Pour déployer leur stratégie à court et à long terme, les entreprises doivent s’assurer d’avoir aux commandes des joueurs clés. Comment combler les postes vacants? Comment cultiver le talent? Plan gagnant en trois étapes.
Auteurs: Alan Bird, Lori Flees et Paul DiPaola, Business Strategy Review
«Est-ce que mes postes clés sont comblés par les bons joueurs?» Voilà une question que se pose tout bon PDG. La réponse exige en général de s’atteler à une tâche essentielle même si elle semble longue et complexe: s’assurer que chacun des postes de direction est occupé par la bonne personne. Bâtir une entreprise riche en compétences est un processus qui s’étale sur plusieurs années, mais qui donne des résultats immédiats. Pour y arriver, trois étapes sont déterminantes.
> Premièrement, quantifier les besoins: Dans plusieurs entreprises, la direction ne connaît pas l’état des compétences de ses gestionnaires. Une analyse rigoureuse des besoins est cruciale. Et il ne faut pas la confier uniquement au service des ressources humaines: le PDG et le conseil d’administration doivent également y participer.
> Deuxièmenent, assigner les leaders en place aux postes qui leur conviennent : Qui sont les employés les plus performants? Occupent-ils les postes où ils sont le plus efficaces? Ces questions sont sans réponse dans trop d’entreprises. Or, surtout en période de ralentissement économique, ne pas assigner les personnes les plus compétentes aux postes où elles peuvent réellement donner le meilleur d’elles-mêmes constitue un sérieux handicap.
> Troisièrement, réduire les exigences en matière de compétences: Cette étape est souvent négligée, tout simplement parce que les directions d’entreprise ont d’abord en tête qu’elles doivent trouver des candidats. Pourtant, il suffit parfois de simplifier la structure de direction et de redéfinir chaque poste pour mieux utiliser les cadres déjà en place et réduire les coûts d’exploitation.###
Voyons ces trois étapes plus en détail.
Étape 1: Quantifier les besoins: Objectif: connaître l’écart entre l’offre et la demande de leaders afin d’anticiper les pénuries. Cela exige de tracer le portrait de la situation existante et de prévoir les transformations susceptibles de se produire dans les mois et les années à venir.
Pour ce qui est de l’offre, les premières questions que vous devez vous poser sont élémentaires: Combien de leaders avez-vous? Quel est le taux de recrutement et de promotion dans l’entreprise? Quel est le niveau d’attrition (que les réductions d’effectifs soient souhaitées ou non)? Quels facteurs influenceront les taux de recrutement, de promotion et d’attrition dans un avenir prévisible? (Par exemple, quand une période de déclin économique s’étire, une retraite précoce est moins attirante.) Vous pouvez faire cette analyse par région, par unité d’entreprise et par domaine de capacité. Vous aurez ainsi de précieuses données pour faire ou valider vos prévisions en matière de compétences, et vous verrez immédiatement où sont les goulots d’étranglement qui exigent une attention immédiate.
Faites ensuite une analyse similaire en ce qui a trait à la demande. À quoi ressemblera l’entreprise dans un, trois, cinq ans? De combien de leaders aurez-vous besoin dans chaque unité, région, domaine de capacité, et quels types de compétences ces leaders devront-ils avoir?
Pour voir où les besoins seront les plus criants, il suffit de comparer les prévisions en matière d’offre et de demande. Par exemple, une entreprise pourrait découvrir que, durant les deux ou trois années à venir, certaines unités ou régions devraient poursuivre leur croissance, ce qui nécessitera davantage de compétences que d’autres, plus stables, pourraient leur fournir.
Pour bien évaluer l’offre et la demande, on doit d’abord bien comprendre la stratégie de l’entreprise. Sinon, ce serait comme rassembler des musiciens pour former un groupe sans avoir décidé de son répertoire... Si vos marchés évoluent rapidement, vous devrez peut-être bientôt embaucher des personnes ayant des compétences que vos employés actuels n’ont pas. Un exemple: dans le domaine des télécommunications sans fil, on est passé de la transmission de la voix à la transmission de vidéo et de données; les entreprises commencent donc à recruter des gens qui ont de l’expérience dans les médias. Et comme leur infrastructure dépend plus que jamais de logiciels privés, elles ont de plus en plus besoin d’ingénieurs en logiciels qui ont de l’expérience dans le domaine de la propriété intellectuelle.
