Le renouvellement possible des licences de la suite Office de Microsoft sans appel d’offres par le gouvernement Marois apparaît comme une mesure transitoire, le temps que le secteur du logiciel libre prenne des forces au Québec. Le président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard, annonce d’ailleurs aujourd’hui une série de mesures pour permettre au gouvernement de développer son expertise du logiciel libre et d’en intensifier l’utilisation au sein des organismes publics.
«Si on avait eu une approche sur les logiciels libres il y a deux ou trois ans, on n’en serait pas là, mais je ne veux pas mettre à risque les services à la population. D’autre part, si les coûts d’impacts pour aller vers le libre sont plus élevés que les coûts de renouvellement (des licences), ça ne va pas. Parfois, on est pris avec les choix technologiques d’il y a 5-10 ans», explique M. Bédard en entrevue avec Les affaires.
Le président du Conseil du Trésor compte sur la création d’un centre d’expertise gouvernementale en soutien et développement du logiciel libre pour rompre la dépendance à l'égard des solutions offertes par les multinationales de l'informatique. Le CELL aura pour mandat de développer une expertise de pointe afin d’accompagner les organismes publics dans la conception de solutions en logiciels libres, reconnus moins coûteux que les logiciels des multinationales. Le CELL, qui sera ouvert le 1er avril, comptera une vingtaine d’employés.
«C’est bien, et je l’avais proposé en commission parlementaire ce centre d’expertise. C’est une avancée. Toutefois, 20 personnes, c’est modeste, presque ridicule», a réagi Cyrille Béraud, président de Savoir-Faire Linux et de la Fédération québécoise des communautés et industries du libre.
Malgré la création prochaine du CELL, le Conseil du Trésor n’exclut pas la possibilité de donner à Microsoft le contrat pour le passage de 700 000 postes de travail vers Windows 7 et la suite Office 2010 – il faut remplacer les logiciels désuets datant de 2003. Différentes sources ont rapporté que ce contrat vaudrait 1,4 G$.
«Ça ne sera pas 1,4 G$, a toutefois affirmé M. Bédard à l’émission de Robert Dutrizac. On fera une annonce plus tard et, à terme, on ne sera pas pris dans la situation où j’étais : les mains liées.»
Le député de Chicoutimi a laissé tomber que d’ici 2015, de vraies solutions en logiciel libre auront été trouvées. Il a l’espoir à ce moment de pouvoir établir une vraie concurrence aux multinationales et de pouvoir se défaire de la dépendance envers leurs technologies.
L’État peut avoir besoin d’un certain temps pour se doter des outils favorisant le virage vers le logiciel libre, reconnaît Cyrille Béraud.
«Il y a quelques ministères qui ont des activités critiques. Par exemple, il faut que les chèques de la Régie des rentes soient bien émis, sinon ce serait la catastrophe, alors il y a des endroits où il faut y aller avec beaucoup de précautions», juge-t-il.
Toutefois, il lui apparaîtrait inutile d’accorder à Microsoft l’ensemble des 700 000 postes de travail de l’État.
«Le secteur de l’Éducation n’a pas une mission critique et représente 60% environ de la dépense. C’est un endroit où le passage vers le logiciel libre pourrait se faire très rapidement», considère M. Béraud.
Pour le moment, quatre ministères (Éducation, Loisirs et Sports, Finances et Économie, Culture et Communications, Immigration et Communautés culturelles) ont été sélectionnés pour être accompagnés par le CELL dans leurs «projets phares», lesquels ne sont pas définis dans les documents du Conseil du Trésor.
«Les projets pilotes, on ne sait pas c’est quoi et on en fait quand on ne veut pas que l’essentiel change», s’est inquiété M. Béraud.
Le président du Conseil du Trésor assure toutefois que son objectif est d’étendre l’utilisation du logiciel libre rapidement. Il entend d’ailleurs évaluer personnellement les progrès deux fois par an avec le CELL et le Centre des services partagés du Québec.
«Il y a une résistance naturelle parce qu’on parle de changement, mais tout le monde dans les hautes sphères rame du même bord en ce moment», dit M. Bédard, convaincu des avantages économiques de miser sur le logiciel libre, à la fois pour bénéficier d’une meilleure concurrence et favoriser la croissance des entreprises québécoises du libre.