Dans le Vieux-Port de Montréal, les silos no 5 deviendront bientôt un centre de serveurs informatiques à haute efficacité énergétique, s’il n’en tient qu’à Vert.com.
Propriétaire du bâtiment depuis 2010, la Société immobilière du Canada (SIC) étudie sérieusement le projet de Vert.com, baptisé Siloctet, pour l’« annexe B1 ». C’est la partie est du bâtiment, la plus imposante, en forme de cylindres contigus.
« C’est un concept très intéressant, mais on est encore loin d’une entente », dit Gordon McIvor, porte-parole de la SIC. Les autorités se demandent quoi faire avec ce bâtiment d’un demi kilomètre de long depuis sa fermeture, en 1995.
Le pdg de Vert.com assure de son côté que les négociations achèvent. « On va avoir plus de 100 000 serveurs », dit Éric Mateu-Huon. Il évalue le projet à 80 millions de dollars.
L’entreprise est suffisamment avancée dans ses démarches pour avoir envoyé une demande de raccordement électrique à Hydro-Québec. Une ligne supplémentaire d’environ 70 mégawatts serait nécessaire pour permettre l’exploitation d’un tel centre de serveurs dans ce secteur.
« C’est une demande d’alimentation électrique normale, dit Jean-Philippe Rousseau, porte-parole de la société d’État. Il y a une étude à faire à l’interne. Est-ce que ça prend une ligne à 25 kilovolts? Est-ce que ça prend plusieurs lignes? Y a-t-il des modifications à faire sur le réseau? L’étude pourrait demander trois à quatre semaines. »
Vert.com vise surtout des clients basés en Europe qui ont des activités importantes sur le Web. « Les compagnies qui font du commerce électronique veulent avoir un site miroir pour être plus prêt de New York », dit-il. Elles peuvent ainsi gagner quelques microsecondes par transaction en ligne.
Éric Mateu-Huon ne précise pas qui sont ses clients potentiels, mais à terme, il pense que le centre de serveurs pourrait compter jusqu’à 300 employés. Selon lui, l’installation pourra produire des revenus de 100 millions par année.
Projet écologique
Vert.com mise sur l’efficacité énergétique pour réduire les coûts d’exploitation des serveurs et attirer sa clientèle. Contrairement aux centres de données répandus aux États-Unis, construits à plat, Siloctet misera sur l’axe vertical, dans les silos, pour évacuer la chaleur par le haut, grâce à l’«effet cheminée ».
Selon les plans, les 44 silos de l’annexe seront divisés en deux pour faire 88 mini centres de données, explique Éric Mateu-Huon. Une fois organisé pour accueillir les serveurs des entreprises, l’espace ainsi aménagé sera loué à des entreprises. « On ne fait pas les machines à l’intérieur, dit-il. On leur offre le meilleur environnement possible pour installer les leurs, et avoir les meilleures performances énergétiques. »
Vert.com est d’ailleurs en instance de brevet aux États-Unis pour son concept.
Pour développer le projet, l’entreprise a recruté Marc Parizeau comme vice-président, technologies. C’est lui qui a piloté la transformation d’un accélérateur de particules en superordinateur en silo à l’Université Laval, à Québec. L’entreprise s’est aussi associée à la firme d’ingénierie Groupe SM International pour la conception.
À l’Université Laval, l’architecture verticale du superordinateur a permis une économie d’énergie de 50 % par rapport à la conception traditionnelle, à l’horizontale.
Le fleuve Saint-Laurent et les Grands Lacs sont parsemés d’infrastructures comme les silos numéro 5. Ils servent à entreposer les céréales des Prairies canadiennes, mais comme ceux du Vieux-Port, plusieurs d’entre eux sont désaffectés et pourraient aussi servir à loger des serveurs.
Sur son site Internet, Vert.com indique d’ailleurs qu’elle souhaite à terme développer son concept dans les autres villes portuaires de « la route des silos », comme Buffalo et Toronto.