Une autre tâche importante est l’analyse des besoins en leadership en lien avec de possibles changements. Prenons l’exemple d’une entreprise minière sud-africaine qui a dû rapidement optimiser à la fois ses opérations et son bilan en matière de sécurité; elle avait pour réaliser ce redressement un besoin crucial de directeurs de mine, d’ingénieurs et de spécialistes. Précisons que cette entreprise s’était engagée à embaucher au moins 40% de son personnel en Afrique du Sud, parmi la population traditionnellement désavantagée. Dans ce contexte, l’entreprise a d’abord défini en quoi consistaient les différents postes de direction pour bien établir les compétences requises. Elle a ensuite évalué la banque des gestionnaires en place ou potentiels, et tracé le portrait de leur avancement possible. Résultat: elle avait, d’un côté, les leaders (en place et en devenir) et leurs forces et, de l’autre, les postes critiques à combler (et leurs exigences). Il s’agissait ensuite de voir comment faire coïncider les deux listes.
La qualité des processus d’évaluation des compétences est une autre aspect à considérer pour bien quantifier les besoins. Il faut évaluer le nombre de postes comblés grâce au recrutement externe, le degré de rétention de ces employés, le taux de promotion par postes et par niveaux, puis mesurer le rendement par services et par postes, le taux de départs par niveaux et par postes, etc. L’analyse de ces données procure une information essentielle sur les forces et les faiblesses des processus qui permettent à une entreprise de se doter des leaders dont elle a besoin. Fréquemment, les cadres se posent des questions comme: Notre travail de recrutement nous fait-il embaucher des gens qui ont des chances de promotion moyennes ou faibles? Dans quel secteur retrouve-t-on le plus grand nombre d’employés moins performants? Pourquoi n’avons-nous pas accordé plus de promotions à davantage d’employés qui excellent? De bonnes analyses dans ce domaine mettent en évidence diverses lacunes par fonction, par niveau et par année, dont des manques en matière de compétences et de rendement, les postes vacants et les problèmes de recrutement (par exemple un nombre insuffisant de cadres supérieurs et intermédiaires).
Obtenir un portrait aussi détaillé a souvent l’effet d’une révélation sur les membres de la direction; l’ampleur du défi devient alors on ne peut plus clair, et ils réalisent qu’ils ne pourront remplir leurs engagements à moins d’attaquer le problème de front — et immédiatement. Chez Motorola, il y a quelques années, une analyse a révélé qu’elle manquerait éventuellement de cadres intermédiaires et supérieurs; l’entreprise a alors accentué le recrutement et a aussi consacré plus d’efforts à la formation et à la rétention de ses cadres.
Étape 2: Assigner les leaders actuels aux postes qui leur conviennent: Quand on demande aux PDG combien de postes cruciaux, dans leur entreprise, sont occupés par des cadres qu’ils considèrent comme les plus performants, plusieurs ont de la difficulté à répondre. Préoccupant! Pire encore, ceux qui le font révèlent souvent des contradictions inquiétantes: la plupart des postes essentiels sont occupés par des personnes dont le rendement est moyen ou même faible, alors que plusieurs employés très performants occupent des postes moins stratégiques. Une enquête effectuée en 2008 confirme cette tendance: sur 760 entreprises réparties dans plusieurs régions géographiques, moins de 25% des répondants se sont dits fortement en accord avec l’énoncé «nos meilleurs employés occupent les postes où ils ajoutent le plus de valeur».
Vous ne voulez pas tomber dans ce piège? Voici trois pistes d’action qui vous assureront de confier les postes clés aux cadres les plus performants:
1. Déterminer les postes stratégiques.
2. Mettre en place un système d’évaluation des employés.
3. Assurer une bonne distribution des rôles.
Reprenons. D’abord, il faut établir quels sont les postes qui ont le plus d’impact sur les résultats de l’entreprise, à quels postes des employés très performants, par rapport à des employés au rendement moyen, auront le plus d’impact. En fait, ces postes sont souvent sur la «ligne de front» et dans un secteur (finances, ventes, opérations...) qui dépend des priorités stratégiques de l’entreprise. Par exemple, quand l’entreprise de transport de marchandises Maersk Line a accru ses activités en Chine, elle a eu recours à quatre critères pour déterminer les postes essentiels: l’impact financier du poste, son degré de complexité, son influence sur les relations avec les clients majeurs et son effet sur le développement des futurs cadres. Maersk a aussi décidé où elle prévoyait prendre de l’expansion, et donc établi les compétences nécessaires pour réaliser cette stratégie. Plusieurs postes cruciaux étaient en lien avec la logistique interne (transporter des marchandises à partir de centres économiques de l’ouest du pays vers des ports du sud et de l’est), certains impliquaient la gestion des ports fluviaux et d’autres, l’établissement de partenariats avec des entreprises de transport chinoises.
