Chronique. Les grands succès technologiques sont impressionnants, mais ce qui me fascine davantage, ce sont les leçons que l'investisseur peut tirer de ses placements dans le secteur.
Premièrement, le secteur techno illustre plus que tout autre la volatilité de la Bourse. Pour la période de 10 ans s'étalant du 31 décembre 1999 au 30 juin 2010, les titres technologiques du Nasdaq ont perdu 45 % de leur valeur. C'est un rendement annuel négatif de 5,5 %, le pire de tous les indices et secteurs !
C'est un incroyable revirement, compte tenu que, pendant la décennie précédente, ce secteur a été dominant en Bourse. Si je vous avais dit, au début de 2000, que ce secteur afficherait le pire rendement au cours de la prochaine décennie, vous m'auriez probablement fait interner !
Au sommet de 2000, les investisseurs achetaient le titre de Microsoft à 68 fois son bénéfice. Aujourd'hui, le titre s'échange à peine à 10 fois le bénéfice réalisé et à 8,8 fois celui du prochain exercice (encaisse soustraite).
De grands succès économiques
N'est-ce pas un revirement extraordinaire ? Et Microsoft n'est pas un cas isolé. Des titres comme ceux des géants Cisco Systems, Dell et Intel s'échangent tous à une fraction de leur évaluation de 2000.
Pourtant, plusieurs sociétés technos figurent parmi les plus grandes réussites dans l'histoire du monde des affaires. À la Bourse américaine, 5 des 24 plus importants titres en termes de valeur boursière sont des sociétés technos. En 1980, des sociétés comme Microsoft, Oracle, Cisco, Apple et Google n'étaient pas en Bourse, et certaines, même pas nées.
Par exemple, Microsoft réalise des revenus de plus de 60 milliards de dollars américains (G$ US) par an et a une valeur boursière de 213 G$ US. Pas moins de 12 000 des employés de l'entreprise de Redmond sont devenus millionnaires, et quatre, milliardaires !
Les routeurs de Cisco, dont l'action a été émise à un prix de 0,08 $ US, constituent un élément clé du fonctionnement d'Internet.
En peu d'années, Google a bâti un empire valant plus de 140 G$ US. Ses revenus atteignent 25 G$ US et proviennent surtout de la recherche Internet, un domaine qui n'existait pas il y a 20 ans.
L'importance de l'évaluation
Le secteur technologique a livré ses promesses. Ceux qui achetaient les titres de ce secteur en vue de la révolution numérique ont eu raison. Internet s'est déployé de façon fantastique et a changé, en partie du moins, notre vie et celle de bien des entreprises.
Si ces titres n'ont pas été de bons placements, c'est qu'ils étaient surévalués. Leur évaluation exagérée ne laissait aucune place à l'erreur ni au moindre ralentissement de la croissance, qui était pourtant inévitable.
Cela rappelle à l'investisseur l'importance du prix payé pour un titre. Lorsqu'on achète une action à un cours d'aubaine, on met toutes les chances de son côté. À l'opposé, des ratios cours-bénéfices de plus de 25, voire 50, mènent presque automatiquement à des fiascos.
C'est pour cela que les grandes sociétés technologiques, actuellement boudées en Bourse, sont de bien meilleurs placements qu'en 2000. Leur titre s'échange à des ratios bien en deçà de la moyenne des sociétés du S&P 500, qui s'établit à environ 12 fois le bénéfice prévu en 2011.
Par ailleurs, de 1998 à 2000, plusieurs sociétés technologiques se sont inscrites en Bourse. Bien que l'entrée de plusieurs d'entre elles ait été triomphale, la plupart a vite disparu. Qui se souvient, par exemple, de Webvan (épicerie en ligne) et de etoys.com?
Cela rappelle à l'investisseur l'importance de bien évaluer les modèles d'entreprise, surtout lorsqu'il est question de nouvelles sociétés dans des secteurs qui n'ont pas fait leurs preuves. Un exemple : en 2000, les investisseurs vendaient les titres des détaillants de meubles, parce qu'ils craignaient leur disparition en raison de la concurrence des nouveaux sites Internet qui offraient des meubles directement aux consommateurs. Or, ces sites ont rapidement fermé.
Des changements trop rapides
Le secteur techno est particulier en ceci : les modèles d'entreprise suivent un cycle de vie très rapide. Par exemple, AOL (America Online) est devenue en quelques années une société dominante, avant de sombrer dans l'oubli.
Des changements aussi subits peuvent faire perdre beaucoup d'argent à l'investisseur. À la Bourse, les changements de marché ou de contexte économique peuvent vous tuer, car habituellement, le changement entraîne une plus forte concurrence et mine la rentabilité des entreprises.
Les sociétés technologiques ont changé nos vies pour le meilleur, mais n'ont pas eu nécessairement le même effet sur nos portefeuilles !