Au 28 juillet, le CRTC disait avoir reçu plus de 47 000 plaintes en lien avec la Loi canadienne anti-pourriel (LCAP), entrée en vigueur le 1er juillet. De nombreuses organisations n'ont pas encore terminé les travaux qui leur permettront de s'y conformer.
«Nos travaux sont terminés à 90 %. Le reste vise surtout les clients potentiels qui n'ont pas encore répondu à nos courriels. Depuis le 2 juillet, nous déployons notre stratégie pour parler à ces clients potentiels avec qui nous souhaitons poursuivre le dialogue», explique Marie-Pierre Lépine, directrice, communication, marketing et développement des affaires chez Raymond Chabot Grant Thornton.
Cette dernière précise que l'entreprise a amorcé les travaux pour se conformer à la loi anti-pourriel, aussi nommée Loi C-28, dès septembre 2013 : «L'étape la plus difficile dans l'élaboration de la stratégie a été d'en comprendre les tenants et aboutissants. Avant même de déterminer la stratégie, le nombre d'heures passées à nous assurer qu'on comprenait les bonnes choses pour ensuite poser les bonnes actions a représenté une partie importante du projet», dit-elle.
Après avoir consulté quelques avocats, RCGT a choisi de ne pas inonder tous ses clients de demandes de consentements : «Du fait qu'ils sont nos clients, nous avons un consentement tacite à communiquer avec eux, alors nous avons préféré ne pas les agacer avec un courriel de demande de consentement exprès», explique Mme Lépine.
La LCAP prévoit en effet qu'il existe un consentement tacite lorsque la personne qui reçoit un message électronique commercial a des relations d'affaires ou des relations privées en cours avec l'expéditeur. Le consentement tacite existe également, par exemple, lorsqu'une personne publie son courriel bien en vue sur le Web sans préciser qu'elle ne veut recevoir aucun message électronique commercial non sollicité à cette adresse et que «le message a un lien soit avec l'exercice des attributions de la personne, soit avec son entreprise commerciale ou les fonctions qu'elle exerce au sein d'une telle entreprise».
Des exceptions
Pour le Regroupement Loisir et Sport du Québec (RLSQ), un organisme sans but lucratif qui offre des services juridiques et informatiques à plus de 100 organismes nationaux de loisir et de sport partout au Québec, le plus difficile a été de sensibiliser les membres à l'arrivée de la loi.
«À l'interne, les travaux sont terminés. Toutefois, ce n'est pas le cas pour plusieurs de nos membres. Certains ont amorcé leurs travaux le 2 juillet ! Ils croyaient que la loi ne s'appliquait pas à eux vu qu'ils étaient des organismes sans but lucratif», dit Geneviève Béchard, avocate au RLSQ.
Or, au sens de la loi, une activité commerciale englobe «tout acte isolé ou activité régulière qui revêt un caractère commercial, que la personne qui l'accomplit le fasse ou non dans le but de réaliser un profit».
La LCAP précise par ailleurs que les organismes de bienfaisance et les partis politiques sont exemptés de la loi lorsqu'ils entreprennent des activités commerciales auprès d'individus qui, au cours des deux ans précédant la date d'envoi du message, ont fait un don ou un cadeau à l'organisme, y ont travaillé à titre bénévole ou en étaient membres. Cette mesure ne touche pas les organismes sans but lucratif.
Des PME peu informées
«Nous avons obtenu le consentement de tous nos clients, mais pour aller en chercher de nouveaux, nous allons privilégier le téléphone», soutient Patrick Dextraze, président de l'entreprise Automatisation Idexpac, dont les produits permettent de contrôler des procédés industriels par ordinateur. Ce dernier avoue ne pas trop connaître la loi et dit n'avoir ni le temps, ni les ressources ni les budgets pour s'y conformer. Il a donc cessé d'envoyer des courriels à ses clients potentiels.
Une telle situation ne surprend pas Martine Hébert, vice-présidente principale et porte-parole nationale à la Fédération canadienne des entreprises indépendantes (FCEI) : «Beaucoup de propriétaires de PME ne considèrent pas leurs courriels comme des pourriels. Ils ne font pas la différence entre un pourriel et un message électronique commercial», dit-elle.
Dans une étude publiée fin juin, la FCEI estimait que 62 % des petites et moyennes entreprises canadiennes n'avaient encore entrepris aucune démarche pour se conformer à la loi. Mme Hébert soutient que l'organisation, qui regroupe 109 000 membres, continue de recevoir chaque jour des demandes d'information de nombreux propriétaires inquiets, sans pouvoir faire une mise à jour de cette situation.