Tendance de l'année 2010 selon plusieurs analystes des communications, dont ceux de la new-yorkaise JWT Intelligence, Foursquare est devenu le nouveau chouchou des spécialistes du marketing. Ils y voient l'outil de réseau social idéal pour faire du marketing de proximité.
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L'application Foursquare, qui fonctionne sur les téléphones intelligents, permet à l'utilisateur d'indiquer aux membres de son réseau l'endroit où il se trouve en temps réel (check-in), de consulter les commentaires sur l'endroit en question et d'y ajouter ses propres recommandations. En outre, il peut gagner des points, des badges et, s'il fréquente souvent l'endroit, il peut en devenir le " maire ".
" Avec Twitter, la question est que fais-tu ? Avec Foursquare, c'est où le fais-tu ? ", explique Guillaume Brunet, directeur principal, médias sociaux, chez Cossette.
Même si le Time Magazine a classé Foursquare parmi les pires inventions de l'année, les statistiques montrent un essor rapide. Un peu plus d'un an après sa création, en juillet 2010, Foursquare comptait près de deux millions d'utilisateurs dans le monde, 5,6 millions de lieux recensés et 40 millions de check-in. Selon RJMetrics, une entreprise spécialisée dans l'analyse de base de données, le taux de croissance quotidien de Foursquare (environ 13 000 nouveaux usagers par jour), est 75 % plus élevé que celui de son principal concurrent, Gowalla (créé en août 2007).
" Je crois que ces applications ont un grand potentiel ", poursuit M. Brunet, qui a utilisé abondamment Foursquare lors de récents séjours à New York et à Barcelone. " Même si certains sont sceptiques, je crois que ça va marcher, que ce soit Foursquare ou une autre application du genre. "
La quintessence de l'hyperlocal
Plusieurs grandes marques ont déjà flairé le potentiel de Foursquare pour leur plan de communication. Ainsi, Pepsi a fait une promotion lors d'un événement sportif aux États-Unis, offrant 4 cents pour chaque check-in. Pour le lancement d'une nouvelle collection de robes de mariée, la styliste et designer Cynthia Rowley offrait 25 $ en chèque-cadeau et 15 % de rabais sur son site pour les consommateurs qui faisaient un check-in le 3 juin dans sa boutique de New York. Et l'université Harvard organise différents jeux de découvertes de son campus grâce à cette application.
Mais Foursquare, dit M. Brunet, est surtout l'ultime outil de marketing de proximité, la quintessence de l'hyperlocal. Les possibilités sont multiples pour accroître sa clientèle, précise-t-il, grâce à des programmes de fidélisation, des offres spéciales, des promotions ou des événements.
Pour M. Brunet, l'investissement en vaut la chandelle : " Foursquare offre aux commerçants une mine d'informations, des statistiques en temps réel, les plus récents visiteurs, les plus fréquents, le moment de la journée où ils vous visitent, le nombre de visiteurs uniques, la proportion qui en a parlé sur Twitter et Facebook ou encore la proportion hommes-femmes. C'est là que ça devient intéressant pour le commerçant. "
Quelles en sont les retombées jusqu'à maintenant ? Le potentiel marketing de Foursquare n'en est qu'à ses balbutiements. Mais sur son site Web, Brian Solis, un spécialiste américain des nouveaux médias, donne plusieurs exemples récents qui illustrent la montée en puissance de Foursquare au détriment des Pages Jaunes de ce monde : la chaîne Starbucks a vu le nombre de check-in augmenter de 50 % depuis qu'elle offre 1 $ de rabais sur ses Frappuccino; un resto de hamburgers de Milwaukee, AJ's Bumbers, a augmenté ses ventes de 30 % grâce à son offre de sandwichs gratuits pour les " maires " et de biscuits gratuits pour les usagers qui ajoutent des commentaires sur la page du restaurant.
Mode passagère ou réel engouement ?
Foursquare a beau être vanté par les médias, il n'attire pas les foules : moins de 20 000 utilisateurs au Québec, dont la majorité à Montréal, selon la firme de recherche marketing comScore. On est loin de Twitter et de Facebook.
Dans un récent rapport, la firme Forrester Research conseille même aux spécialistes du marketing d'éviter de perdre leur temps sur les réseaux sociaux de géolocalisation, car ils sont trop peu fréquentés pour l'instant : seulement 4 % des internautes adultes américains les auraient déjà utilisés. " Le marché est trop immature pour soutenir une arrivée massive de l'industrie de la pub, indique le rapport, sauf pour les marques qui veulent tester à petite échelle des produits pour hommes. "
Par ailleurs, plusieurs experts soulignent l'inutilité de l'application, d'autres, ses dangers pour la protection de la vie privée. " C'est une question sensible, dit Mitch Joel, président de l'entreprise de communication interactive Twist Image. Pour beaucoup de gens, laisser savoir à tous où et avec qui on se trouve peut être effrayant. " Mais en même temps, ajoute-t-il, l'idée de partager avec la planète entière, par l'intermédiaire Facebook, YouTube ou Twitter, des pans entiers de sa vie était impensable il y a quelques années seulement. Et Facebook a récemment franchi le cap du demi-milliard d'usagers. " Les gens sont de plus en plus à l'aise avec ces technologies. "
M. Joel croit au grand potentiel marketing d'applications comme Foursquare. " Il faut y être présent dès maintenant ", croit-il. Mais il met les spécialistes du marketing en garde : " Les gens sont préoccupés par la protection de leur vie privée. La manière dont les marques ou les commerces utiliseront l'information que les utilisateurs voudront bien leur donner sera cruciale pour la suite des choses. "
Les spécialistes du marketing doivent être prudents, poursuit-il, et mettre en place les bons leviers afin d'éviter les dérapages (comme on l'a vu avec les pourriels ou les clics frauduleux) et l'intervention des gouvernements. " Le consommateur doit savoir qu'il maîtrise les informations qu'il diffuse. Autrement, les spécialistes du marketing, publicistes ou relationnistes perdront la partie. "
Il serait déplorable, ajoute-t-il, que le développement de ces outils que sont les médias sociaux et la géolocalisation soit compromis " parce que des professionnels du marketing n'auront pu éviter d'être intrusifs, agaçants et prédateurs ".
Le Wall Street Journal s'associe à Foursquare
La célèbre publication expérimente une association avec Foursquare depuis avril, mettant en relation ses critiques de restaurant et l'application de géolocalisation. Ces associations entre Fourquare et des groupes de presse sont appelés layers (littéralement " couches "), car l'information se surperpose au monde réel. Par exemple, vous marchez sur Madison Avenue, à New York, et vous ouvrez le layer du WSJ; les critiques disponibles des restaurants sur votre chemin apparaîtront sur votre téléphone.