Bien sûr, la nature des postes cruciaux peut changer selon les phases de l’économie, ou encore quand de nouveaux concurrents émergent. En 2007, dans la plupart des entreprises, ces postes étaient liés à la mise en place de stratégies de croissance; en 2009, le soutien des activités principales est devenu la priorité. Dans certaines entreprises, les mêmes cadres sont responsables de ces deux types d’activités et, dans d’autres, les compétences requises pour faire croître l’entreprise ou la gérer pendant un ralentissement économique sont différentes. Les directions doivent en être conscientes et s’assurer que les leaders les plus compétents occupent les postes où ils pourront rapidement améliorer la situation.
Ensuite, il faut un système réaliste et rigoureux d’évaluation des employés. Quel est le rendement de chacun? Quel est son potentiel? Les entreprises ont besoin de gens ayant des compétences en leadership et en gestion (des profits et pertes, par exemple), de même que des aptitudes techniques. Il est rare qu’un individu possède d’excellentes compétences dans ces trois domaines; l’important est de connaître les forces de chacun. Il importe également de s’assurer que le travail de chaque cadre est en accord avec les valeurs et la culture de l’entreprise. À la fin de sa carrière à General Electric (GE), Jack Welch a fait une déclaration fracassante: «Que les cadres atteignent leurs objectifs n’est pas suffisant; ils doivent aussi vivre les valeurs de GE.»
Pour répondre aux questions qui précèdent, un processus efficace de gestion du rendement est nécessaire, ce qui implique qu’il soit appuyé par des conséquences concrètes. Quand un employé obtient une excellente évaluation, si les effets sont clairs — mentorat, promotion, boni ou augmentation de salaire, mise en place de conditions pour favoriser la rétention, etc. —, alors la direction et l’ensemble du personnel prendront l’évaluation au sérieux. On préférera des évaluations en personne, menées au moment approprié et selon des standards élevés; on ne prendra pas à la légère l’échelle d’évaluation — on accordera par exemple 3 sur 5 à un employé au rendement moyen, et non 4 sur 5. L’évaluation provoquera un meilleur rendement, et un meilleur rendement renforcera la perception que les effets concrets de l’évaluation sont équitables. Si les évaluations sont sans suites véritables, tout le monde les considérera comme des paroles en l’air.
La compagnie minière sud-africaine déjà citée a revu ses pratiques de gestion du rendement. Au début, 80% des employés obtenaient un résultat au-dessus de la moyenne. Cela était plutôt curieux, puisque le rendement de l’entreprise était médiocre! Les cadres supérieurs ne savaient pas qui étaient les employés les plus performants ni quelles étaient les forces de ces derniers; seulement 29% des postes cruciaux étaient occupés par des employés considérés comme les plus performants. La direction a réagi: fini les évaluations bidon et l’absence de conséquences. Dès lors, les employés les plus performants ont bénéficié de généreuses augmentations de salaire et se sont vu offrir des possibilités de promotion avec formation à la clé; ceux dont l’évaluation était plus faible ont reçu de la formation ou ont dû changer de poste. Grâce au solide appui du PDG, les cadres ont pu mettre en place le nouveau système rapidement.
Enfin, une fois les postes cruciaux clairement définis et le système d’évaluation des employés bien établi, il faut jouer à la chaise musicale. La direction fait alors souvent face à des situations délicates: Comment muter un employé vedette? Comment concilier les attentes de l’entreprise envers un cadre et les exigences géographiques de celui-ci? Comment harmoniser les compensations des cadres qui travaillent au pays et celles de ceux qui doivent s’expatrier? Beaucoup a été écrit sur le sujet, mais les réponses originales imaginées par certaines entreprises méritent qu’on s’y attarde.
Considérons d’abord la responsabilité de l’affectation: qui décide? Dans plusieurs organisations, on applique le principe suivant: les cadres les plus performants sont considérés comme des ressources disponibles au plus haut niveau — c’est donc le siège social qui gère leur carrière. Chez le géant de la brasserie SAB Miller, par contre, on a choisi une approche différente: ce sont les unités d’affaires, dans chaque pays, qui sont «propriétaires des compétences»; le directeur principal d’un pays a donc le dernier mot sur les affectations des employés issus de ce pays. En contrepartie, le siège social évalue rigoureusement les décisions de ses directeurs principaux: encouragent-ils les meilleurs talents et placent-ils les gestionnaires les plus performants aux postes qui appuient les objectifs de l’entreprise ou sont-ils des «consommateurs nets» de talents? Bien qu’ils aient une bonne marge de manœuvre, les directeurs principaux doivent cependant gérer les compétences en fonction des objectifs généraux de l’entreprise.
