Les investisseurs en capital de risque s'exposent à d'énormes risques. Ils se trompent la plupart du temps, mais frappent à l'occasion des coups de circuit comme Google, Facebook et Uber. Contrairement à la perception populaire toutefois, ces investisseurs ne sont pas des cowboys du milieu de l'investissement. Bien au contraire, ils ont recours à toute une gamme d'instruments financiers et légaux pour réduire leurs risques. Des instruments que les entrepreneurs en recherche de financement devraient bien connaître, sous peine de mauvaises surprises.
Voici trois de ces instruments, qui pourraient représenter trois pièges pour les créateurs d'entreprises mal informés.
1. Les notes convertibles plafonnées (capped convertible notes)
La note convertible est un titre de dette convertible en actions abondamment utilisé pour financer des start-up qui en sont à leurs tout débuts. La note convertible n'est presque jamais remboursée ; elle est plutôt convertie en actions lorsque l'entreprise effectue sa première ronde de financement.
Si elle est aussi populaire, c'est qu'elle permet de reporter la délicate tâche de déterminer la valorisation d'une start-up à un stade où elle a généralement aussi peu d'éléments d'actif tangibles que de revenus. En principe, il s'agit d'un instrument extraordinaire pour les entrepreneurs qui commencent, mais le diable est dans les détails.
En effet, les investisseurs s'attendent à obtenir un rendement supplémentaire pour compenser le risque auquel ils se sont exposés en investissant aussi tôt. Pour obtenir ce rendement, ils imposent souvent un plafond de conversion (conversion valuation cap) et une décote de conversion (conversion discount). Concrètement, cela permet à l'investisseur de payer ses actions moins cher que les investisseurs subséquents. C'est tout à fait légitime, mais les entrepreneurs devraient faire attention aux termes auxquels ils consentent, particulièrement lorsqu'il est question du plafond de conversion.
Dans les faits, un plafond de conversion peu élevé (de moins de cinq millions de dollars) dénature une note convertible, puisqu'il attribue par défaut une valorisation à la start-up. Une note convertible de 200 000 $ associée à un plafond de 1 M$ n'est rien d'autre qu'un moyen déguisé d'obtenir une participation de 20 %. Ce moyen protège également l'investisseur contre une baisse de la valeur de la start-up, puisqu'il pourrait techniquement obtenir plus de 20 % des parts si sa valorisation baissait.
Enfin, si la start-up ne parvenait pas à obtenir du financement supplémentaire avant l'échéance de la note, l'investisseur pourrait exiger son remboursement.
2. Les super-droits de prorata (super pro rata rights)
Les droits de prorata sont habituellement exigés par les investisseurs afin de se protéger contre la dilution. Concrètement, ces droits confèrent aux investisseurs le privilège - mais non l'obligation - de continuer à investir dans le cadre des rondes de financement subséquentes, de manière à préserver leur pourcentage de participation. Ces droits sont tout à fait légitimes et n'enlèvent rien aux entrepreneurs.
Toutefois, c'est une autre histoire pour les super-droits de prorata, qui confèrent pour leur part aux investisseurs le privilège - mais non l'obligation - d'augmenter leur participation lors des rondes subséquentes. De tels droits pourraient compliquer la vie de l'entrepreneur lors de sa prochaine ronde de financement.
En effet, si l'investisseur exerce son droit d'augmenter sa participation, il peut faire fuir de plus grands fonds qui, souvent, ne souhaitent pas participer à une ronde, à moins de pouvoir obtenir un seuil minimal de participation (20 %, par exemple). Si, au contraire, l'investisseur détenteur des super-droits de prorata ne se prévaut pas de son privilège, son désistement peut aussi refroidir les autres investisseurs.
3. Les actions privilégiées participatives (participating preferred stocks)
Les investisseurs en capital de risque utilisent généralement l'outil des actions privilégiées pour investir dans une ronde de financement. Ces actions leur permettent de limiter leur prise de risque en raison de leur rang prioritaire en cas de liquidation.
En effet, si une start-up est acquise à un prix inférieur à celui de sa plus récente valorisation, les capital-risqueurs s'assurent de récupérer 100 % de leur investissement initial, plus le dividende accumulé, avant que les cofondateurs et les employés ne soient payés. Si le prix d'acquisition est supérieur à la dernière valorisation, les investisseurs choisiront tout simplement de convertir leurs actions privilégiées en actions ordinaires. S'ils ont une participation de 60 % dans l'entreprise, ils recevront ainsi 60 % du prix de vente.
Toutefois, si les investisseurs détiennent des actions privilégiées participatives - un instrument qui leur est beaucoup plus favorable -, ils pourront obtenir leur mise de départ, tout en touchant un pourcentage du prix de vente, comme les titulaires d'actions ordinaires.
Reprenons l'exemple d'un capital-risqueur qui détient 60 % des parts. Ainsi, la vente d'une start-up valorisée à 10 M$ au prix de 10 M$ permettrait au titulaire des actions privilégiées participatives de reprendre sa mise de 6 M$ (plus le dividende accumulé), puis 60 % de l'argent qui reste (soit 2,4 M$). Sans tenir compte du dividende, l'investisseur pourrait, grâce à cette transaction, s'assurer d'obtenir 84 % du prix de vente, ne laissant que 16 % aux employés et aux fondateurs qui possédaient pourtant 40 % des parts de l'entreprise.