droits, ceux de continuer leurs études, de décrocher leur diplôme et de commencer leur carrière», dit Jacques Beauchemin, professeur titulaire au Département de sociologie de l'Université du Québec à Montréal.

M. Beauchemin affirme que le groupe des verts révèle davantage un conformisme et un individualisme «très proche du marché du travail». Par ailleurs, celui des étudiants grévistes est «totalement réfractaire aux institutions, n'a aucune confiance dans les gouvernements et les universités, et se situe dans la même mouvance que le groupe des indignés.»

Sylvie Guerrero, professeure au Département d'organisation et ressources humaines à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, souligne que les entreprises devront être vigilantes et s'assurer de respecter leurs engagements envers les employés de cette génération. «Ce sont des gens qui réagissent rapidement à une rupture, d'autant plus s'ils se sentent traités injustement», dit-elle.

Diane Pacom croit que les années à venir poseront un défi de gestion intergénérationnelle pour les entreprises qui auront à leur emploi à la fois des baby-boomers et leurs descendants et devront ainsi «composer avec une main-d'oeuvre aux caractéristiques diverses et parfois opposées».

PIERRE.THEROUX@TC.TC

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