Le CRTC aura le droit d'émettre des amendes dès l'entrée en vigueur de la Loi canadienne anti-pourriel (LCAP, loi C28), mais dispose aussi de moyens moins draconiens pour la faire respecter.
« Nous disposons d'un coffre à outils. L'objectif de la loi est de protéger les Canadiens dans un contexte de communication électronique. Notre but n'est pas d'émettre des amendes, mais d'atteindre la conformité à la loi, et ce, de la manière la plus efficiente possible », soutient Manon Bombardier, responsable des enquêtes et de la conformité au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).
À compter du 1er juillet, la loi obligera les entreprises à obtenir le consentement de tous leurs abonnés et clients pour pouvoir leur envoyer des messages électroniques commerciaux (MEC).
Mme Bombardier explique que le CRTC peut, avant d'intenter une action civile, émettre une lettre de conformité aux entreprises ou aux individus qui font l'objet d'une plainte. « Un tel document explique les violations présumées, mais pas comment se conformer à la loi », précise-t-elle.
Les personnes morales ou physiques qui recevront un tel document devront ensuite démontrer qu'elles ont pris les mesures nécessaires pour se conformer à la loi.
« Des entreprises pourront aussi approcher le CRTC en s'engageant à prendre des mesures pour éviter des non-conformités futures », ajoute Manon Bombardier. Le texte de loi prévoit que, si une personne prend un engagement après une plainte, la procédure en violation prendra fin en ce qui concerne les actes ou omissions mentionnés dans l'engagement. De plus, si une personne dépose un engagement avant d'avoir fait l'objet d'une plainte, « aucun procès-verbal ne pourra lui être signifié à l'égard des actes ou omissions qui y sont mentionnés », lit-on.
La loi prévoit des amendes pouvant atteindre 1 million de dollars pour une personne physique et 10 M$ pour les entreprises ou toutes les autres personnes morales. En théorie, le CRTC pourra émettre des amendes dès l'entrée en vigueur de la loi.
Le droit d'action privé entrera quant à lui en vigueur dès le 1er juillet 2017, ce qui signifie qu'à ce moment, chaque individu pourra intenter une poursuite contre toute personne ou entreprise qui contreviendrait à la loi.
De l'aveu de Mme Bombardier, le CRTC n'aura pas les ressources pour examiner toutes les plaintes et concentrera d'abord ses énergies à régler les dossiers les plus importants. L'organisme n'a pas voulu préciser combien d'enquêteurs seront affectés à l'examen des plaintes. « Nous agirons selon la situation et le type d'infraction en prenant divers facteurs en considération, comme l'historique de non-conformité, la portée des violations et le fait que l'entreprise collabore ou non à l'enquête », dit-elle.
Un changement important
La cofondatrice et présidente de l'entreprise de services de marketing Dialog Insight, Pascale Guay, précise que les entreprises qui possèdent des bases de données doivent absolument passer d'un mode d'abonnements à un mode de consentements.
À l'occasion de l'événement Big Bang, organisé par l'Association québécoise des technologies, Mme Guay a raconté que les gens peuvent déposer une plainte dans les trois années suivant la réception d'un MEC. « Il faut conserver les historiques de consentements de communication des trois dernières années, afin de pouvoir prouver qu'au moment d'envoyer chaque courriel, le consentement était valide », dit-elle.
L'avocate en droit des affaires Julie-Anne Archambault, du cabinet Legault, Joly, Thiffault, ajoute que le consentement exprès repose sur trois principes : « Il faut s'informer de l'objet pour lequel le consentement est demandé, donner nos coordonnées complètes et prévoir un mécanisme d'exclusion ». Une fois le consentement exprès obtenu, il reste valide jusqu'à ce que la personne se désabonne.
Mme Archambault ajoute que les entreprises qui ont déjà des relations d'affaires ont un délai de trois ans pour obtenir des consentements exprès. Entre-temps, ces relations sont présumées avoir donné un consentement tacite à recevoir des MEC.
« Toutefois, en l'absence de relation d'affaires au 1er juillet, la loi est en vigueur », explique-t-elle.
L'exception des cartes d'affaires
La Loi canadienne anti-pourriel comporte aussi quelques exceptions qui permettent d'envoyer des MEC sans avoir obtenu un consentement exprès. Il sera notamment possible d'envoyer des messages à des gens qui nous ont donné une carte professionnelle ou qui ont affiché leur adresse courriel sur leur site Internet.
Julie-Anne Archambault estime qu'il est difficile de mesurer pleinement la portée de la loi. À son avis, il faudra que quelques dossiers se rendent devant les tribunaux avant que le portrait ne se clarifie.
Top 5 des sources de pourriels dans le monde
Les experts ne s'entendent pas sur la provenance des pourriels.
En février 2014...
... selon Symantec
1. Espagne 9,8 %
2. États-Unis 8,2 %
3. Allemagne 5,4 %
...
7. Canada1 3,6 %
... selon Securelist.com
1.Chine 22,9 %
2. États-Unis 19,0 %
3. CoréeduSud 12,8 %
1 Securelist.com n'a pas classé le Canada dans le top 10.