Série 3 de 5 - La gouvernance a été sous les feux des projecteurs au cours des derniers mois, notamment avec la commission Charbonneau. Découvrez des conseils de meilleures pratiques dans le domaine.
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Les CA s'intéressent toujours aux chiffres. Mais les enjeux concernant les ressources humaines sont de plus en plus à l'ordre du jour. «C'est crucial, car la gestion des talents fait la différence dans la réussite de la stratégie d'affaires», dit Jacqueline Codsi, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) et directrice principale, développement organisationnel et gestion des talents, chez Optimum Talent.
Au premier chef, le conseil planifie la relève du pdg de l'entreprise. Pour Jacqueline Codsi, qui est administratrice de sociétés certifiée (ASC) et membre de trois conseils, confier cette responsabilité uniquement au pdg actuel est une erreur. «Il n'a pas toute l'objectivité nécessaire, car on a souvent tendance à embaucher une personne qui nous ressemble. Or, selon l'évolution de l'entreprise, un clone du président n'est pas nécessairement ce dont elle a besoin.»
Le conseil doit donc déterminer le profil de compétences le plus approprié aux orientations et s'assurer d'avoir en réserve des candidats à haut potentiel. Et cela, avant que le pdg ne soit sur le point de partir ! Car la succession a plus de chances de réussir si elle est bien préparée et qu'elle provient de l'interne, selon la CRHA. «S'il n'y a pas de relève à l'interne, on la recrute à l'externe le plus tôt possible. Elle aura le temps de s'adapter à la culture et de développer sa crédibilité.»
Serge Régnier, ASC et CRHA, était vice-président aux ressources humaines de Gaz Métro en 2005 quand le conseil d'administration a lancé un plan de succession à la présidence. L'objectif ? Évaluer la relève à l'interne, repérer des candidats prometteurs dotés d'un profil développement d'affaires et les préparer à prendre éventuellement les rênes. Ce processus, mené dans les règles de l'art, s'est étalé sur plus de deux ans.
«Les candidats retenus ont été sortis de leur zone de confort, exposés à divers défis et évalués régulièrement», raconte-t-il. Le conseil, qui suivait de près leur développement, a finalement nommé en 2007 Sophie Brochu présidente et chef de la direction. «C'est un excellent choix, car elle fait du très bon travail», dit Serge Régnier.
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Du pain sur la planche
Qu'en est-il des vice-présidents ? Le conseil a-t-il son mot à dire ? Traditionnellement, c'est au pdg de choisir son équipe. Mais le conseil devrait se prononcer sur les profils recherchés, être informé de la performance des cadres recrutés et les rencontrer à l'occasion. «On veut éviter que le pdg ne s'entoure que de béni-oui-oui, dit Hélène Lee-Gosselin, CRHA, professeure de management à l'Université Laval et formatrice au Collège des administrateurs. À la haute direction, on veut des gens solides qui pourraient un jour se retrouver à la barre de l'entreprise.»
Par ailleurs, la rémunération exorbitante accordée aux hauts dirigeants par les conseils de certaines grandes sociétés essuie plusieurs critiques. Pour Yvan Allaire, président de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques, cette inflation salariale est surtout le fait du système de rémunération par comparaison. «On veut s'assurer de payer les dirigeants à leur juste valeur marchande sous peine de les perdre. Mais plus on suit cette logique, plus il y a surenchère.»
Serge Régnier estime quant à lui que cette méthode est valable à la condition que le groupe de comparaison soit réaliste. «Le piège, c'est de se comparer seulement avec les entreprises qui paient le plus. Il faut utiliser des entreprises similaires et pondérer en fonction de la région et du secteur d'activité.»
Une bonne pratique consiste aussi à lier la rémunération variable à des objectifs qualitatifs plutôt qu'uniquement financiers : roulement et degré d'engagement du personnel, productivité, maintien de la réputation de l'entreprise, développement continu des ressources humaines, etc.
Outre ces tâches, les conseils se penchent aussi sur la capacité à attirer, perfectionner et retenir les talents. «Le but n'est pas de faire du micromanagement, mais de s'assurer que l'entreprise a des plans d'action et des stratégies et qu'elle gère bien les risques liés aux talents», explique Jacqueline Codsi. Sa suggestion : mettre à l'ordre du jour du comité RH les principaux enjeux à tour de rôle (relations de travail, niveau d'engagement des employés, gestion de la diversité et du changement, roulement du personnel, santé/sécurité, etc.).
Diversifier les conseils
Le recrutement d'administrateurs est à la fois une responsabilité des conseils et un défi. Un défi particulièrement en matière de diversité, les conseils étant surtout composés d'hommes avec des profils de financiers, d'avocats et d'anciens pdg. Pourtant, des études ont démontré que la diversité d'un conseil, parce qu'elle favorise une vision plus complète, améliore le rendement financier. Une diversité de sexes et d'âges, bien sûr, mais également d'expertises et d'expériences.
«Il faut des gens qui ne pensent pas tous dans le même sens, sinon on risque de négliger certains risques et certains enjeux», souligne Hélène Lee-Gosselin en rappelant que les conseils constituent une police d'assurance pour les entreprises. L'expertise en ressources humaines, notamment, est souvent absente. «Il y a même des comités RH présidés par des financiers !» lance Jacqueline Codsi.
Pour que le conseil se renouvelle, des entreprises limitent la durée du mandat des administrateurs. Si c'est parfois bénéfique pour une petite organisation, cela peut être risqué pour une grande, selon Mme Gosselin. «Il faut parfois deux ans pour maîtriser les dossiers d'une société complexe», dit-elle, en soulignant que la contribution de l'administrateur importe davantage que la durée de son mandat. C'est pourquoi l'évaluation de l'efficacité du conseil et de la performance de ses membres est une pratique qui devrait se généraliser. «Être membre d'un CA n'est pas un statut social ni un rôle honorifique. C'est un engagement et une responsabilité envers une organisation.»
Faire participer le CA de l'entreprise au processus de sélection des candidats à la succession à la présidence permet de déceler la relève à l'interne et de la préparer à reprendre le flambeau.
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