Quand le ministère de l'Éducation, voyant le déclin démographique, a demandé au milieu scolaire de rationaliser son offre de formation, des choix difficiles ont surgi. Partout, il fallait éliminer les doublons. Partager les ressources. Fermer des classes. Ce genre d'exercice vire facilement à la foire d'empoigne. Personne ne veut se faire hara-kiri et chacun tire la couverture. Mais dans le Bas-Saint-Laurent, on a procédé autrement.
Les membres de la Table interordres de l'éducation (qui regroupe l'Université du Québec à Rimouski, les cégeps de Rimouski, Matane, La Pocatière et Rivière-du-Loup, ainsi que les commissions scolaires) se sont alliés à la Conférence régionale des élus (CRÉ) et à Emploi-Québec pour réaliser une étude prospective du marché de l'emploi sur dix ans.
Objectif : planifier l'offre de formation en fonction de l'environnement socio-économique et de l'évolution du marché de l'emploi.
" Si on a une meilleure idée de ce qui s'en vient dans 10 ans, on sera mieux outillé pour faire les bons choix, explique Gilles Gagnon, responsable de l'innovation et du développement à la CRÉ du Bas-Saint-Laurent. Même si une telle démarche ne vise jamais juste à 100 %, c'est déjà une bonne base. "
Des prévisions sur 10 ans
M. Gagnon s'est mis à la recherche d'outils prospectifs, et c'est en France qu'il a découvert un programme de développement régional intéressant. Le groupe a ensuite confié aux consultants de SECOR le mandat d'adapter l'outil au Bas-Saint-Laurent.
L'exercice a commencé par le recensement des quelque 700 métiers et professions de la région, qui concernent 100 000 emplois répartis dans 10 000 entreprises.Étape suivante : examiner les grandes tendances mondiales qui influeront sur ces métiers et professions. Les marchés, les évolutions technologiques et sociales des 10 prochaines années... Comment cela touchera les métiers du Bas-Saint-Laurent ? Deviendront-ils caducs ? Les travailleurs devront-ils se spécialiser ?
Le Bas-Saint-Laurent est la première région québécoise à adopter cette démarche. En temps normal, le milieu de l'éducation et les employeurs se contentent d'outils prévisionnels fournis par Emploi-Québec, mais ces derniers sont quantitatifs et se limitent à une perspective de cinq ans. " La démarche prospective est à plus long terme et introduit des notions qualitatives sur l'évolution des compétences, explique Diane Vallières, directrice régionale d'Emploi-Québec Bas-Saint-Laurent. Elle nous donne des scénarios de changements et nous permet de mieux qualifier les compétences à développer. "
Un exercice au service des PME
La première phase de cet exercice est terminée. On dispose maintenant d'une banque prévisionnelle pour tous les emplois de la région. La balle est maintenant dans le camp des institutions d'enseignement et des employeurs de la région pour qu'ils puissent s'en servir comme outil de développement des compétences.
Les institutions d'enseignement pourront mieux se répartir l'offre de formation. Les partenaires espèrent même attirer des clientèles de l'extérieur, pour des cours qui seront uniques à la région. Michel Ringuet, recteur de l'UQAR et président de la Table, mentionne notamment le soudage au laser et l'éco-construction.
La démarche fournira aux conseillers en orientation de meilleurs outils pour aider les jeunes - et des arguments pour les fidéliser dans le Bas-Saint-Laurent.
Et les employeurs ? C'est aussi pour eux que l'exercice a été fait. " Peu de PME ont des services de gestion des ressources humaines capables de prévoir l'évolution de l'emploi sur 10 ans. Nous pourrons travailler avec eux ", affirme Mme Vallières.