François Dandenault, fondateur de Retec, une entreprise qui a mis au point une technologie révolutionnaire pour remplacer les emballages alimentaires difficiles à recycler, est l'archétype de l'entrepreneur-inventeur. Ses découvertes, protégées par sept brevets, ont toutes été mises au point à l'intérieur de ses labos. Jusqu'à récemment, il ne fallait pas lui parler de collaboration externe pour la R-D. " L'entreprise était petite. J'avais peur de partager mes idées et de me les faire voler ", dit-il.
La découverte, l'an dernier, d'un nouveau procédé pour remplacer la cire servant à imperméabiliser les emballages alimentaires, rendant du même coup ces cartons recyclables, l'a fait changer d'idée. Cette technologie, qui promet de nombreuses applications dans plusieurs secteurs de l'industrie, a devant elle un marché immense. Trop gros pour la PME de Granby. "
Jusqu'à présent, j'ai fait beaucoup avec peu. Désormais, j'ai décidé que je ne ferais plus de recherche en vase clos, mais avec des partenaires stratégiques. L'association avec des centres de transfert de technologie et certaines universités nous permettra d'accélérer le processus de développement d'autres produits et de réduire les coûts ", indique l'entrepreneur.
Beaucoup de petites entreprises effectuent leur R-D en circuit fermé, se privant ainsi de collaborations qui pourraient les aider à éviter les erreurs coûteuses et à accélérer le processus d'innovation, observe Jérôme Samson, président de Genimax, une firme spécialisée en transfert technologique. Les raisons ? Souvent la peur de perdre la propriété intellectuelle ou l'impression qu'il est très compliqué de s'associer avec une université pour faire de la recherche.
Pas de vaccin contre le NIH
Le syndrome du NIH (Not Invented Here), une notion qui concerne le refus d'adopter une idée ou un produit pour la seule raison qu'il ne vient pas de chez nous, est répandu chez les PME. " L'entreprise veut tout développer à l'interne. Elle compte sur son potentiel d'attraction pour attirer des cerveaux, dit M. Samson. Parfois, cela contribue à ralentir le processus d'innovation."Les PME sont les plus réticentes à utiliser l'innovation ouverte, pourtant ce sont elles qui en auraient le plus besoin, car elles ne possèdent pas toutes les compétences à l'interne pour innover. En outre, elles ont souvent des besoins à très court terme et des ressources financières limitées.
" L'innovation ouverte permet d'aller chercher des connaissances chez les partenaires d'autres domaines, fournisseurs, clients, universités, pôles de recherche, institutions publiques ou privées, et ensuite de les combiner avec ses connaissances internes ", indique Mickaël Gardoni, directeur du programme en gestion de l'innovation à l'École de technologie supérieure (ETS). Ce modèle peut servir à compenser des faiblesses dans l'entreprise, par exemple une lacune en matière de propriété intellectuelle ou de commercialisation, et prendre diverses formes : partage de moyens, de risques, de bénéfices, etc.
Des modèles artisanaux
La démarche peut être aussi simple que l'embauche d'un stagiaire en ingénierie, qui pourra lancer le processus d'innovation dans l'entreprise sans être perçu comme une menace par les autres employés. " Cela permet de débuter de petits projets, d'aller chercher les premiers fonds publics. Des centaines de petites entreprises utilisent ce moyen pour commencer à faire de la R-D ", signale Robert Dumontet, directeur du Centech, un incubateur d'entreprises pour les diplômés de l'ETS.
L'innovation ouverte est indiquée quand on veut développer, à partir d'une même invention, plusieurs applications destinées à des marchés différents, dit M. Samson. Elle permet d'intégrer plus facilement du capital de risque et de réduire les coûts de développement de produit.
Le hic : " Les modèles d'innovation ouverte sont encore plutôt artisanaux et reposent beaucoup sur le savoir-faire, les occasions et parfois aussi le hasard de rencontres fructueuses lors d'activités de réseautage ", note M. Gardoni. Il n'y a donc pas de recette à suivre. Là encore, plus que jamais, les entrepreneurs devront se fier à leur instinct et au lien de confiance établi avec leurs partenaires.