La récente suggestion d'une société rivale du Groupe CGI de demander à ses employés les plus âgés aux Pays-Bas d'accepter une réduction de leurs salaires dans le cadre de coupes budgétaires a touché une corde sensible dans un pays où le taux de chômage est en hausse et où l'économie ralentit.
Les syndicats considèrent en effet cette proposition comme une atteinte à un droit fondamental voulant que les employés les plus âgés doivent être payés plus au vu de leur expérience tandis que les employeurs la voient comme un moyen d'éviter des licenciements en masse par ces temps de crise économique.
Le débat s'est ouvert en janvier lorsque le directeur de la filiale néerlandaise du groupe de conseil informatique Capgemini, Jeroen Versteeg, a indiqué envisager de «calibrer» le salaire des 5000 employés de la société française aux Pays-Bas afin qu'ils correspondent à leur valeur sur le marché du travail et à leur productivité.
«Par le passé, cette branche a toujours eu de bons résultats, accompagnés de salaires mirobolants», a-t-il déclaré dans les pages du quotidien économique néerlandais Financieele Dagblad (FD) : «mais le marché a changé et nous devons nous adapter».
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Selon M. Versteeg, les honoraires demandés dans le secteur des technologies de l'information et de la communication ont diminué de moitié depuis le début de la crise. Le FD rapporte qu'en conséquence, la société Capgemini demandera à 400 employés dont elle pense qu'ils gagnent de trop, de revoir volontairement leurs salaires à la baisse, jusqu'à 10%.
Contactée par l'AFP, la société dément tout lien avec l'âge des employés, mais la porte-parole Madelon Kaspers souligne : «c'est une question d'équilibre entre la valeur sur le marché (du travail, ndlr) et sa rémunération».
Réduire les salaires plutôt que de licencier
Elle soutient notamment que le salaire d'une personne de 23 ans au début de sa carrière ne sera «vraisemblablement pas déséquilibré» par rapport à la productivité de l'employé. «Pour une personne de 35 ou 45 ans, cela pourrait très bien être le cas».
Mme Kaspers soutient que la proposition est vue comme une alternative à des licenciements massifs «socialement indésirables». La porte-parole a indiqué que, selon la loi néerlandaise, un employeur ne peut forcer ses employés à accepter des réductions salariales.
Les employés refusant des coupes salariales se verront proposer des formations afin que leurs compétences correspondent à leurs salaires, mais dans ce cas, assure Mme Kaspers, «au vu de la situation économique actuelle, il est impossible de garantir des emplois».
Aux Pays-Bas, tout comme en France et en Belgique, l'augmentation des salaires en fonction de l'ancienneté est vue comme sacro-sainte. Mais le vieillissement de la population active à travers le monde rend ce système de plus en plus coûteux, assure l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) dans un rapport publié en 2011.
En 1966, la moyenne d'âge de la population active des pays industrialisés était de 34 ans. En 2011, la moyenne était de 40 ans, et elle sera de 42 ans en 2050, selon l'OCDE.
«Il n'est pas possible pour les employeurs de payer à un nombre croissant d'employés plus âgés un salaire disproportionné en termes de productivité», assure l'OCDE dans son rapport.
Selon une récente étude universitaire néerlandaise qui a étudié la situation dans plusieurs pays européens : «à part au Royaume-Uni, les employeurs ne rétrogradent pas les travailleurs plus âgés pour équilibrer salaires et productivité».
La proposition de Capgemini n'est pourtant pas nouvelle aux Pays-Bas, où le taux de chômage atteignait 7,2% en décembre, en hausse constante depuis juin 2011 (5%).
En 1996 déjà, le Bureau central du Plan, dont les prévisions sont utilisées par le gouvernement pour la confection du budget, avait assuré que les salaires de certains Néerlandais étaient disproportionnés par rapport à la productivité de leurs récipiendaires.
En 2011, le ministre des Affaires sociales avait suggéré que les salaires des travailleurs plus âgés "soient ré-examinés", provoquant l'ire des syndicats, tout comme la proposition de Capgemini.
«Le débat autour de la proposition de Capgemini (...) illustre à quel point la question de la position des travailleurs plus âgés sur le marché du travail est sensible», assure à l'AFP Paul de Beer, professeur en relations du travail à l'université d'Amsterdam.
D'autres multinationales opérant aux Pays-Bas n'ont pas commenté l'idée de Capgemini alors que l'économie néerlandaise ne devrait pas connaître de reprise avant 2014.