Depuis plusieurs années, les dirigeants des entreprises des technologies de l'information et des communications (TIC) soutiennent que leur secteur est victime d'un problème de pénurie de main-d'oeuvre.
En 2010, un sondage omnibus de Léger Marketing affirmait que 39 % des dirigeants de PME au Québec considéraient la pénurie de main-d'oeuvre comme étant la principale menace pour leur entreprise.
Quatre ans plus tard, l'enjeu ne semble pas se résorber. Pour cette raison, trois organisations de l'industrie des TIC au Québec - TechnoCompétences, l'Association québécoise des technologies (AQT) et le Réseau Action TI - ont demandé à Lucie Morin, professeure titulaire au Département d'organisation et ressources humaines de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, de bâtir une série de trois fascicules sur la rétention du personnel, qui paraît ce mois-ci.
«L'objectif des fascicules, c'est de guider de façon sérieuse les entreprises pour qu'elles gèrent mieux la problématique d'attraction et de rétention des employés», explique Mme Morin, qui déplore que, trop souvent, les décisions en matière de ressources humaines reposent plus sur l'intuition que sur l'analyse de données probantes.
Elle cite l'exemple du sentiment de justice qui, selon elle, est un facteur déterminant de rétention de la main-d'oeuvre en entreprise : «Plus de 500 recherches ont été effectuées dans le monde sur le sujet. Bien sûr, il n'est pas nécessaire de toutes les consulter, mais avec une bonne stratégie de mots clés, il est possible de faire une méta-analyse. N'importe quel conseiller en ressources humaines le moindrement expérimenté peut développer un plan d'intervention en deux jours. C'est bien peu pour avoir un document ancré sur des preuves scientifiques», dit-elle. Elle ajoute qu'en parallèle, trop de sociétés font des interventions «sans trop savoir pourquoi, et avec peu de résultats, en suivant les recommandations de consultants ou parce qu'elles ont entendu dire que l'entreprise à côté le faisait».
Attirer et retenir
Selon Mme Morin, qui a publié le livre Fidéliser ses employés en début d'année, les entreprises qui ont un problème de recrutement n'agiront pas de la même manière que celles qui peinent à retenir leur main-d'oeuvre.
À ce sujet, l'auteure parle d'une zone de certitude et d'une zone de risque : «Lorsqu'un employé évalue une offre d'emploi, le salaire et les avantages sociaux constituent la zone de certitude, alors que le degré d'autonomie, la reconnaissance et les possibilités de développement font partie de la zone de risque. Au moment de choisir un employeur, les travailleurs misent sur les certitudes», dit-elle.
Toutefois, avec le temps, les entreprises qui réussissent le mieux à conserver leurs employés sont celles qui misent à la fois sur la rémunération financière et sur celle qui est non financière. «En entreprise, le plus important à long terme, ce sont les 3R - respect, reconnaissance et relation. Les employés veulent avoir le sentiment d'être traités équitablement, que leur travail soit reconnu et qu'il règne un bon climat de travail», raconte-t-elle.
Une enquête sur la rémunération de TechnoCompétences réalisée en 2012 évalue à 13 % le taux de roulement moyen volontaire dans l'industrie des TIC pour l'année 2012. Selon diverses études cependant, remplacer un employé coûte entre 30 % et 200 % de son salaire annuel. «La main-d'oeuvre en TIC est habituellement très spécialisée. La moitié a un diplôme universitaire et 40 %, un diplôme collégial», dit Lucie Morin.
Pour une entreprise de 200 employés, cela signifie qu'il faut remplacer 26 personnes chaque année. «En présumant que chaque employé gagne 50 000 $ par année et que le coût de remplacement est de 100 % du salaire annuel, on arrive à des coûts de 1,3 million de dollars. C'est énorme», explique-t-elle.
Elle souligne par ailleurs l'importance pour les conseillers en ressources humaines de mener des entrevues de départ lorsque des employés quittent volontairement l'entreprise, afin de documenter les faiblesses et de développer des plans pour les corriger.