Voyons ensuite comment des leaders performants peuvent trouver un équilibre entre leurs propres intérêts et ceux de l’entreprise. Schlumberger, une entreprise de services pétroliers, utilise une approche originale. Elle a créé une base de données sur mesure, appelée «Career Networking Profiles», qui lui permet de jumeler les intérêts et les compétences des leaders de la relève aux besoins de l’entreprise. Elle encourage les ingénieurs et les employés très performants à changer régulièrement de poste. Les ingénieurs et les cadres de Schlumberger savent, quand ils signent leur contrat, qu’ils auront à travailler loin de leur domicile et dans des conditions parfois difficiles. Mais comme l’entreprise permet à ses employés de planifier leur carrière, une personne peut par exemple exiger de ne pas être assignée à l’étranger avant trois ou quatre ans parce que ses enfants sont jeunes; une fois ce temps écoulé, l’entreprise sait par contre qu’elle peut compter sur cet employé pour occuper un poste dans une nouvelle région.
En gérant étroitement l’assignation des cadres, l’équipe de direction peut prendre plus de risques quand elle mise sur la relève. Elle peut accorder des promotions plus tôt et des postes à plus long terme. Elle peut aussi offrir du mentorat ou du coaching plus efficace grâce à la collaboration de cadres de plus haut niveau. Quand une entreprise réalise qu’elle aura besoin de relève à court terme, les cadres supérieurs peuvent concevoir un programme de formation accélérée et muter des employés performants à des postes clés pour assurer à l’entreprise qu’elle ne souffrira pas d’une pénurie de leaders.
Étape 3: Réduire les exigences en matière de compétences: Face à une pénurie de cadres, la solution la plus courante est d’intensifier le travail de recrutement en créant notamment des liens plus solides avec les établissements d’enseignement. Une entreprise peut aussi organiser une campagne de recrutement intensive pour un poste crucial ou pour un poste vacant depuis longtemps et qu’aucun candidat à l’interne ne peut remplir; quelques activités de recrutement bien orchestrées peuvent alors donner de bons résultats. Toutefois, s’il est essentiel pour assurer la relève, le recrutement n’apporte généralement pas de résultats durables avant deux ou trois ans. L‘entreprise doit donc recourir à une autre approche, souvent négligée: réduire ses exigences en matière de compétences. Comment? En réorganisant sa structure et ses opérations, qui, avec le temps, ont tendance à se complexifier. Ce faisant, elle s’assure que certains cadres déjà en place comblent un certain nombre de postes et elle diminue d’autant le nombre de cadres de haut niveau et de spécialistes techniques dont elle a besoin. En prime, ces mesures contribuent à augmenter la productivité.
Réduire la complexité organisationnelle peut se faire sur tous les fronts: en analysant l’étendue des responsabilités et les niveaux de gestion à partir des standards de l’industrie; en rationalisant en matière de prise de décisions, par exemple en éliminant les structures régionales là où c’est possible; en simplifiant les services administratifs. Une entreprise prête à augmenter son niveau de risque haussera le montant des projets d’investissement qui passent sous la loupe de la haute direction: supposons, par exemple, qu’une analyse et un rapport détaillés sont exigés pour tout projet de plus de 20 millions de dollars; si ce seuil grimpe à 50 millions, le nombre de projets nécessitant que plusieurs cadres et spécialistes dépensent du temps et de l’énergie pour en faire l’évaluation diminuera, et ces gestionnaires pourront consacrer leur temps à autre chose. Simplifier l’organisation réduit les coûts, accroît la productivité et augmente aussi la rétention du personnel, les employés se rendant compte qu’eux-mêmes sont plus efficaces.
Souvent, les entreprises augmentent les responsabilités associées à un poste parce que les dirigeants croient qu’il s’agit là d’une bonne façon de stimuler leurs gestionnaires. La réalité les contredit pourtant, comme le montre une étude portant sur deux chaînes de magasins de produits électroniques. Dans la première entreprise, les gérants de magasin étaient rois et maîtres; ils pouvaient choisir leurs produits et différents outils de fonctionnement (comme les systèmes de technologies de l’information), concevoir l’affichage en magasin et ainsi de suite. Dans la seconde entreprise, les gérants fonctionnaient selon des normes très strictes: «Voici votre modèle d’affaires, voici à quoi votre magasin doit ressembler, voici les produits que vous devez vendre et les outils à utiliser; maintenant, organisez-vous pour satisfaire les clients et faire le plus de profits possible.»
