L'accès à l'information, c'est le pouvoir. Le meilleur exemple vient de WikiLeaks, le site Web à l'origine de la plus grande fuite de documents secrets américains de l'histoire, qui cause des migraines aux diplomaties mondiales.
Confier à vos employés l'accès aux informations privilégiées sur votre entreprise les motive, les forme et contribue à leur développement. Mais c'est également leur ouvrir la porte vers une source de pouvoir que les malintentionnés et même ceux moins prévoyants peuvent utiliser contre l'organisation.
" Je ne connais pas d'entreprise qui divulgue toute l'information à tous ses employés. Il y a un certain nombre de données confidentielles, comme le développement d'un nouveau produit, dont seulement un groupe restreint a tous les éléments ", explique Pierre Joron, associé de Groupe Conseil CFC, qui compte plus de 30 ans d'expérience dans la gestion des ressources humaines.
Informer et protéger son avantage concurrentiel
Les statistiques sont troublantes : une entreprise canadienne sur deux aurait été victime d'un délit économique (fraude comptable, violation de la propriété intellectuelle, blanchissement d'argent, détournement des biens..) en 2009, selon une enquête réalisée par PricewaterhouseCoopers. Dans 38 % des cas, le fraudeur était un salarié.
En conséquence, les entreprises font face à un double défi : d'une part, bien informer leurs employés afin qu'ils soient motivés et innovants, et d'autre part protéger leur avantage concurrentiel contre les fuites d'information stratégique.
Chez Averna Technologies, une entreprise qui vend de l'ingénierie de test à des clients tels que Research In Motion, Nortel ou BMW, la direction rencontre tous les trois mois ses employés pour les informer de sa stratégie.
" Nous avons choisi de communiquer à nos employés notre vision et notre stratégie. Par contre, les données sur nos clients sont sécurisées. L'information R-D est accessible seulement à notre équipe R-D ", précise Richard Maltais, chef de l'exploitation et cofondateur d'Averna, qui compte 285 salariés.
Climat favorable
Les avantages de disposer d'employés bien informés sont quantifiables : un climat positif dans l'organisation, des équipes motivées, responsabilisées et plus productives. " Les gens sentent qu'on leur fait confiance, qu'ils sont des parties prenantes de la vision de l'entreprise. Nous sommes conscients que certains employés peuvent s'en aller travailler chez des clients ou chez des concurrents et qu'ils pourraient utiliser de l'information contre nous ", dit Richard Maltais.
Un risque à prendre, mais accompagné des précautions légales nécessaires : Averna fait signer à chacun de ses employés des accords de non-divulgation, et met un code d'éthique interne en place au sein de l'entreprise.
Communiquer les renseignements nécessaires
" Nous communiquons le maximum d'information à nos employés, en fonction de la pertinence des renseignements pour leur travail ", dit Jacques L'Écuyer, président fondateur de 5N Plus, un producteur de métaux et de composés de haute pureté pour l'industrie de l'électronique.
Si l'organisation est sur le point de signer un important contrat ou de réaliser une acquisition, elle doit jouer ses cartes prudemment. " Tant qu'une transaction n'est pas finalisée, la communiquer à l'interne peut créer une atmosphère de panique inutile chez les employés, qui se poseront des questions sur les changements organisationnels que cela entraînera ", explique Pierre Joron, de Groupe Conseil CFC, qui ajoute qu'une politique de confidentialité exagérée nuit également au climat de travail. " Ce n'est jamais agréable pour les employés d'apprendre des nouvelles sur leur entreprise dans les journaux ", dit-il.
" Nous sommes une entreprise inscrite en Bourse et nous devons être prudents vis-à-vis des informations commerciales sensibles. Le moment où on divulgue une acquisition à l'interne coïncide avec celui où on l'annonce au marché ", dit le président de 5N Plus.
L'explosion des réseaux sociaux pose de nouveaux défis sur le contrôle de la circulation des renseignements confidentiels. " Les employés doivent comprendre qu'ils ne peuvent pas publier n'importe quoi au sujet de leur patron ou de l'entreprise sur Facebook, sur Twitter ou sur leur blogue. Ce genre d'attitude peut être considéré comme un manque de loyauté envers l'employeur et peut entraîner des poursuites ", indique M. Joron.