Débordé ? Votre agenda n'arrive plus à contenir tous ces rendez-vous ? Et le petit dernier qui a sa pratique de hockey dans une heure... Ouf ! Promis, on ne vous prendra que quelques minutes, mais lisez ceci : vous comprendrez pourquoi vous êtes essoufflé. Et vous trouverez des solutions.
Vous le savez, vous le vivez : la pression qu'exerce la vie professionnelle sur la sphère personnelle a beaucoup augmenté depuis 30 ans.
Dans le cadre d'une étude commandée par le Conseil de la famille et de l'enfance du Québec, le sociologue Daniel Mercure, de l'Université Laval, a réalisé un sondage auprès de travailleurs pour connaître les critères les plus importants dans le choix d'un emploi. À sa surprise, un horaire de travail convenable est arrivé en tête. Un horaire difficilement prévisible, coupé, irrégulier, occasionnel ou des heures supplémentaires non rémunérées, très peu pour les travailleurs.
" Comme le contexte économique mondial très concurrentiel pousse les employeurs à faire appel à une plus grande mobilisation du temps de leurs employés, une véritable discordance semble se dessiner entre les aspirations des travailleurs et les exigences des employeurs ", affirme M. Mercure.
D'après l'Institut de la statistique, les Québécois travaillent 31,7 heures par semaine, par rapport à 33,9 il y a 30 ans. On semble travailler moins. Mais, selon l'universitaire, ces données sont faussées, car elles comptabilisent le nombre d'heures travaillées par individu et non par famille.
" Les trois quarts de tous les responsables d'un ménage occupent maintenant un emploi, ce qui est sans commune mesure avec la faible diminution de la semaine individuelle de travail ", souligne M. Mercure.
Quand le travail envahit la vie
" Oubliez les statistiques sur le temps de travail individuel, renchérit Cid Ahmed Soussi, sociologue du travail à l'UQAM. La réalité, c'est que de plus en plus de travailleurs doivent rester branchés à leur téléphone intelligent jusque tard le soir ; que de plus en plus de travailleurs envoient des textos professionnels en soupant avec des amis ou en regardant leur enfant jouer au hockey ; que de plus en plus de travailleurs vérifient leurs courriels professionnels avant d'aller au lit. Il y a une intensification du travail, c'est-à-dire un accroissement du stress et de la surcharge mentale des travailleurs, et un envahissement croissant des temps sociaux, dont les chiffres ne peuvent plus rendre compte. "
Et cela, sans compter l'augmentation notable du temps de travail chez les adolescents et les jeunes adultes habitant chez leurs parents, ce qui met encore plus de pression sur la famille. Fiston ne pourra pas commencer à préparer le repas s'il travaille au dépanneur.
En outre, les jeunes familles comptaient sur leurs parents retraités pour alléger leur tâche. Mais ce sera pour une autre décennie, les caisses de retraite vides poussant massivement les travailleurs plus âgés à retarder leur retraite, quand ce n'est pas carrément à réintégrer le marché du travail.
" Les exigences de mobilisation, de productivité, de flexibilité et de polyvalence sont en train de faire éclater les frontières entre vie de travail et vie personnelle, avec à la clé une surcharge mentale des travailleurs comme on n'en a jamais vue ", soutient M. Mercure.
Décidément, les sociologues du travail ne sont pas des plus optimistes par les temps qui courent. " Les technologies et les exigences de la mondialisation font que le travail déborde toujours plus sur la vie personnelle et familiale ", estime aussi M. Soussi.
Il n'y a pas si longtemps, on accomplissait une tâche après l'autre. De plus en plus, les travailleurs doivent effectuer plusieurs tâches en même temps. " Comme chacune de ces tâches se termine à des moments différents, le travailleur est toujours préoccupé ; il n'a jamais droit à une pause. Ça devient extrêmement exigeant à gérer ", poursuit le sociologue de l'UQAM. À tous ces malheurs est venue s'ajouter la précarité des emplois, amplifiée par la récession. " De peur d'en manquer, les travailleurs multiplient les contrats pour se sécuriser, explique M. Soussi. Cela accroît leur surcharge mentale. "
Selon vous, l'emploi idéal offre...
... un horaire de travail convenable 56,1 %
... une sécurité d'emploi 54,5 %
... une charge de travail raisonnable 47,0 %
... un bon salaire et des avantages sociaux 41,4 %
... des possibilités d'avancement 25,6 %
Source : Daniel Mercure, Université Laval
Pour des patrons certifiés conciliants
Le gouvernement du Québec lancera une norme sur la conciliation travail-famille d'ici quelques semaines, a appris Les Affaires. Cette norme volontaire, qui sera administrée par le Bureau de normalisation du Québec, n'attend plus que la bénédiction du ministère de la Famille pour être lancée officiellement. Des raisons politiques en retardent l'annonce depuis plusieurs mois.
" La présente norme s'applique à tous les types d'organisations [...] désireuses de mettre en oeuvre et de maintenir des mesures et des pratiques de conciliation travail-famille qui demeurent en adéquation avec les besoins exprimés à la fois par les travailleurs et par les travailleuses et les organisations ", peut-on lire dans le document disponible sur Internet.
Le document de 58 pages parle notamment de réduction du temps de travail, d'horaires de travail adaptés, de prévisibilité des horaires, de semaine de travail comprimée, d'utilisation de banques d'heures et de congés compensatoires et sans solde.
En outre, les entreprises qui le souhaitent pourront demander au Bureau de normalisation du Québec de certifier leur politique de conciliation travail-famille.
Pour consulter la norme, rendez-vous à l'adresse tinyurl.com/4vohzgu.
Comment s'en sortir
Prioriser
" Si vous voulez vraiment quelque chose, vous trouverez du temps à y consacrer. En réalité, la plupart des gens ne tiennent pas vraiment à ce qu'ils disent vouloir et évoquent le manque de temps pour ménager leur ego. Ne vous en sortez pas avec cette excuse. Vous avez la responsabilité de réaliser vos rêves. "
Décider
" Quand vous reportez des décisions, elles s'empilent. Et comme toujours avec les piles, tout ce qui s'y trouve finit par être oublié, bâclé ou jeté.
Résultat : les problèmes restent en suspens. Autant que possible, dites : " Prenons une décision " plutôt que : " Prenons le temps d'y penser. " Osez trancher. N'attendez pas la solution idéale ; décidez-vous et allez de l'avant. "
Reculer
" Quand quelque chose ne va pas, on a tendance à en rajouter : plus de temps, plus d'argent, plus de personnel. Et tout ça ne fait qu'empirer le problème. Pour y remédier, il faut au contraire revenir sur ses pas [...]. Si vous commencez à reculer les échéances et à augmenter le budget, vous n'en finirez jamais. "
Dormir
" Vous priver de sommeil est une mauvaise idée. Bien sûr, cela vous donnera quelques heures de plus dans l'immédiat, mais vous les paierez au centuple. Votre créativité en souffrira, de même que votre moral et votre attitude. "
Source : Réinventer le travail, de Jason Fried et David Heinemeier Hansson, Éditions Transcontinental
dominique.froment@transcontinental.ca