Autant la migration vers un environnement informatique en nuage est facile sur le plan technique, autant elle peut représenter tout un défi d'adaptation pour les employés.
Les responsables de la migration technologique auraient tort de tenir pour acquis que tous leurs patrons et collègues adhèrent ou même savent de quoi il s'agit. En fait, durant ce processus, la formation et la communication à l'interne priment sur l'aspect technique.
Franchir la barrière psychologique
L'informatique en nuage consiste, rappelons-le, à confier certaines fonctions informatiques à des sociétés comme Google, Amazon ou Microsoft, qui n'agissent pas comme hébergeurs, mais comme fournisseurs de services.
La première étape, avant d'amorcer le processus de transition, est de déterminer si l'informatique dématérialisée est une bonne solution pour leur entreprise, indique Lav Crnobrnja, directeur général de la montréalaise Pyrameda, spécialiste du cloud computing. En effet, malgré ses nombreux avantages, l'informatique en nuage n'est pas une panacée. " Il faut que le client en retire quelque chose, que ce soit une mobilité accrue, des économies, un gain de productivité ou autre ", explique M. Crnobrnja.
Une fois cette étape franchie, ce sont les travailleurs qu'il faut préparer, bien davantage que les serveurs.
Le plus souvent, cette réticence face à l'informatique en nuage provient de l'incompréhension du concept. " Souvent, c'est la haute direction qui n'est pas à l'aise avec cela, explique Hugo Bouchard, propriétaire de Technologies IntelliCloud, de Montréal. Le président demandera : "Ils sont où, mes courriels ? C'est où, ça, le cloud ? " Il y a beaucoup d'incompréhension et d'insécurité face au fait qu'on ne peut pas dire où sont entreposées les données. "
Ainsi, avant même de commencer à mener des tests, il faut prendre le temps de bien expliquer aux employés les tenants et les aboutissants des solutions qu'on compte implanter.
Au sein des grandes entreprises, on a tendance à migrer un service à la fois. " Plusieurs clients préfèrent commencer par un service ou un seul pilote, explique Dany Bolduc, v.-p. des TI chez AlphaMosaïk, qui possède des bureaux à Montréal et à Paris. Il faut dire que Microsoft, surtout l'année passée, offrait un programme pour permettre aux entreprises d'essayer ses solutions dans les nuages. "
Former les employés
Une fois le terrain bien préparé, l'implantation doit être associée à des séances de formation. Les Éditions Québec Amérique, dont la migration vers l'environnement en nuage est toute récente, ont fait le saut sans période de test. Toutefois, Caroline Fortin, qui a supervisé le processus, s'est assurée que tout le personnel, une soixantaine d'employés, reçoive une formation préalable. " Il y a eu une formation de trois heures durant laquelle tous les aspects de Google Apps ont été présentés, explique la vice-présidente de l'entreprise. Et après la rencontre, le courriel des employés a été transféré sur Google. Pour que ça marche, il faut que tout le monde embarque. "
Si le personnel technique de Québec Amérique n'a pas eu de mal à transférer les courriels sur Google Apps, l'entreprise a tout de même retenu les services d'une entreprise externe, Easycloud, pour prodiguer la formation, moyennant quelque 3 000 $.
La maison d'édition utilise donc maintenant Google Apps pour ses courriels, mais aussi la suite Google Doc pour les documents collaboratifs. Si l'implantation de Google Apps est loin de constituer une conversion complète à l'informatique en nuage pour l'entreprise, Mme Fortin veut s'assurer que les employés soient à l'aise avec leurs nouveaux outils. " On va prochainement faire une nouvelle formation, après un mois d'utilisation, durant laquelle les employés pourront poser des questions. C'est très important, la formation, car quand on est très habitué à Entourage, par exemple, il y une période d'adaptation nécessaire. Il faut donc s'y faire. Moi, je suis encore en phase d'adaptation. "
Aujourd'hui, les entreprises comme Easycloud, Technologies IntelliCloud ou Pyrameda consacrent une grande partie de leurs ressources à effectuer de la formation en entreprise. " Il faut qu'on passe beaucoup de temps à faire de la formation, à expliquer comment fonctionne l'informatique en nuage, confirme M. Crnobrnja. Aujourd'hui, l'informatique en nuage est un peu comme le commerce en ligne il y a 10 ans, alors que les gens craignaient de faire leurs achats sur Internet. "
Parlant de technique
La migration vers un environnement en nuage peut être réalisée en quelques heures dans les cas les plus simples, comme celui de Québec Amérique, ou se prolonger beaucoup plus longuement pour les cas les plus compliqués. " Pour une migration complète des systèmes, ça peut prendre jusqu'à quelques semaines ", soutient Lav Crnobrnja.
Dans la plupart des cas, le modus operandi est le même. On commence par configurer le nouveau serveur virtuel, puis on y installe le système, sans modifier celui qui dépend de serveurs traditionnels. Ensuite, lorsque la complexité du système le justifie, on mène une série de tests pour garantir la viabilité du nouvel environnement. " Il est important de faire des tests, avec l'équipe interne des TI, pour s'assurer que tout fonctionne ", continue le directeur général de Pyrameda.
Finalement, après que le système parallèle installé en nuage fonctionne adéquatement, la dernière étape est de transférer une fois pour toutes la base de données, qui a pu évoluer durant la période des tests, puis de faire du système installé en nuage la plateforme principale des activités.
Une telle transition ne constitue souvent, du moins au Québec, qu'un premier pas vers une migration complète. Par la suite, en fonction de l'appréciation des employés et des dirigeants, d'autres systèmes pourront eux aussi être transférés. Caroline Fortin, qui travaille pour la division internationale de Québec Amérique, QA International, apprécie beaucoup la mobilité que lui procure la migration vers Google Apps. " Je dois voyager beaucoup et je peux continuer de faire avancer mes dossiers sur mon iPhone ", explique-t-elle. La prochaine étape pour l'éditeur serait de transférer la banque de données qui sert à confectionner ses ouvrages de référence sur demande, comme le Dictionnaire visuel, dans les nuages. Croyant beaucoup au Web, Caroline Fortin entrevoit l'étendue de ses possibilités. " Je rêve du jour où chaque consommateur pourra créer son propre Visuel sur mesure. "