Qui était le plus satisfait? Étonnamment, les gérants de la deuxième chaîne, lesquels estimaient avoir plus de pouvoir que ceux de la première. Contrairement aux gestionnaires de la première chaîne, qui éparpillaient leurs efforts et se sentaient frustrés, ceux de la deuxième chaîne avaient le temps et l’énergie nécessaires pour s’acquitter de leurs tâches les plus importantes: s’occuper des clients et des employés. De plus, la direction de la deuxième chaîne, en simplifiant le travail des gérants, avait avantageusement réduit l’envergure du poste: les gérants pouvaient déployer certaines compétences spécifiques sans avoir à gérer tous les aspects d’une entreprise.
Il existe d’autres moyens de réduire la complexité organisationnelle. Dans l’entreprise minière sud-africaine citée précédemment, les responsables de chaque mine avaient habituellement le titre de «directeur d’unité d’affaires», et leurs responsabilités allaient bien au-delà des compétences liées au domaine minier puisqu’ils devaient travailler avec les collectivités et gérer les logements des travailleurs… et même des hôpitaux! Quand, par la suite, l’entreprise leur a fourni du personnel pour s’occuper de ces aspects du travail, ils se sont concentrés sur les tâches pour lesquelles leurs compétences étaient indispensables.
L’entreprise a également modifié ses standards d’exploitation. Auparavant, chaque mine et usine de transformation avait ses propres façons de travailler, ses systèmes techniques, ses équipements, ses standards de rendement, etc. Un directeur qui était transféré dans une autre unité devait posséder de vastes compétences et beaucoup d’expérience simplement pour se mettre à niveau. La direction a réalisé qu’harmoniser toutes ces normes accroîtrait la productivité. Se basant sur le modèle des franchises dans l’industrie du détail et des services, elle a tout standardisé, de façon à ce qu’un directeur muté dans une nouvelle mine puisse être immédiatement efficace. Pour éviter la bureaucratie qui accompagne souvent ce genre de normes, l’entreprise a demandé aux directeurs de participer à l’élaboration de celles-ci.
Ce processus a eu un double effet sur la pénurie de personnel de direction. D’abord, le poste de directeur nécessitait de moins vastes compétences, et les candidats étaient donc plus nombreux; ensuite, les cadres les plus compétents pouvaient désormais occuper des postes plus stratégiques. À la suite de ces changements, le rendement des directeurs a connu une hausse allant jusqu’à 20%.
Un grand écart à combler
Réduire, voire combler, la pénurie de personnel dans une entreprise requiert le plus souvent de 6 à 18 mois. La reprise économique procure une occasion unique de combler la pénurie de ressources. En effet, les leaders d’expérience cherchent souvent à changer de poste lorsque les perturbations économiques s’amenuisent. Bien entendu, les entreprises ne peuvent pas viser l’amélioration de leurs ressources en se bornant à suivre quelques étapes faciles. Les étapes que nous avons présentées précédemment ne suffiront pas à elles seules à résoudre tous les problèmes. Il importe que les équipes de direction mettent en place des mesures à long terme favorisant l’embauche de nouvelles recrues et faisant en sorte que l’entreprise soit attrayante pour des employés résolus à donner le meilleur d’eux-mêmes. Cela dit, un programme à court terme est également susceptible d’avoir un impact considérable. Par exemple, le diagnostic de l’entreprise révèle quelquefois des enjeux sur lesquels il importera de se pencher à long terme. Sans compter que la mise en place des étapes énumérées plus tôt est à même de signifier aux membres de l’organisation que les temps changent.
Bien que la plupart des entreprises saisissent les enjeux reliés au manque de personnel, elles ont du mal à en parler ouvertement. Or, le seul fait de le faire est libérateur, permettant à chacun de se concentrer sur cette tâche si essentielle pour les entreprises aujourd’hui.
Ainsi dotée d’un plan de recrutement de personnel aussi ambitieux que son plan d’affaires, une entreprise multipliera ses chances de succès. Qui plus est, chaque dirigeant devrait s’assurer que tous les employés — embauchés depuis longtemps ou nouvellement recrutés —, de même que les nouvelles aptitudes qui sont déployées dans l’entreprise, contribuent activement à faire de cette dernière une concurrente redoutable dans son secteur d’activité.