Série 3 de 6. Au Québec, il fait froid et l'électricité coule à flots. Autant d'attraits majeurs pour l'implantation de centres de données informatiques. Portrait en six volets de cette industrie en croissance.
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Ce terrain vague jonché de conteneurs maritimes que vous avez longé l'autre jour pourrait être un centre de données à la fine pointe de la technologie. Ce n'est pas une blague. Lancés par Sun Microsystems en 2008, les conteneurs bâtis comme de petits centres de données indépendants sont aujourd'hui omniprésents. L'approche, baptisée centre de données modulaire, offre une plus grande flexibilité tout en procurant les avantages de coûts découlant de la standardisation.
«La maison Bonneville du centre de données, le préfabriqué, c'est ça l'avenir, car ça permet de répondre avec agilité à la demande du marché», soutient Éric Mateu, pdg de Vert.com, une entreprise montréalaise ayant développé son propre système de centre de données modulaire.
Alors que l'industrie a adopté des modules horizontaux, qui sont parfois de véritables conteneurs maritimes recyclés, Vert.com a développé un module vertical haut de quatre étages, dont la capacité équivaut à celle d'environ six conteneurs. C'est toutefois par hasard qu'Éric Mateu s'est retrouvé dans ce créneau en pleine croissance.
Tout a commencé en novembre 2011 par ce qui aurait dû marquer la fin de Vert.com. L'entreprise, qui travaillait depuis un an sur un projet de centre de données de 240 millions de dollars dans des silos du Vieux-Port de Montréal, apprenait alors que son projet était de l'histoire ancienne. «On avait un protocole d'entente de 100 pages, relate Éric Mateu. On avait une excellente collaboration avec la Société immobilière du Canada [la société d'État propriétaire des silos], et, du jour au lendemain, ils nous disent non, c'est fini, on ne vous parle plus.»
Après avoir travaillé d'arrache-pied durant un an, Éric Mateu et ses associés se retrouvaient soudainement devant rien. Le design, sur lequel ils avaient planché avec des ingénieurs et des architectes, ne verrait jamais le jour. Compte tenu du nombre de projets de centre de données réalisés chaque année, que tout ce travail soit nécessaire leur a soudainement semblé anachronique.
C'est en faisant ce constat qu'Éric Mateu et ses associés ont donné une nouvelle vocation au projet : «C'était soit tu réinventes la roue à chaque fois, avec des architectes et des ingénieurs, soit tu utilises des modules standardisés», évoque Éric Mateu. Les modules conçus par Vert.com auraient les mêmes avantages que les conteneurs, mais leur superficie, à capacité égale, serait quatre fois moindre. Ils devraient également consommer de 20 % à 25 % moins d'énergie. Même si Vert.com ne dispose pas d'usine, Éric Mateu estime être en mesure de livrer à quatre mois d'avis grâce à ses choix de matériaux, tels que des murs préfabriqués de Canam.
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Modules ou conteneurs ?
Sun Microsystems a commencé de vendre ses conteneurs à compter de 2008, puis IBM et HP lui ont emboîté le pas rapidement. Malgré tout, leurs conteneurs ont surtout été achetés par des clients ayant des besoins plus ou moins ponctuels. «Les conteneurs sont encore un produit de niche, qui servent notamment dans les endroits reculés ou pour bonifier rapidement la capacité d'un centre existant», reconnaît Dan McMullen, d'IBM Canada. Par exemple, les conteneurs d'IBM ont été déployés en plein air, dans le nord de l'Alberta, à proximité de sites d'extraction des sables bitumineux. Pour Dan McMullen, toutefois, il n'y a pas de doute que l'industrie aille vers le modulaire, que ces modules prennent la forme de conteneurs ou non.
Microsoft, Amazon et Google font partie des pionniers qui ont commencé dans les années 2000 à recourir à des conteneurs assemblés à la chaîne, dont certains s'accumulent sur des terrains qui constituent des centres de données en plein air. Les conteneurs permettent à ces géants d'augmenter leur capacité à mesure que leurs besoins grandissent, tout en diminuant leurs coûts. Cette approche, par contre, est longtemps restée l'apanage d'entreprises opérant à une échelle démesurée.
Une vélocité hors de l'ordinaire
L'américaine IO, qui partage son savoir-faire par l'intermédiaire de l'Open Compute Project, a toutefois changé la donne en 2011. Cette année-là, elle bâtissait l'un des plus grands centres de données du monde en 90 jours, dans un immeuble du New Jersey anciennement occupé par le New York Times. Alors que la construction d'un centre de données de cette envergure peut prendre jusqu'à trois ans, il va sans dire que la vélocité d'IO sortait de l'ordinaire. Pour y parvenir, IO s'est contentée de remplir l'immeuble des conteneurs qu'elle fabrique à la chaîne, faisant l'économie de travaux majeurs de rénovation, qui auraient été nécessaires entre autres pour contrôler la température ambiante : «On fabrique nos modules en Arizona, puis on les envoie dans nos centres de données à mesure qu'ils prennent de l'expansion», explique Jason Ferrara, vice-président du marketing chez IO.
IO, qui qualifie ses conteneurs de modules, n'hésite pas à les vendre à ses concurrents. L'entreprise continue par ailleurs à en équiper ses propres centres de données, qui s'étendent aujourd'hui jusqu'à Singapour.
Alors que l'avenir des centres de données modulaires est prometteur, il n'est pas dit que les modules verticaux de Vert.com verront le jour. L'entreprise n'a pas encore vendu son premier module et elle ne semble pas avoir les moyens d'en bâtir un premier, ne serait-ce que pour prouver au monde que son approche fonctionne. Malgré tout, les fondateurs de Vert.com demeurent convaincus d'être assis sur une mine d'or : «On pense qu'on a une solution modulaire supérieure pour les déploiements à plus grande échelle», persiste à dire Éric Mateu.
Le centre de données modulaire offre une plus grande flexibilité tout en procurant les avantages de coûts découlant de la standardisation.
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