L'informatique en nuage, ou dématérialisée, n'est pas la révolution que certains annonçaient en 2006, mais de plus en plus d'entreprises de toutes tailles y ont recours.
Si sa définition théorique ou son nom peuvent en rebuter plus d'un, pour l'usager, manipuler une application dans les nuages est aussi simple que d'envoyer un courriel avec Hotmail ou de mettre à jour son statut Facebook. Et pour cause : ces dernières opérations sont effectuées dans les nuages puisqu'elles sont réalisées à partir d'un simple navigateur et les données sont traitées par des serveurs en réseau.
Portrait d'une tendance encore un peu brumeuse qui offre pourtant des applications claires comme de l'eau de roche.
Ne payer que pour la capacité de calcul utilisée
Les applications pratiques de l'informatique en nuage sont diverses, mais sa réalité physique est plutôt simple.
Sa première application, soit l'hébergement Web, permet d'en comprendre aisément la mécanique. Tout a commencé avec le géant du commerce de détail en ligne Amazon, qui a flairé la bonne affaire en se rendant compte que ses immenses grappes de serveurs n'étaient utilisées qu'à une fraction de leur potentiel. L'entreprise s'était dotée de ces installations pour être en mesure de faire face aux augmentations critiques de la demande, généralement très courtes.
Le 25 août 2006, Amazon lançait Elastic Compute Cloud (EC2) pour rentabiliser ses serveurs et, du même coup, permettre aux entreprises de ne payer que pour la capacité de calcul utilisée.
Avec Amazon EC2, les serveurs attribués aux clients sont virtuels. Les clients peuvent ainsi changer la taille du " serveur virtuel " qu'ils louent à volonté, sans délai ni interruption de service. " Les raisons qui expliquent la popularité de l'hébergement dans les nuages, c'est la flexibilité et les coûts, explique Nicolas Roberge, président d'Ovologic, une firme d'intégration de système informatique en nuage. On n'a pas besoin de se soucier du nombre de visiteurs et on ne paie que pour la bande passante dont on a besoin. "
Ainsi, un dépassement de la bande passante allouée n'a pas pour effet de mettre le serveur hors d'usage, mais occasionne seulement une surcharge. Rapidement adopté par les jeunes pousses du Web, qui pouvaient ainsi mieux gérer leur croissance, ce type d'hébergement est aujourd'hui aussi bien utilisé par de petites PME que des multinationales.
Sur mesure pour les artistes
Lorsque Fred Pellerin est passé à Tout le monde en parle, le 22 novembre 2009, il y a fort à parier que son site aurait été mis hors d'usage s'il n'avait pas été hébergé dans les nuages. " On venait tout juste de le mettre en ligne et on a eu des pics incroyables durant la soirée ", évoque Hugo Bouchard, vice- président des technologies chez Disques RSB, manufacturier de CD et de DVD.
Dans les faits, un hébergeur traditionnel aurait pu offrir le même résultat, mais les coûts auraient toutefois été plus importants. " Souvent, quand on a un artiste qui veut faire héberger son site, l'hébergeur traditionnel lui demandera quelle est la journée où il y aura le plus de visites dans l'année, explique Hugo Bouchard. Ensuite, il va lui vendre de la bande passante en fonction de l'utilisation maximale. Son site passera 90 % de l'année à utiliser 5 % de sa bande passante et une journée seulement à en employer 80 %. "
Les logiciels deviennent des services
Grâce aux avantages énumérés plus haut en matière d'hébergement, l'informatique dématérialisée est en train de changer le visage de l'industrie du logiciel pour les entreprises. Le modèle SaaS, pour Software as a Service, offre davantage que la délocalisation des calculs que les logiciels nécessitent. " Les logiciels en tant que service évoluent beaucoup plus rapidement que ceux hébergés en entreprise, dans la mesure où il y a des mises à jour très fréquentes, qui ne nécessitent aucune manipulation de l'utilisateur ", note Cédric Verger, président d'EasyCloud, une entreprise montréalaise spécialisée dans ce domaine.
En matière de logiciels en nuage, les solutions les plus populaires semblent être Google Apps, pour les courriels, la suite bureautique et les agendas, et SalesForce, un logiciel de gestion des ventes.
" On utilise Google Apps pour les courriels et les agendas, explique Hugo Bouchard, de Disques RSB. On utilise aussi SalesForce pour l'équipe de vente, mais aussi la plateforme de SalesForce pour des applications sur mesure qui débordent du domaine de la vente : la gestion de projet, la gestion des albums à l'usine, etc. " La popularité de Google, dont la stratégie de développement est pourtant plus orientée vers le grand public que vers les entreprises, s'explique sans doute par ses tarifs, qui commencent à 50 $ par année pour l'utilisation de Google Apps.
Google est pourtant loin d'être la seule entreprise à viser le prometteur marché des logiciels en tant que service. Microsoft, dont les logiciels sont populaires au sein des entreprises, offre elle aussi des solutions dématérialisées. Son principal avantage concurrentiel est que ses solutions sont déjà largement utilisées dans les entreprises, mais sa clientèle n'est pas la plus enthousiaste. " Nos clients commenceront avec un service ou un projet pilote, pour évaluer le produit, explique Dany Bolduc, vice-présient des TI chez AlphaMosaïk. Je ne vois pas une tendance lourde vers le cloud computing du côté de notre clientèle, mais on pense que, dans les années à venir, la demande devrait augmenter. "
L'hébergement en nuage : plonger ou pas ?
Le client ne paie que pour la bande passante utilisée.
Il est facile de changer de serveur et un accroissement subit du nombre de visiteurs n'entraîne pas de problème technique.
Un site Internet hébergé en nuage est à l'abri des pannes, des incendies ou du sabotage. En bref, les principaux fournisseurs possèdent plusieurs serveurs répartis à différents endroits, ce qui diminue le risque de perdre des données.
Pour une entreprise Web ayant des besoins très importants, disposer de ses propres serveurs peut être plus économique à moyen terme et à long terme.
Pour une entreprise québécoise offrant des services de proximité, héberger son site Internet à l'étranger constitue un léger désavantage du point de vue du référencement, puisque les moteurs de recherche tiennent de compte du lieu d'hébergement.
En cas de faillite du fournisseur, les services d'hébergement en nuage et les données hébergées sont menacées.
Les logiciels en nuageLES LOGICIELS EN NUAGE : PLONGER OU PAS ?
Aucune dépense d'immobilisation n'est nécessaire pour se doter des logiciels ; il suffit de payer les frais d'abonnement mensuel ou annuel.
Les logiciels évoluent plus rapidement grâce à des mises à jour automatiques.
Les logiciels sont accessibles à partir de n'importe quel ordinateur et même à partir d'appareils moins puissants comme l'iPad, les miniportables ou les téléphones intelligents.
On ne peut devenir propriétaire d'un logiciel en nuage et il faudra toujours en assumer les coûts d'abonnement.
On ne peut pas choisir de continuer d'utiliser l'ancienne version d'un logiciel hébergé en nuage, puisqu'on n'en contrôle pas les mises à jour.
Il est impossible de modifier le code source d'un logiciel hébergé en nuage.
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