Le créateur du jeu Doodle Jump, Igor Pusenjak, incarne le boom du secteur des jeux sur plateformes mobiles. Nous avons joint Igor Pusenjak à sa résidence de New York.
Igor Pusenjak est doux, charmant et persévérant. Tout le portrait du personnage qu'il a créé, Doodle the Doodler, le héros de Doodle Jump, un des 10 jeux les plus populaires parmi les 15 000 disponibles sur l'Apple Store. Igor Pusenjak se classe au 14e rang des 100 personnes les plus créatives, selon le magazine Fast Company.
En collaboration avec son frère Marko, Igor Pusenjak a créé plus de 40 jeux, tous disponibles sur l'Apple Store. Avec sept millions de copies vendues, Doodle Jump est de loin la création la plus populaire des frères Pusenjak... et la plus lucrative : depuis le lancement, en mars 2009, le duo de concepteurs a reçu plus de 5,8 millions de dollars.
Les frères Pusenjak sont de vrais gamers qui, dans leur Croatie natale, ont passé leur adolescence devant un ordinateur. Igor est le créatif et Marko, l'ingénieur. Leur société, Lima Sky, se résume à eux deux. Mais ils ont mis au point une méthode infaillible pour tirer un maximum de productivité de leur petite équipe : travailler dans des fuseaux horaires différents... L'un est en Amérique et l'autre, en Europe. Ensemble, ils travaillent 24 heures sur 24 !
Diane Bérard - Votre succès avec Doodle Jump fait rêver bien des concepteurs. Qu'en dites-vous ?
Igor Pusenjak - C'est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Je ne voudrais pas que la couverture de presse dont mon frère et moi faisons l'objet laisse croire qu'il faut vendre sept millions de copies d'un jeu pour réussir dans ce domaine. Au contraire. Je connais de nombreux tandems de concepteurs qui gagnent très bien leur vie, grâce à des jeux moins connus et moins vendus. C'est leur histoire bien plus que la mienne qu'il faut raconter pour illustrer l'explosion de l'industrie des jeux sur les plateformes mobiles.
D.B. - Comment devient-on concepteurs de jeux sur iPhone ?
I.P. - Ma formation est plutôt éclectique. J'ai étudié en art, en gestion, en marketing et en informatique. Puis, j'ai gagné ma vie en créant des sites Web et en enseignant la photographie. Mon frère a une formation plus technique, en génie et en technologie. Adolescents, nous avons créé des jeux à partir du langage Basic. Internet est par la suite entré dans nos vies et nous avons commencé à créer des jeux pour le Web.
D.B. - Quelles sont les caractéristiques d'un jeu réussi ?
I.P. - Il doit être facile à apprendre, mais difficile à maîtriser. Ainsi, vous y revenez constamment, convaincu qu'en jouant une partie de plus vous ne tomberez pas en bas de la plateforme et atteindrez le niveau supérieur. Tout est une question de dépendance !
D.B. - Quelle est la marche à suivre pour ajouter un jeu au catalogue du Apple Store ?
I.P. - Vous déboursez 100 $ pour obtenir une licence. Vous signez le contrat officiel de concepteurs, puis vous soumettez votre jeu. Si Apple l'approuve, il l'inclut dans son offre sur l'Apple Store.
D.B. - Quelle est la formule de partage des revenus ?
I.P. - Apple conserve 30 % du prix de vente, le reste va au concepteur. C'est d'ailleurs lui qui fixe son prix, mais il doit choisir parmi la palette offerte par Apple.
D.B. - Certains observateurs placent Apple sur un piédestal, alors que d'autres diabolisent le géant de Cupertino. Dans quel camp vous rangez-vous ?
I.P. - C'est un plaisir de développer des jeux pour Apple, parce qu'ils respectent les concepteurs et leur travail. Chaque fois qu'elle effectue une mise à jour sur ses plateformes, elle s'assure que les " vieux " jeux fonctionneront encore. Les propriétaires de iPhone 4 pouvaient donc télécharger Doodle Jump sans que nous ayons à intervenir. J'apprécie aussi l'approche démocratique qu'Apple prend avec ses concepteurs. Dans la sélection qu'elle présente chaque semaine sur la page d'accueil du Apple Store, on trouve des jeux vedettes, mais aussi d'excellents petits jeux inconnus à qui elle offre de la visibilité.
D.B. - On trouve plus de 15 000 jeux sur le Apple Store. Comment faites-vous pour que les vôtres se démarquent ?
I.P. - Cela devient difficile. Sans un marketing adéquat, votre jeu ne réussira pas. Et la publicité traditionnelle a un effet limité. Il faut exploiter le marketing de communauté, par exemple faire parler de son jeu sur les blogues spécialisés. C'est ce que nous avons fait dès la sortie de Doodle Jump, au printemps 2009. Nous sommes entrés en contact, entre autres, avec les gens derrière le blogue Touch Arcade pour qu'ils fassent la critique de notre jeu. Notre secteur ne peut pas compter sur les outils classiques du marketing, il faut faire preuve de créativité. Ainsi, nous avons réalisé du marketing croisé en insérant des personnages populaires d'autres jeux, comme Pocket God, dans le nôtre et vice versa. Chaque jeu a profité du rayonnement de l'autre. Nous avons aussi ajouté des liens avec Twitter et Facebook afin que les joueurs puissent afficher leurs pointages sur ces sites. Ce qui nous donne évidemment un excellente visibilité.
D.B. - Vous avez publié une trentaine de mises à jour, depuis le lancement de Doodle Jump, qu'on peut toutes télécharger gratuitement. Pourquoi ?
I.P. - Parce que c'est une stratégie très payante. L'an dernier, nous avons lancé, entre autres, le thème de Noël. Et, cette semaine, celui de l'Halloween. Chaque mise à jour gratuite attire des téléchargements payants. Ceux qui possèdent déjà le jeu ont un regain d'intérét; cela crée une mode et transmet le message que Doodle Jump offre beaucoup de valeur ajoutée à ses usagers.
D.B. - Quel sera votre prochain jeu ?
I.P. - Ce ne sera pas un jeu. Nous allons plutôt déployer la marque Doodle Jump. Notre personnage est sympathique et attachant. Nous allons en tirer des jouets, une série télé, des bandes dessinées.