Dominique Lafont passe 130 jours par an à parcourir 40 pays en Afrique. Le président de Bolloré Africa Logistics, la filiale africaine de Groupe Bolloré, dit que ce qu'on lit sur l'Afrique ne concorde pas toujours avec ce qu'il voit sur le terrain. " Il n'y a pas beaucoup d'indicateurs fiables, observe-t-il. Un exemple : le Ghana a une bonne cote, mais chez Bolloré, nous y avons connu des difficultés ", indique-t-il en entrevue, en marge de la conférence de Yaoundé, qui se tenait les 17 et 18 mai dernier.
La société française Bolloré est le premier opérateur logistique pour les projets miniers, pétroliers et industriels en Afrique. Il compte 25 000 employés et investit 200 millions d'euros par an sur le continent.
M. Lafont dit qu'il voit émerger de plus en plus d'acteurs locaux solides, mais ajoute du même souffle qu'il y a " peu d'individus sur lesquels on peut se fier ".
Participant à une plénière sur les conditions financières du développement africain, il s'est toutefois dit confiant en l'avenir de l'Afrique. " Au début, j'avais le sentiment d'un niveau de risque assez élevé. Ce sentiment a changé. " Citant le Cameroun, il a affirmé que le pays a respecté ses engagements envers Bolloré et dispose d'un cadre de réglementation stable. C'est crucial pour les gens d'affaires, dit-il.
Il y a toutefois des progrès à faire pour lutter contre le harcèlement fiscal fait aux entreprises. " Dans certains pays, on observe des comportements erratiques. " Autre problème : la transférabilité des devises. " Ce principe n'est pas respecté partout ", déplore-t-il. Mais somme toute, " le pour l'emporte sur le contre ", croit M. Lafont.
Bolloré a doublé son chiffre d'affaires depuis 2004 en Afrique. Si M. Lafont n'hésite pas à dire que sa société investit 200 millions d'euros par an en Afrique, il opte pour la discrétion lorsqu'on lui demande les revenus que Bolloré tire de ses activités africaines.
Des partenariats public-privé
Selon lui, la formule PPP a fait ses preuves en Afrique. Bolloré opère des concessions depuis 15 ans sur le continent. " Les ports ont été modernisés grâce aux PPP, observe-t-il. Ces PPP doivent être tripartites : l'État, l'opérateur privé et les institutions financières internationales. Mais attention : il faut constamment s'assurer que nous avons la même vision. Nous commençons avec du gagnant-gagnant, mais cela peut évoluer. "
Alors que nombre d'investisseurs occidentaux s'imposent des objectifs de rendement de l'investissement de trois à cinq ans, Bolloré vise une période de 8 à 10 ans.
L'approche du groupe est de désenclaver le continent en développant des corridors de transport, ce qu'il a fait en Afrique de l'Est et du Sud et qu'il veut étendre à l'Afrique de l'Ouest et centrale. Par exemple, une route ou un chemin de fer permettront aux marchandises de pénétrer à l'intérieur de l'Afrique et de circuler au-delà des frontières des pays. Jusqu'à maintenant, ce sont surtout les côtes qui ont été développées. D'où l'importance d'une stratégie d'intégration régionale des pays africains, dit-il.
Que pense-t-il de l'arrivée des Chinois ? La concurrence est saine pour l'Afrique, croit-il. " Les Chinois bousculent la frilosité et l'attentisme de certains investisseurs. "
Mais il ne faut pas compter sur eux pour créer des emplois. " Leur approche est complètement différente. Une des premières choses que nous faisons en arrivant dans un pays, c'est lancer des négociations collectives. Pas eux. " S.D.
2 %
du PIB de la Zambie a transité par des transactions bancaires mobiles en 2006.
Ce reportage a été effectué à l'invitation du gouvernement du Cameroun et organisé par Afrique expansion.