De plus en plus d'entreprises s'emploient à lutter contre les obstacles à l'emploi depuis l'adoption de la Stratégie nationale pour l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées par le gouvernement du Québec, en 2008. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire, surtout au sein des grandes organisations.
À lire aussi:
Le parcours ambitieux de Lassana Mané à la RBC
Vaincre les obstacles à l'intégration
«En 2007, nous avons créé un réseau d'entreprises afin d'encourager le marché du travail à être plus réceptif aux compétences des travailleurs ayant des limitations. À l'origine, ce réseau comptait cinq membres. Aujourd'hui, il en regroupe une cinquantaine», se réjouit Claude Séguin, directeur général du Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre (CAMO) pour personnes handicapées.
La Stratégie nationale et les mesures législatives en matière d'équité ne sont sans doute pas étrangères à cette soudaine mobilisation. Mais si de plus en plus d'employeurs cherchent à recruter des personnes handicapées, c'est d'abord pour des raisons économiques.
«Avec la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée que nous connaissons présentement, nous ne pouvons pas nous permettre d'exclure ces talents», affirme Dimitri Girier, conseiller sénior, diversité et inclusion, Gestion des talents, à la Banque Nationale du Canada. Celle-ci est l'une des premières institutions à s'être jointe au réseau d'entreprises pour l'intégration des personnes handicapées mis sur pied par le CAMO.
Pour repérer ces talents et les aider à s'épanouir, la Banque Nationale a conçu un programme de bourses d'études et d'emplois d'été pour les étudiants ayant des limitations fonctionnelles. «Ce programme, dont nous venons de fêter le 25e anniversaire, nous permet de sensibiliser nos gestionnaires à la question de la diversité, tout en aidant ces jeunes, qui ont généralement moins d'expérience de travail que leurs compagnons sans handicap, à acquérir des compétences professionnelles», dit M. Girier.
Culture organisationnelle
La diversité a également un impact positif sur la performance des entreprises, puisqu'elle stimule l'innovation.
«Les gens qui proviennent d'horizons différents ont des façons de penser différentes, ce qui favorise l'éclosion d'idées nouvelles», souligne Diane Nobert, conseillère corporative, développement organisationnel et gestion du changement à la Société de transport de Montréal (STM), qui fait elle aussi partie du réseau d'entreprises du CAMO.
Pour encourager la diversité, cependant, il ne suffit pas de recruter des travailleurs ayant des limitations ; encore faut-il mettre en place une culture organisationnelle qui favorisera leur intégration. «L'entreprise doit commencer par prendre conscience des obstacles auxquels ses travailleurs handicapés pourraient faire face, et trouver des solutions permettant de les surmonter. Car bien souvent, c'est l'environnement de travail, et non l'incapacité, qui empêche la personne d'offrir son plein rendement», explique Claude Séguin..
À la Banque Nationale, où la proportion d'employés ayant une limitation s'élève à 2,2%, on a notamment revu le processus de recrutement, pour faire en sorte qu'il ne soit pas discriminatoire à l'endroit des personnes handicapées.
À lire aussi:
Le parcours ambitieux de Lassana Mané à la RBC
Vaincre les obstacles à l'intégration
«Nous avons donné de la formation à l'ensemble de nos conseillers en recrutement, afin de les sensibiliser à la question de la diversité. Dans le formulaire de demande d'emploi en ligne, nous invitons également les candidats à nous dire s'ils ont une incapacité quelconque. Cela nous permet de faire un meilleur suivi de leur dossier», explique Dimitri Girier.
La STM, qui recense 40 employés ayant déclaré une limitation sur un effectif total de 9544 personnes, s'est elle aussi assurée que son processus d'embauche soit accessible à tous. «Afin de sensibiliser nos gestionnaires et nos équipes, nous avons procédé à des simulations d'entrevue avec des personnes handicapées volontaires. Cet exercice nous a notamment fait réaliser qu'il était important de prendre en considération les candidatures au parcours atypique, lorsqu'on consulte les CV.», dit Mme Nobert.
Il arrive que les postes requièrent eux aussi des aménagements. «Il y a quelques années, nous étions à la recherche d'un commis à l'enquête sur appel. Ce poste implique de nombreux déplacements dans notre réseau, raconte Diane Nobert. Il se trouve que l'un des meilleurs candidats que nous avions reçus en entrevue se déplaçait en fauteuil roulant. Nous avons donc convenu avec lui que nous ferions appel à ses services uniquement pour les stations accessibles aux personnes à mobilité réduite. Il a accepté notre offre et il occupe maintenant un poste permanent.»
Convaincre patrons et syndicats
Selon Yann Arseneault, agent de projets pour l'organisme Soutien à la personne handicapée en route vers l'emploi (SPHERE-Québec), les PME ont habituellement plus de facilité à mettre en place ce genre d'accommodement.
«Dans les grandes organisations, c'est un peu plus complexe et cela exige plus de temps, car tout est très normé. Or, comme le dit souvent la directrice générale de notre organisme, Nancy Moreau, les personnes handicapées ne rentrent pas dans une case», dit-il.
«Dans une PME, nous n'avons qu'une seule personne à convaincre du bien-fondé de notre démarche : le patron. Dans une grande entreprise, nous devons aussi rallier les conseillers en ressources humaines, les directeurs de service... sans oublier les syndicats !» souligne Caroline Chouinard, conseillère au sein du Service externe de main-d'oeuvre Chaudière-Appalaches. Cet organisme aide les personnes aux prises avec une incapacité à intégrer ou à conserver un emploi.
En effet, Mme Chouinard a plus d'une fois été prise à partie par des représentants syndicaux qui s'inquiétaient du fait qu'un de leurs collègues bénéficiait d'un aménagement de tâches en raison d'une incapacité, tout en gagnant le même salaire qu'eux. «Lorsqu'on prend le temps de bien leur expliquer la situation, les gens finissent par collaborer. Pour protéger les droits des autres travailleurs, il est aussi possible d'inclure une lettre d'entente dans la convention collective», précise-t-elle.
Inclure par l'emploi
Série 2 de 3. Des solutions pour faciliter le recrutement et l'adaptation à l'environnement de travail des employés atteints d'une limitation.
À lire aussi:
Le parcours ambitieux de Lassana Mané à la RBC
Vaincre les obstacles à l'intégration