Enjeux de gouvernance - Série 6/6: Les administrateurs ont un rôle stratégique à jouer à des moments charnières de la vie de l'entreprise. Cette série décortique des enjeux auxquels ils font face.
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Le rôle du président du conseil d'administration ressemble un peu à celui du moniteur d'une école de conduite, selon Hubert Manseau, qui a occupé la présidence de plusieurs CA au cours de sa carrière et qui est maintenant à la tête de celui de Multiple Capital, un organisme de promotion de l'industrie du capital de risque. «Il a un deuxième volant, un deuxième frein, il regarde au loin et il coache le conducteur. Quand tout va bien, il le laisse aller. S'il voit une meilleure route à emprunter, il le lui indique. Si le conducteur s'apprête à faire une manoeuvre dangereuse ou prend trop de vitesse entre deux coins de rue, il lui signale les risques.»
Bref, le président du CA fait équipe avec le pdg de l'entreprise et répond présent quand celui-ci a besoin de conseils, d'une opinion, de relations pour faire avancer un projet ou même d'une oreille attentive. «Le pdg est seul au sommet, et parfois, le président du CA devient pour lui une sorte de confident», dit Michel Lamontagne, avocat et administrateur de sociétés certifié qui préside quatre conseils, dont celui de Magog Technopole.
Garder une distance avec le pdg
Si la confiance et une bonne communication constituent la pierre d'assise d'une relation réussie entre ces deux dirigeants, il faut toutefois savoir garder une certaine distance. «Le président du CA marche sur un fil de fer : il doit développer une connivence avec le pdg sans jamais devenir complaisant», souligne Hubert Manseau, qui a dirigé Innovatech du Grand Montréal dans les années 2000 et qui est maintenant conseiller stratégique chez le gestionnaire de fonds de capital de risque Multiple Capital.
Par exemple, il doit être capable de demander au pdg de refaire ses devoirs quand un dossier est mal ficelé ou lorsqu'un complément d'information est requis. Il doit aussi éviter de lui déléguer l'ordre du jour des réunions du conseil. «Sinon, des sujets stratégiques risquent de passer sous le radar», met en garde Hugues Lacroix, président de la firme-conseil en gouvernance Lacroix Groupe Conseil. Il conseille également de placer les sujets les plus importants au début de la réunion, l'inverse de ce qui se fait habituellement, sous peine de manquer de temps pour en discuter.
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Rester vigilant
Par ailleurs, la bonne entente avec le pdg n'est pas une raison pour fermer les yeux sur les accrocs à l'éthique, même mineurs. «Ce serait passer le message que ce genre de pratique est acceptable», remarque Hubert Manseau qui enjoint les présidents de conseil à regarder attentivement les notes de frais. «Les lire en diagonale, c'est de la complaisance !» Lui-même a déjà refusé de rembourser des dépenses qu'il jugeait exagérées.
Il a aussi déjà congédié un pdg, car un président de CA doit avoir ce courage. Le geste est souvent nécessaire lorsque le dirigeant n'est plus à la hauteur des nouveaux défis de l'entreprise. «J'aimais bien la personne, alors j'ai trouvé cela difficile, se souvient Hubert Manseau. Mais le laisser en poste aurait été complaisant.» Sans compter que ça aurait été un manquement à la responsabilité du CA, qui consiste à veiller à l'intérêt supérieur de l'entreprise.
Susciter l'esprit d'équipe
Le rôle du président du conseil auprès des administrateurs est tout aussi critique. Comme un chef d'orchestre, il doit parvenir à faire travailler ensemble et dans l'harmonie un groupe de personnes d'horizons variées. Il doit également s'assurer que chacun apporte sa pleine contribution.
Les différences d'opinions sont normales. Rassembleur, le président du CA doit savoir instaurer un climat de confiance et de respect dans lequel chacun se sent libre de s'exprimer. Un talent qui n'est pas donné à tous. «Une erreur fréquente est de confier ce poste à un individu pour sa notoriété et ses contacts sans évaluer s'il a les capacités interpersonnelles nécessaires», déplore Hugues Lacroix, en soulignant que cette situation peut nuire à la bonne marche du conseil.
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Quand un CA fonctionne bien, nul besoin de passer au vote. Les administrateurs font des compromis et arrivent à trouver des solutions et à prendre des décisions auxquelles tous se rallient. «Un consensus, c'est un mélange de "je suis pour" et de "je suis capable de vivre avec"», résume le consultant.
Pour tirer le meilleur des administrateurs, Michel Lamontagne les rencontre seul à seul une fois l'an. Ceux-ci comprennent ainsi en quoi leur président compte sur eux, ce qui rehausse leur engagement. M. Lamontagne profite également de l'occasion pour renouveler leur déclaration d'intérêt. «Je veux savoir ce qui pourrait être un conflit ou une apparence de conflit d'intérêts ainsi que toute situation pouvant mettre le CA et l'entreprise dans l'embarras.»
Une autre bonne pratique, selon lui, consiste à tenir une rencontre annuelle dans un endroit qui sort du cadre régulier et qui réunit les administrateurs et les membres de la haute direction. «En plus de permettre à tous de mieux se connaître, une telle rencontre permet de faire le point sur le développement de l'entreprise et de discuter de questions stratégiques.»
Combien d'heures de travail ?
Un président de CA doit s'attendre à consacrer en moyenne 200 heures par année à ses fonctions, soit deux fois plus de temps que les autres administrateurs, selon Hugues Lacroix, de Lacroix Groupe Conseil. Avant d'accepter un tel poste, il faut bien évaluer sa disponibilité. «Si vous avez un emploi à temps plein, une présidence de CA, c'est beaucoup. Deux, c'est énorme et trois, c'est difficile à concevoir, car cela équivaudrait à 13 semaines de 40 heures !»
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