LesAffaires.com vous propose des extraits de livres publiés aux Éditions Transcontinental. Cette semaine, nous vous présentons des passages du livre Critiquer sans blesser, qui donne une séries de conseils pour mieux aborder les situations délicates au bureau.
Protéger l’estime de soi de la personne critiquée
J’ai déjà entendu un directeur de publicité dire à un adjoint : « Ta mise en pages aurait dû être plus aérée, tu n’as pas utilisé les bonnes couleurs et ton concept ne tient pas. »
J’ai déjà entendu un directeur des ventes critiquer ainsi un représentant : « Tu as tout gâché. Tu dois plus prêter attention à un client potentiel. Tu ne l’écoutais pas. Tu n’es peut-être pas fait pour ce travail. »
Même si elles étaient axées sur l’amélioration, des critiques comme celles-là attaquent l’estime de soi. Elles insistent sur le fait que la personne a mal agi et laissent entendre qu’elle n’a peut-être pas le talent pour faire mieux. Ces messages blessent l’ego.
Même si l’on affirme souvent que « les paroles s’envolent », rien n’est moins vrai. La majorité des gens l’admettent à regret, mais certains propos peuvent blesser davantage et pour plus longtemps que des coups physiques. Et les critiques ont souvent cet effet des plus néfastes.
En réalité, la critique et l’estime de soi sont intimement liées, car la critique a le pouvoir d’augmenter ou de diminuer l’estime de soi. Pour expliquer tout cela, nous allons faire un bref résumé de la recherche sur l’estime de soi.
Paradoxalement, l’image de soi ne se construit pas de l’intérieur vers l’extérieur, mais de l’extérieur vers l’intérieur. Nous nous voyons à travers les yeux des autres. L’estime de soi se bâtit à partir de la façon dont nous croyons que les autres nous voient et nous jugent.
Dès les toutes premières remarques que lui font son père et sa mère, l’enfant assimile ce qu’il voit et entend – des paroles précises, des gestes, des expressions du visage, le ton de la voix – pour déterminer si ses proches lui envoient un message positif ou négatif. De son interprétation dépend l’estime de soi qu’il acquerra.
Si ses proches lui font beaucoup de critiques négatives, l’enfant finit par manquer de confiance en lui et par être insatisfait de lui. Par ailleurs, il évalue sa performance (même lorsqu’elle est positive) comme le font les autres à son égard, soit en ne retenant que les aspects négatifs et les défauts de la situation.
Ces deux éléments, soit les critiques négatives des proches et une autocritique négative, entraînent une faible estime de soi. Et, croyez-moi, une faible estime de soi est un lourd handicap.
Alors qu’une forte estime de soi donne un élan pour tenter de relever de nouveaux défis, pour s’engager dans de nouvelles relations et pour se remettre rapidement des échecs, une faible estime de soi a tous les effets contraires. Elle fait entrevoir les nouvelles tâches avec inquiétude. Elle rend les relations avec les autres difficiles, qu’il s’agisse de collègues ou de clients. Elle rend les malheurs plus difficiles à surmonter. Et, surtout, elle rend malheureux.
Un autre problème subsiste. Une personne ayant une faible estime de soi considère les critiques de l’une ou l’autre des deux manières suivantes :
1. Par habitude, elle voit en toute critique une autre preuve du fait qu’elle ne vaut rien. Les pensées négatives émergent rapidement, et la critique n’est jamais évaluée à sa juste valeur; elle est simplement enregistrée comme un message négatif. Le cercle vicieux de la faible estime de soi se poursuit.
2. Une personne qui a une faible estime de soi perçoit la critique comme une attaque qu’elle doit éviter à tout prix. Sa faible estime de soi lui impose de se confondre en excuses, de s’emporter et même de se venger ou d’avoir toute autre réaction rarement productive.
Dans un cas comme dans l’autre, la faible estime de soi empêche de tirer profit de l’une des principales fonctions de la critique : un mécanisme d’apprentissage qui permet à une personne de prendre conscience d’elle-même en comprenant précisément comment les autres la perçoivent. C’est cette prise de conscience qui permet à quelqu’un de s’améliorer.
Heureusement, toutefois, l’estime de soi n’est pas déterminée par l’ADN, et la critique constructive peut contribuer à la façonner, quand les autres formulent leurs critiques de façon à la protéger. Ainsi, la critique est plus efficace, car l’interlocuteur est en mesure de juger objectivement l’information reçue. Comme son estime de soi n’est pas attaquée ni dénigrée, la réaction de défense conditionnée est court-circuitée. L’interlocuteur réagit de façon plus constructive. Il peut utiliser l’information pour en apprendre davantage sur lui-même et pour prendre les mesures nécessaires à l’amélioration de son travail. L’estime de soi de l’interlocuteur étant stimulée, celui-ci se fait offrir de meilleurs atouts pour réussir sa vie.
Rappelez-vous les exemples donnés au début de cette section. La critique du directeur de publicité aurait été plus efficace si elle avait été formulée comme suit : « Que penserais-tu d’espacer les illustrations et de choisir des couleurs plus vives ? » Le directeur des ventes aurait davantage aidé son représentant en lui disant : « Tu obtiendrais peut-être plus de résultats si tu demandais de temps en temps à ton client potentiel s’il a des questions. Il se sentirait davantage engagé. »
Il existe d’autres avantages à faire une critique qui protège l’estime de soi de l’interlocuteur. Notamment, ce genre de critique ouvre la voie à des critiques à venir. Comme l’ego de l’interlocuteur est intact, ou même rehaussé, l’interlocuteur en vient à considérer l’émetteur comme une personne-ressource crédible, quelqu’un dont les opinions méritent d’être prises en compte. Par conséquent, les critiques futures de l’émetteur seront bienvenues et même attendues. De cette façon, l’émetteur aidera l’interlocuteur à s’améliorer avec le temps.