Chez SécuriGroupe, le meilleur vendeur a 76 ans ! L'idée d'embaucher du personnel d'expérience allait de soi pour ce cabinet de services financiers qui cible les plus de 50 ans pour combler ses postes vacants.
"Comme nous sommes spécialisés auprès des 50 ans et plus, nos clients apprécient le fait d'être servi par des gens qui comprennent leurs besoins", indique Johanne Murphy, présidente de l'entreprise qui compte 60 % de baby-boomers dans ses rangs.
Le domaine des assurances n'est pas le seul domaine qui apprécie l'expérience des boomers. Plusieurs secteurs offrants des emplois saisonniers ou flexibles les recrutent également, comme l'horticulture. Depuis six ans, HortiCompétences embauche des têtes grises aux pouces verts pour son programme de jumelage avec des centres de jardinerie.
"Plusieurs d'entre eux sont passionnés par les plantes et ils ont toujours jardiné. Nous leur offrons une formation de trois jours, notamment sur le service à la clientèle. Ils sont ensuite intégrés en entreprise comme conseiller pendant une saison", indique Catherine Lamothe, chargée de projet.
Snowbirds demandés
Travailler quelques mois par année est une formule gagnante pour les personnes qui veulent combiner travail et retraite, estime le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT). "Pour ceux qui n'ont pas nécessairement besoin de gagner leur vie et qui cherchent à avoir du plaisir au travail, cela peut être une option intéressante", indique Adèle Girard, directrice générale.
Il y a six ans, un projet pilote a vu le jour dans les bureaux d'information touristique des Cantons-de-l'Est afin d'intégrer des travailleurs au mitan de leur vie. "Pour les 10 postes offerts, nous avons reçu 300 CV", raconte Mme Girard. L'initiative a permis d'ouvrir les bureaux plus longtemps en automne, alors que les étudiants sont de retour sur les bancs de l'école, mais aussi d'aller chercher des personnes connaissant bien leur région.
Le mélange générationnel a réussi. "Les personnes plus âgées, excellentes au service à la clientèle, ont servi de modèle aux plus jeunes, tandis que ces derniers leur ont montré comment utiliser Internet et les technologies au travail", ajoute Mme Girard. Ce projet pilote est désormais inscrit dans les pratiques courantes.
Selon Mme Girard, cette formule de retraités saisonniers fera des petits au cours des prochaines années. "Il y aura toujours des étudiants dans notre domaine, mais il faut penser autrement. Je crois que dans 20 ans, les travailleurs saisonniers seront des retraités et les patrons auront dans la trentaine", ajoute-t-elle.
De la dactylo à Twitter!
En raison de leur grande expérience, les baby-boomers constituent des atouts en entreprise, fait valoir Lucie Dubé, coordonnatrice des services professionnels à l'Association Midi-Quarante. "Les baby-boomers cherchent la stabilité. Ils sont à l'âge où ils ont fait leur preuve et sont souvent très engagés dans l'entreprise." Ils sont ponctuels, responsables et efficaces, ajoute-t-elle.
Midi-Quarante, spécialisée en transition et gestion de carrière pour les Lavallois de plus de 40 ans, reçoit en moyenne 600 offres d'emploi par an. "Malgré tout, les travailleurs plus âgés mettent plus de temps pour trouver du travail", constate Mme Dubé.
Même si on engage davantage de 50 ans et plus, certains employeurs sont réticents à l'idée d'embaucher du personnel au dernier tiers de leur carrière, indique-t-elle. "Plusieurs préjugés persistent. Par exemple, les employeurs craignent qu'ils ne soient pas capables de suivre les changements. Pourtant, s'il y a une génération qui s'est adaptée, c'est bien celle des baby- boomers. Ils sont passés de la dactylo à Twitter !"
"En raison des changements démographiques, l'emploi des travailleurs d'expérience devient une nécessité dans les organisations", indique Julye Vézina, présidente du site 45plusjob.com.
Gagne-pain ou passe-temps ?
De plus, à partir d'un certain âge, leur façon de voir le travail change. "Plusieurs sont prêts à diminuer de salaire pour gagner en qualité de vie ou pour s'offrir un second départ", estime Mme Dubé. Cela explique l'intérêt croissant des commerces de détail pour ces travailleurs, un secteur qui en embauche beaucoup, selon le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale (MESS). Si Rona a été un précurseur en la matière, plusieurs l'ont imitée, dont Tim Hortons et McDonald's.
Mais, attention, les retraités ne sont pas confinés aux emplois peu qualifiés, sous- payés. En effet, selon Midi-Quarante, 67 % de ceux qui ont trouvé du boulot ont obtenu un salaire égal ou plus élevé qu'avant. "Plusieurs choisissent de se lancer en affaires, ajoute Mme Dubé, comme cet ancien professeur." Une voie que plusieurs n'hésitent pas à emprunter, confirme Normand Roy, directeur de l'analyse et de l'information sur le marché du travail au MESS.
Le secteur des services compte sur un nombre croissant de travailleurs plus âgés, selon M. Roy. D'ailleurs, parmi les employeurs qui recrutent sur 45plusjob.com, il y a de grands groupes, comme Axa et SécuriGroupe. "Ils ont un savoir-être, une expérience qui leur permettent d'être excellents dans les relations avec la clientèle", dit Mme Vézina.