L'entreprise est toujours légalement responsable de tout ce qui entoure la paie de ses employés. Céder la gestion du service de paie à un tiers n'y change rien. Et l'oublier peut coûter très cher.
Le 29 mai 2002, lorsqu'ils reçoivent un relevé de compte du vérificateur au montant de 410 573,61 $, assorti de pénalités de 36 127,72 $ et de 5 668 $ en intérêts, les dirigeants de LKQ Pintendre Autos tombent des nues. L'Agence du revenu du Canada (ARC) soutient qu'aucune cotisation liée aux déductions à la source sur les salaires des employés de Pintendre Autos ne lui a été versée entre le 31 décembre 2001 et le 16 mai 2002.
L'entreprise avait cédé la gestion de son service de paie à un sous-traitant le 23 novembre 2001. Elle apprend avec stupeur que celui-ci n'a pas respecté sa part du contrat. Elle envoyait pourtant chaque semaine à Pintendre Autos une copie du chèque supposément versé au gouvernement en son nom.
Personne chez Pintendre Autos ne savait que les cotisations n'étaient pas versées. Ses dirigeants croyaient que la responsabilité de la PME n'était pas engagée et que le gouvernement devait plutôt poursuivre le sous-traitant.
Erreur ! «L'employeur reste toujours solidairement responsable du versement des retenues à la source et de toute autre somme liée à la paie», explique Mary-Pier Marcheterre, avocate et associée au cabinet Gowlings.
«En cas de problème, l'autorité fiscale poursuivra les deux parties et prendra l'argent là où il se trouve. Si le sous-traitant a fait faillite, par exemple, l'employeur devra payer en entier. Et il aura bien du mal à récupérer son argent auprès de son ancien sous-traitant», ajoute-t-elle.
En mai 2003, la Cour canadienne de l'impôt a ainsi rejeté la demande de Pintendre Autos qui voulait opposer une fin de non-recevoir à l'avis de cotisation de l'ARC, au motif que l'erreur ne venait pas de lui, mais du sous-traitant.
Vérifier trois fois plutôt qu'une
Cette réalité rend encore plus délicat le choix d'une entreprise de gestion du service de paie. Mme Marcheterre conseille de bien s'informer auprès d'autres entreprises de notre domaine. Quelle est la réputation du sous-traitant qu'on envisage de choisir ? A-t-il fait l'objet de plaintes ? Depuis combien de temps offre-t-il ce service ? Quels spécialistes y travaillent ? Des comptables ? Des juristes ? Des fiscalistes ? Confie-t-il certaines tâches à des sous-traitants ?
Il faut aussi s'assurer que l'entreprise a l'habitude d'oeuvrer au Québec. En effet, le Québec compte une trentaine de règlements qui lui sont spécifiques. Une grande entreprise solide au Canada, mais peu rompue aux subtilités québécoises, pourrait faire un faux pas. Il arrive aussi que ce type d'entreprise sous-traite ses clients québécois à une entreprise d'ici. Il est bon de le savoir et de vérifier la solidité et le savoir-faire de ce sous-traitant.
Mais le plus important, selon Mme Marcheterre, est de s'assurer de la viabilité financière du service de gestion de la paie.
«En règle générale, l'employeur verse une somme globale au sous-traitant, qui la place dans un compte en fidéicommis, explique-t-elle. C'est le sous-traitant qui divise la somme en fonction du nombre d'employés et verse les cotisations appropriées. Mais s'il n'arrive plus à payer son loyer, peut-être pigera-t-il dans les fonds de l'employeur. Les versements au fisc risquent alors de ne pas être effectués à temps.»
L'employeur a donc tout intérêt à bien éplucher les états financiers de ceux qui proposent de gérer son service de paie. Il doit aussi vérifier où va l'argent qu'il verse au sous-traitant avant d'être remis au gouvernement, et de quelle façon cet argent est géré.
Au bout du compte, même si tout apparaît conforme et fiable, les contrôles serrés et fréquents sont essentiels. C'est à l'employeur de s'assurer que tous les versements sont faits et bien faits. En fin de compte, un suivi plus rigoureux peut éviter bien des tracas !
Des services de plus en plus demandés
Un nombre grandissant d'entreprises confient la gestion de leur service de paie à l'externe. Même les plus petites s'y mettent ! Qu'est-ce qui rend ces services si attrayants ?
«Depuis quelques années, les entreprises constatent que les coûts de non-conformité sur le plan de la paie dépassent largement ce qu'elles épargneraient en n'étant pas conformes», dit Martha Kittel, associée, services fiscaux au sein du bureau de Montréal de PwC.
Le fait que nombre de grandes entreprises comptent des employés à l'international et des travailleurs étrangers au Canada complexifie la gestion de la paie et des multiples règlements qui y sont associés, ajoute-t-elle.
De plus, les employés veulent accéder à leurs données en tout temps à partir de leur tablette ou de leur téléphone, ce qui engendre des besoins en matière de sécurité des données. Sans parler de la nécessité de suivre l'évolution rapide des outils technologiques dans le domaine.
La demande est donc plus forte pour de grands acteurs canadiens comme ADP et CGI ou les cabinets comptables comme PwC, ainsi que pour des institutions comme Desjardins.
«Il y a cinq ans, moins du quart des entreprises québécoises faisaient affaire avec des fournisseurs externes pour la paie, soutient Michel Préfontaine, vice-président, services spécialisés, chez Desjardins. Aujourd'hui, près de 28 % des entreprises ont recours à des traiteurs de paie comme nous, ADP ou Ceridian.»
Pour Desjardins, cela s'est traduit par une augmentation de 37 % sur cinq ans, soit environ 3 000 clients de plus par année. «Les entreprises veulent se concentrer sur le coeur de leur métier et laissent des spécialistes s'occuper de la paie», précise M. Préfontaine.