Au Canada, les femmes occupent aujourd'hui seulement 29% des postes de cadre supérieur, alors même qu'elles constituent 47% de la main-d'œuvre. Et ce premier pourcentage n'a crû que de 6 points depuis 1987. Tel est ce qui ressort de l'étude Progress in inches miles to go: A benchmarking study of women's leadership in Canada cosigné par Deloitte et le Centre for Women in Politics and Public Leadership de l'Université Carleton.
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Dans le secteur privé, des différences majeures apparaissent en fonction des secteurs économiques. Par exemple, les femmes occupent seulement 20,3% des postes de cadre supérieur dans le secteur de la finance, alors qu'elles représentent 61,6% de la main-d'œuvre ; la progression a été de presque 10 points de pourcentage en l'espace d'un quart de siècle. Autre exemple : dans les agences immobilières, elles n'occupent plus que 6,1% des postes de cadre supérieur (-18,6 points de pourcentage depuis 1987), alors qu'elles forment 43,7% de la main-d'œuvre. Il y a donc «toujours une nette sous-représentation des femmes aux postes de direction», comme le soulignent les auteures de l'étude, Pauline Rankin et Jennifer Stewart, toutes deux professeures à l'Université Carleton.
Dans quelle mesure les femmes sont-elles désavantagées, au juste? Les deux chercheuses ont scruté à la loupe les données du Labour Force Survey (LFS), et ont ainsi trouvé que, de manière générale, les hommes ont aujourd'hui 70% plus de chances d'être promus à un poste de cadre supérieur que les femmes. En 1987, ils avaient alors deux fois plus de chances qu'elles.
Là encore, des différences majeures existent entre les secteurs économiques. Ainsi, dans la finance, un homme a six fois plus de chances de décrocher un poste de cadre supérieur qu'une femme ; dans le commerce de détail et de gros, il a quatre fois plus de chances ; ou encore dans les services, il a deux fois plus de chances.
En fait, les femmes réussissent mieux dans les secteurs public et sans but lucratif que dans le secteur privé. Elles détiennent 43 % des postes de haute direction dans l'administration publique, soit une hausse de 35 points de pourcentage par rapport à 1987. Par exemple, un tiers des juges sont aujourd'hui des femmes. Et dans le secteur des organismes sans but lucratif, les femmes occupent maintenant 40% des postes de haute direction.
Comment expliquer un tel phénomène? Une partie de l'explication provient, selon Mmes Rankin et Stewart, du cursus universitaire suivi par les femmes. En effet, s'il y a de nos jours plus de femmes diplômées que d'hommes, elles le sont surtout dans des filières qui mènent davantage au public qu'au privé. Les femmes diplômées le sont davantage que les hommes dans, entre autres, l'éducation, les lettres, la santé et les sciences humaines – qui débouchent souvent dans des postes du secteur public. Et elles le sont moins dans, entre autres, la finance, le management, la gestion des affaires et les sciences mathématiques – qui, eux, débouchent souvent dans des postes du secteur privé.
Ce n'est pas tout! Les deux professeures de l'Université Carleton soulignent également que les femmes ont des barrières à franchir auxquelles ne sont pas confrontés les hommes, comme le montrait l'étude Corporate gender gap report 2010 du Forum économique mondial. Les cinq principales barrières sont, sachant qu'une note de 1 correspond à un enjeu peu problématique et 5, un enjeu très problématique :
1. Les us et coutumes du pays dans lequel les femmes évoluent (3,11);
2. La culture d'affaires masculine, voire patriarcale (3,11);
3. L'absence de modèle de leadership féminin (3,03);
4. L'absence de flexibilité dans les horaires de travail (2,67);
5. L'absence de possibilité d'assumer des responsabilités et de prendre des décisions importantes (2,62).
«En fait, peu d'organisations adoptent vraiment des plans d'action cohérents pour remédier au problème de la sous-représentation des femmes aux postes de direction, dit Clare Beckton, directrice générale du Centre. Les femmes risquent même de perdre du terrain dans certains secteurs, si cette question n'est pas réglée adéquatement. »
C'est bien simple, si le rythme du changement demeure constant, seulement 37% des postes de cadre supérieur seront détenus par des femmes en 2035, au Canada, d'après l'étude.
«Nous ne pouvons plus tolérer cette progression au ralenti. Les entreprises doivent encourager le leadership des femmes, si elles veulent connaître le succès dans les années qui viennent. Car les femmes possèdent les compétences requises pour les postes de direction et peuvent apporter une contribution non négligeable», dit Jane Allen, associée et chef de la diversité, de Deloitte.
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